Header Critique : THE SEASONING HOUSE

Critique du film
THE SEASONING HOUSE 2012

 

Dans un pays frappé par une guerre civile, des militaires assassinent trois ou quatre villageois et capturent des jeunes femmes. Elles seront envoyées dans une maison d'abattage pour satisfaire les besoins brutaux et sexuels des clients. Parmi les nouvelles arrivées, une jeune muette est prise sous l'aile du maître des lieux...

Evoluant dans le domaine des effets spéciaux depuis une vingtaine d'années en Grande Bretagne, Paul Hyett se dit qu'il serait temps de mettre ses compétences à son propre service. C'est ainsi qu'il développe une idée de film intitulé THE BLACK SITE mais lorsque le calcul du budget est réalisé, le producteur explique au chevronné cinéaste qu'il n'est qu'un débutant dans le domaine de la mise en scène et qu'il serait préférable de claquer moins d'argent. Paul Hyett est donc contraint de changer son fusil d'épaule et de ranger son thriller psychologique en attendant de faire ses preuves. Ca le mène donc à THE SEASONING HOUSE, une idée d'Helen Solomon qui plait au producteur. Ce dernier y voit l'opportunité d'un métrage plus facile à vendre et bien moins coûteux à mettre en boîte. Une jeune femme muette se retrouve donc prisonnière d'un bordel, l'idée sera développée rapidement par Paul Hyett et son comparse Conal Palmer qui ajoutent un fond historique au métrage. Voilà en gros la genèse d'un film présenté par son réalisateur comme une œuvre forte et importante car exposant des faits réels. Le bougre nous expliquant, limite la larme à l'oeil, que tout cela s'est produit et qu'il a fait des recherches approfondies sur la condition d'une partie de la population féminine au cœur des zones de guerre, particulièrement lors du conflit dans les Balkans. Certains voient même dans son film une oeuvre pro-féministe... Halte au foutage de gueule !

THE SEASONING HOUSE est, au final, une oeuvre putassière et d'une complaisance rare. Apparemment, personne n'a cru bon d'expliquer à Paul Hyett qu'on ne s'attaque pas aux sujets graves en leur donnant des coups de rangers dans la gueule. Qu'on ne défend pas les femmes obligées de se prostituer en profitant de leur misère pour faire du pognon avec un film. Ou bien, encore, que la nuance est de mise quand on parle d'une population plutôt que de tous les réduire à une petite poignée de victimes, quelques silhouettes brutes et veules ou, surtout, à des sadiques parlant en anglais avec un accent à couper au couteau. La subtilité, THE SEASONING HOUSE ne connaît pas ! Dans sa première partie, le film ne va pas plus loin qu'une évocation sordide de femmes droguées et violées, on s'arrête à peine pour esquisser une relation d'amitié et tirer le portrait d'un souteneur qui parle lentement pour bien montrer qu'il est maléfique. Une constante puisque la plupart des personnages masculins adoptent ce phrasé en déclamant des dialogues au vocabulaire aussi limité que le message qui s'y trouve. Ce ne sont que des gens des Pays de l'Est, après tout ! THE SEASONING HOUSE proposerait un décalage, une distanciation dans son propos, on pourrait éventuellement voir la chose comme de l'ironie, comme une bande dessinée pour adultes. Même pas, Paul Hyett filme au premier degré et il nous rappelle qu'il veut creuser le sillon de l'extrême. On peut dès lors se demander légitimement de quel extrême, il est en train de nous parler. Pour le coup, la réalité historique ayant bon dos !

Mais admettons que Paul Hyett soit honnête dans sa démarche, comment expliquer que le cinéaste prend les spectateurs pour des mous du bulbe ? Exemple flagrant lors de l'arrivée à la maison d'abattage du personnage incarné par Sean Pertwee, comédien britannique au visage très connu et qui est apparu quelques minutes auparavant dans le film. Paul Hyett nous propose un micro flash back, le temps de rappeler en une image quel est le passif du personnage, quel choc sa vision peut provoquer sur l'héroïne. On peut voir cela comme un rappel à l'ordre pour ceux qui se seraient endormis entre deux viols. Mettons la chose sur le compte de la maladresse d'un premier film. Mais avec une démarche honnête, comment peut-on aborder un sujet aussi grave pour le résumer à un simple film d'horreur ? Car dans sa deuxième partie, THE SEASONING HOUSE prend un virage grotesque avec des points culminants dont même Bruno Mattei aurait honte (bon, probablement pas, mais ça donne une idée). Encore une fois, tout cela ne serait pas gênant si THE SEASONING HOUSE ne se prenait pas au sérieux. On serait sûrement plus indulgent face aux ingrédients du film si cela adoptait l'aspect concon de la série des ILSA, pourtant bien gratinés. Métrage jouant plus sur un fétichisme SM avec une nana aux gros seins plutôt que sur l'envie de vouloir nous donner une leçon d'Histoire avec un H bien crapoteux !

Paul Hyett veut donc dénoncer, à son niveau, la cruauté humaine et ce qui s'est déroulé dans notre passé (mais loin de son pays d'origine, faut pas déconner). Et pour cela, il le dit lui-même, il s'inscrit dans la mouvance du cinéma d'horreur extrême français. Il nous cite donc MARTYRS, FRONTIERE(S) ou encore A L'INTERIEUR. Trois oeuvres qu'on apprécie ou pas mais qui tentent, au moins, d'apporter une patte particulière, d'insuffler du neuf dans la redite sans pour autant sombrer dans le même cynisme et la même vulgarité que ce SEASONING HOUSE. Au point qu'on peut se demander si, sans en vérifier la cause réelle, le malaise d'une personne lors de la projection au PIFFF 2012 ne sera pas rapidement récupéré pour la promotion de cette œuvre de pure exploitation, dans ce que cela peut avoir de pire. Car THE SEASONING HOUSE ne peut pas se targuer d'être un précurseur, de se montrer frondeur dans ce qu'il montre. Le métrage ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes depuis déjà bien longtemps. Oui, nous sommes d'accord, la guerre, c'est mal. Les armes, c'est nul. La drogue, c'est de la merde. Et asservir des personnes, c'est inhumain ! Ca, on le sait, on n'a pas attendu ce film pour regarder les infos, pour se documenter sérieusement en zappant sur une chaîne documentaire. Oui, on le sait qu'on vit dans un monde de merde ! Mais le souci, c'est que THE SEASONING HOUSE ne sert à rien, n'amène rien de neuf, ne réveillera pas les consciences et ne changera donc rien... Tout ce que prouve THE SEASONING HOUSE, c'est qu'on peut avoir travaillé sur les effets spéciaux d'un des plus grands films d'horreur des années 2000, THE DESCENT, et ne pas réussir à en tirer ne serait ce que quelques leçons. Ou pire encore... Après un siècle de cinéma d'horreur, parsemé d'un imaginaire foisonnant, de vampires, de goules et autres créatures aussi horribles que "merveilleuses", de cinéastes aussi marquants que James Whale, Jacques Tourneur ou bien Terence Fisher, si l'avenir du cinéma d'horreur, c'est se rouler dans la merde comme THE SEASONING HOUSE. Cela fait effectivement peur surtout qu'il n'est pas le seul ! Donc, il serait peut être temps d'arrêter avec l'idée qu'un film doit absolument être transgressif, doit maladroitement choquer le spectateur, doit enculer n'importe quel dogme ou valeur morale au nom de la liberté du cinéma, en se prenant pour une oeuvre d'art alors qu'il n'a finalement rien à dire de pertinent !

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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