Lorsque David Kelley eut l'idée d'écrire LAKE PLACID, il ne se douta pas de la suite des événements. Steve Miner a réalisé un faux film de monstre élégamment mené, fun et doté d'un belle énergie communicative. Curieusement, LAKE PLACID 2 arriva quelques huit années après, destiné au marché du câble et de la video. Médiocre remake de son aîné, il réussit cependant à bien se vendre... pour engendrer en 2010 ce LAKE PLACID 3, toujours tourné en Bulgarie.
Le scénario ? Sur le papier, il existe. Dans les faits: des gros crocodiles s'attaquent aux idiotes à seins nus au bord du "Black Lake". Un zoologiste nommé Noah Bickerman (Colin Ferguson) intervient. Voilà. On balance aussi une chasseuse cougar experte (Yancy Butler) et quelques seconds rôles et le tour est joué.
John Barrowman, qui joue Jack Harkness dans la série TORCHWOOD, racontait dans sa biographie qu'il a accepté SHARK ATTACK III par temps de grande disette. Hormis une légendaire ligne de dialogue très crue et les pires effets spéciaux de requins sur Terre, rien ne reste de ce SHARK ATTACK-là. C'est un peu le même sentiment qui domine quant à Colin Ferguson. Le héros de la série EUREKA a du avoir grandement besoin de cash pour s'exiler en Bulgarie - passant pour le Maine ! - et tourner LAKE PLACID 3. A moins d'avoir fait du tourisme au bord de la mer noire et trouver quelques jours dans son emploi du temps pour emballer le tout. Il existe forcément une raison, mais à part l'appât financier, on ne voit pas laquelle.
Griff Furst a encore frappé ! Apres avoir commis des bisseries comme I AM OMEGA, PREHISTORIC, SWAMP SHARK et bientôt ARACHNOQUAKE, joué dans des trucs comme BASILISK (réalisé par son père Stephen et avec Yancy Butler, tiens), trainé ses guêtres dans des productions de majors comme GREEN LANTERN ou BATTLESHIP, le voilà donc aux commandes des crocos en délire. Il faut ici lui reconnaître un certain métier dans l'art de brasser l'air avec le vide du scénario. Une caméra à l'épaule tremblotante dans les scènes de courses-poursuites et des bizarreries sorties de nulle part. Quelques traits d'humour bienvenus : le bateau de la chasseuse s'appelle «Carnivore», les t-shirts de l'abominable bambin... Le réalisateur s'amuse avec ce qu'il peut. Le dernier tiers du film ne s'essouffle que très rarement, juste pour commettre des moments autres. Comme celui grandiose où Kirsty Mitchell saisit une tronçonneuse pour attaquer le crocodile en furie. Elle se débrouille bien sûr comme une tanche et s'écrase mollement à terre, le fétiche de Leatherface s'arrêtant comme par magie. Ca tombe à plat et provoque plus un ricanement chez le spectateur que le clin d'oeil voulu.
Le scénario empile les rebondissements et scènes d'action pour tenter de donner le change. Car d'histoire, il n'y en a point. Ou une vague reprise d'idées émises dans le premier ou second film de la série. Histoire de faire le lien, Noah Bickerman est le neveu de Sadie Bickerman (jouée par Cloris Leachman dans LAKE PLACID 2). Et son fils Connor (Jordan Grehs) reprend à son compte l'idée de nourrir des bébés crocodiles. On retrouve ensuite le personnage du chasseur : Oliver Platt dans le premier, John Schneider dans le second, Yancy Butler aujourd'hui), du flic (Meredith Salenger, puis John Schneider et Michael Ironside en mode curieusement restreint), le bateau qui se retourne... Du recyclage, ma bonne dame, du recyclage que même Europe Ecologie Les Verts n'en voudrait pas.
