Projet pour le moins surprenant, THE ABCs OF DEATH est un film à sketchs proposant 26 segments. Un pour chacune des lettres de l'alphabet de manière à présenter un abécédaire horrifique tournant autour de la mort. Mais l'idée est aussi de proposer à différents cinéastes, d'origines très diverses, venant de tous les continents, de réaliser l'un de ces petits segments. Les initiateurs du sujet vont même plus loin encore en proposant à quiconque de réaliser un sketch de manière à concourir et gagner une place à bord de THE ABCs OF DEATH. C'est ainsi que Lee Hardcastle réussit à s'incruster au milieu des autres cinéastes de cette anthologie. Mieux, le petit film de Lee Hardcastle propose de l'animation en image par image ce qui peut surprendre. Mais en réalité, et c'est certainement la force de THE ABCs OF DEATH, chacun des cinéastes amènent sa sensibilité, ses points de vue, ses influences et bien évidemment sa patte. Elle est à modeler dans le cas de Lee Hardcastle qui nous propose une étonnante lettre «T». Nous n'allons d'ailleurs pas révéler les mots choisis pour chacun des segments, ce serait d'une bêtise sans nom. Car le film fonctionne aussi de manière très ludique. Le titre de chacun des petits films ne vient qu'à sa toute fin. Du coup, on sait quelle lettre nous est contée, les sketches sont classés alphabétiquement, mais on peut s'amuser à essayer de trouver le mot avant que celui-ci ne soit dévoilé. Néanmoins, il faut vous prévenir, cet abécédaire n'a rien d'évident. La lettre la plus évidente étant sûrement le «A», mis en scène par Nacho Vigalondo qui fait preuve d'un humour noir bien venue pour ouvrir les hostilités. Toutefois, on notera que certains mots se montrent limite hors sujet. Mais, au moins, on ne tombe pas dans la facilité qui aurait mené à un «V» pour «Vampire», à un «T» pour «Tronçonneuse» ou un «Z» pour «Zombie».
Avant de continuer, il est important de préciser que si lors de la promotion, on parle de 26 réalisateurs pour le film, en réalité, ils sont beaucoup plus puisque certains des segments ont été réalisés en duo à l'instar de Hélène Cattet et Bruno Forzani qui livrent la lettre «O». Les Français sont aussi représenté par Xavier Gens qui nous propose une mémorable lettre «X». Mémorable car son court fait partie des seuls à proposer un véritable fond et surtout donner matière à réflexion sur notre société, le tout en passant par un éprouvant épilogue sanglant ! De quoi s'interroger sur les dictats des médias et de la mode mais aussi sur le regard des autres qui génèrent un malaise, forçant les gens à se conformer à un moule établi. D'ailleurs, au premier contact, lors des premières secondes, on peut être amené à sourire de la situation exposée avant que ne s'installe un véritable malaise, à l'écoute des diverses réflexions des personnages rencontrés. Un malaise tout aussi fort et violent, au final, que la petite folie gore qui ne manque pas de survenir !
D'autres sketches sont tout aussi réussis et ce pour diverses raisons. On notera par exemple, le «F» ou Noboru Iguchi réussit encore à nous surprendre. Il nous propose ainsi une vignette surréaliste qui navigue dans des eaux où peu se sont aventurés jusqu'à aujourd'hui. Le cinéaste étonne car il ne se lance pas dans une histoire ouvertement sanglante. Impossible de ne pas sourire à cette farce totalement folle au croisement entre poésie et "scatologie". De l'humour, on en trouve pas mal dans THE ABCs OF DEATH et la lettre «Q» se montre particulièrement croustillante. En effet, Adam Wingard et Simon Barrett nous proposent une véritable mise en abyme. En premier lieu car ils se mettent en scène, s'interrogeant sur la marche à suivre pour créer leur propre court-métrage. Mais cette lettre «Q» est aussi, quelque part, une étonnante réflexion sur le cinéma d'horreur à notre époque. La question qu'il se pose, c'est justement de savoir de quelle manière il leur serait possible de sortir du lot et donc de choquer l'auditoire. Le résultat est l'une des petites pépites qui se cachent au sein de THE ABCs OF DEATH.
Cette anthologie bouscule aussi les a priori. Pas tous mais en tout cas, force est de reconnaître que certains cinéastes livrent des essais inattendus. Ainsi, le «D» de Marcel Sarmiento est un passage réellement bluffant d'un point de vue esthétique ce qui tranche radicalement avec l'aspect assez vulgaire de son film DEADGIRL. Il y a donc de bonnes surprises mais aussi de mauvaises. C'est le cas, par exemple, de la lettre «P» mise en boîte par le réalisateur de RED WHITE & BLUE, Simon Rumley. Il en va de même de Jake West pour la lettre «S» ou encore Andrew Traucki et son «G». Et puis il y a aussi ceux qui confirment ce que l'on pense d'eux. Comme Ti West qui, comparé aux autres, propose un véritable foutage de gueule qui ne joue que sur une provocation sans intérêt, donnant presque l'envie de supprimer la lettre «M» de l'alphabet !
(-ais, on serait un peu dans la -erde pour co--uniquer quand -ê-e, donc ne so-brons pas dans l'extrê-is-e !).
THE ABCs OF DEATH va parfois très loin. Timo Tjahjanto nous propose une lettre «L» évoquant plusieurs sujets que l'on met rarement en avant comme la masturbation et la pédophilie. Ce dernier sujet, on le retrouve aussi dans la lettre «Y» de Jason Eisener, réalisateur de HOBO WITH A SHOTGUN. Il nous propose un clip très 80's particulièrement bien mis en image et mis en musique avec autant de soin. On ne pourra malheureusement pas louer les qualités techniques de chacun des métrages. Sur les 26 lettres, on passe ainsi de différents types d'image, photos et ambiances. Si nous avons évoqué, l'animation, on la retrouve aussi dans un amusant «K» en provenance du Danemark. Notons aussi une version «live» d'un dessin animé de Tex Avery où s'affrontent une chatte nazie et un bouledogue allié. Un court fou à lier, justement, pour la lettre «H» ! On nous propose aussi de purs moments de comédie comme le «N» du Thaïlandais Banjong Pisanthanakum.
Difficile de tous les citer ! En tout cas, THE ABCs OF DEATH a deux mérites. Le premier, c'est bien évidemment de réunir autant d'intervenants, donnant à THE ABCs OF DEATH une richesse de style, de thèmes ou encore de nullité sans commune mesure. Mais le deuxième mérite est certainement de nous offrir un film qui permettra, après de longues discussions, de trouver les nuances dans les sensibilités de chacun. Car si on peut éventuellement tomber d'accord sur certains des sketches, il sera bien plus intéressant de se lancer dans des discussions à propos de l'intégralité du film. Donnant, à l'issue, un aperçu de ce qu'aime, ou pas, votre interlocuteur dans le domaine de l'horreur mais aussi, plus largement, du cinéma ! Et ça, il faut bien l'avouer, c'est peu banal !