Enceinte, une concubine s'enfuit du palais avant qu'elle ne soit mise à mort. Prise en charge par un guerrier qui prétend être le général Zhao, elle se dirige vers l'auberge du dragon de manière à pouvoir franchir la frontière et ne plus être rattrapée. Une auberge qui va devenir un lieu de rendez-vous mortel pour ceux qui la pourchassent mais aussi, entre autres, pour les rebelles opposés au régime et menés par le général Zhao.
Dès ses débuts, Tsui Hark touche au film de sabre, le fameux Wuxia Pian, et applique sa propre marque à un genre très classique. Ce sera le cas de son tout premier long-métrage pour le cinéma, THE BUTTERFLY MURDERS, ou un peu plus tard avec le mythique ZU, LES GUERRIERS DE LA MONTAGNE MAGIQUE. Avec ces deux titres, le cinéaste reprend une forme cinématographique profondément ancrée dans la culture chinoise et y intègre les évolutions d'un cinéma plus occidental. Mais on pourrait faire cette remarque sur une grande partie de la filmographie de Tsui Hark, le cinéaste ayant revisité un grand nombre de classiques du cinéma, souvent adapté de la littérature ou évoquant des personnalités marquantes de la Chine. Parmi ces relectures, parfois radicales, il est impossible de ne pas penser à la série des IL ETAIT UNE FOIS EN CHINE, aux HISTOIRES DE FANTOMES CHINOIS, à THE BLADE, au récent DETECTIVE DEE ou encore au magnifique THE LOVERS.
DRAGON GATE, LA LEGENDE DES SABRES VOLANTS s'inscrit donc pleinement dans cette démarche. En effet, il s'agit d'une nouvelle adaptation de DRAGON GATE INN, film réalisé par King Hu et datant des années 60. Tsui Hark s'était d'ailleurs déjà attaqué à ce film en produisant, et réalisant officieusement, L'AUBERGE DU DRAGON. Vingt ans après, il revisite l'histoire et lui applique pas mal d'aménagements et tourne même le film en relief. Comme il l'avait fait durant les années 80 en invitant des spécialistes des effets spéciaux américains, Peter Kuran et Robert Blalack, sur le tournage de ZU, LES GUERRIERS DE LA MONTAGNE MAGIQUE, Tsui Hark prend conseil auprès de Chuck Comisky. Le superviseur des effets 3D de AVATAR, l'une des références du cinéma en relief, va ainsi prodiguer son savoir-faire à l'équipe de tournage du film. Et il faut bien reconnaître que dans DRAGON GATE, LA LEGENDE DES SABRES VOLANTS, on s'en donne à coeur joie. Bien sûr, le film nous balance au visage quelques objets tranchants mais Tsui Hark compose sans cesse avec la 3D de manière plus subtile et immersive. Il n'a de cesse de créer une profondeur de champ, de placer des objets en surimpression de l'action pour mieux mettre en valeur la 3D. Le résultat est surprenant, pas toujours entièrement probant mais au moins spectaculaire. On pense par exemple à l'ouverture du film, survolant une ville où le relief fait son effet mais où les images numériques montrent aussi, un peu, leurs limites. Peu importe, cette ouverture du film immerge tout de suite le spectateur à l'intérieur de l'écran géant, donnant un aspect spectaculaire aux images et distillant un effet de vertige. La 3D de DRAGON GATE, LA LEGENDE DES SABRES VOLANTS est ainsi parfaitement intégré au spectacle !
En plus d'être le premier Wuxia Pian en relief, DRAGON GATE, LA LEGENDE DES SABRES VOLANTS permet à Tsui Hark de renouer avec Jet Li. Toutefois, à l'origine, le cinéaste chinois propose le rôle à Donnie Yen qui préfère ne pas s'engager sur ce projet, arguant qu'il était déjà dans L'AUBERGE DU DRAGON et qu'il n'a pas l'envie de jouer dans le remake de l'un de ses films. C'est ainsi que l'attention va donc se reporter sur Jet Li. Le comédien n'a pas travaillé avec Tsui Hark, en tant que producteur, depuis le milieu des années 90 et ce même si c'est le réalisateur chinois qui a transformé Jet Li en véritable Star avec IL ETAIT UNE FOIS EN CHINE. Etrangement, et malgré un salaire imposant, le personnage incarné par Jet Li est un peu évanescent dans le déroulement de DRAGON GATE, LA LEGENDE DES SABRES VOLANTS. On le voit ainsi surtout au début puis dans la dernière partie du métrage, le reste du temps, son personnage est surtout évoqué. Mais cela s'explique par l'intrigue brassant différentes factions et de nombreux personnages s'inscrivant dans la grande tradition du Wuxia Pian. On pense bien évidemment à des films comme LA LEGENDE DU LAC de Chang Cheh ou bien encore aux HEROIQUES de King Hu. De fait, si les affrontements de DRAGON GATE, LA LEGENDE DES SABRES VOLANTS sont spectaculaires, il faudra tout de même focaliser une grande attention sur les éléments mis en place de manière à ne pas se sentir totalement perdus au milieu de chassés croisés, d'intrigues, de rebondissements, de revirements de situation, d'alliances et de traîtrises inattendues.
Bien que Tsui Hark ait déjà produit un remake à DRAGON GATE INN avec L'AUBERGE DU DRAGON, ce nouveau film s'en écarte. On retrouve bien l'auberge frontalière, devenu un lieu de rendez-vous de plusieurs factions rivales. On retrouve aussi la curieuse cuisine cannibale de L'AUBERGE DU DRAGON mais cet aspect de l'histoire se montre ici un peu plus anecdotique. Au même titre que le déguisement de l'un des personnages essayant de se faire passer pour un homme, comme Brigitte Lin, toujours dans L'AUBERGE DU DRAGON. Mais les grandes nouveautés, c'est de détourner les raisons des affrontements avec une machiavélique machination pour mettre un terme à une rébellion ou encore une histoire de trésor enfoui dans une citée perdue au milieu du désert. Des aménagements surprenants et plutôt bienvenues pour qui connaît les films précédents. De plus, ces nouveautés permettent de rendre l'action encore plus cinématographique qu'elle ne l'était déjà ou bien de tirer parti des avancées technologiques des effets digitaux. DRAGON GATE, LA LEGENDE DES SABRES VOLANTS ne se contente pas d'une auberge perdue au milieu du désert. Le film met en œuvre une gigantesque tempête, terrain de jeu d'un combat hors norme. Au même titre qu'une légendaire cité abandonnée propose un grandiose décor à des affrontements virevoltants. Tsui Hark prouve encore son génie visuel et son inventivité en nous proposant, par exemple, une arme assez inattendue composée d'un mince fil tranchant comme une lame de rasoir. Le métrage se montre au final une réussite, enthousiasmante et plutôt fun, sans pour autant s'ériger comme un incontournable du genre !