Une avalanche d'incohérences et facilités scénaristiques achève le tout. Un exemple sublime : lorsqu'on se fait attaquer par un gros gros gros crocodile et qu'on est dans sa voiture, on pourrait songer a fermer les vitres ? Ici. Non. On imagine qu'il n'y a pas assez de ventilation dans la voiture en question et que sentir l'haleine de cheval du croco fait office de climatiseur. On pourra, pour se rassurer, s'estimer heureux d'avoir échappé au téléphone portable qui ne capte pas. Mais de belles bourdes, il en existe d'autres. Les auteurs nous donnent à voir un bel animal nommé "élan". Pas de chance, c'est un cerf. Pour un zoologiste qui les étudie et qui engueule un des jeunes cons dans le film parce qu'il les confond avec un daim, la crédibilité tourne au zéro pointé. Ainsi, dans un grand élan de générosité, le scénariste a confondu les cervidés à bois creux et ceux à bois pleins. Personne ne s'en est rendu compte. On ne va pas lui en vouloir, avec toute cette eau de lac, il du finir par boire la tasse. Et il ne s'agit pas non plus de l'élan de la mer, bien que ce LAKE PLACID 3 ait la prétention d'avoir un peu de mordant. Mais les producteurs ne semblent pas avoir une dent contre lui. Car, le David Reed a depuis rempilé pour LAKE PLACID : THE FINAL CHAPTER, une préquelle aux trois autres avec Robert Englund. Qui a parlé de crise ?
La meilleure partie du film se trouve être au début. Les dialogues et le jeu de Colin Ferguson et Kirsty Mitchell sont même d'une tenue inattendue. Hélas, dès l'arrivée de la sempiternelle bande de jeunes venus baisouiller et se baigner à poil et qui laisse la caméra cadrer sur le postérieur ou les poitrines refaites des actrices, c'est fini. Car on visionne la version "Unrated" du film. En effet, il existe toujours deux versions : celle expurgée des scènes les plus sexy et les plus gore pour la diffusion télévisuelle. Et celle plus hot (avec la scène chaude, actrice épilée bien exposée) et plus saignante pour l'exploitation en DVD, VOD, Blu-ray, dématérialisation sous toutes ses formes. Même si le gore parait ténu au final.
Les effets spéciaux apparaissent un poil meilleurs que dans le précédent chapitre de la saga reptilienne. Qui eux-mêmes étaient déjà au-dessus de la moyenne des productions de ce calibre. De ce fait, on assiste à une animation numérique des bestioles qui reste à peine adéquate, oscillant entre le mauvais et le médiocre. Quelques rapides trucages mécaniques peuvent faire illusion, notamment dans les plans où Yancy Butler poignarde à fond la bête qui la tient dans sa gueule.
Yancy Butler, justement. Son personnage de la chasseuse Reba, lointaine cousine Bis du Quint des DENTS DE LA MER, reste de loin l'atout principal du film. Haute en couleurs, aux expressions faciales radicales, à la répartie facile... Elle aligne les dialogues assassins, les tirs à la carabine et les coups de poings dans la gueule avec une saine joyeuseté qui fait plaisir à voir. Car à côté de cela, hormis Colin Ferguson et Kirsty Mitchell, les autres protagonistes sont à hurler. Jamais on aura autant souhaité la mort de la babysitter blonde idiote à voix de crécelle, des adulescents débiles qui ne pensent qu'a baiser ou jouer aux voyeurs pervers. Et le gamin... le gamin... mais qu'un scénariste le bute et vite ! Un ramassis de stéréotypes qu'on ne voit que dans ce type de productions. On aimerait quand même que Syfy, Stage 6, CineTel et les autres puissent arrêter de nous débiter des histoires connes, des acteurs translucides et des schémas narratifs prévisibles dès les cinq premières minutes !
Le souci majeur de LAKE PLACID 3 est également son plus bel atout : son manque d'originalité. Il est à peine mieux que le précédent. Mais rien ne le distingue vraiment de la multitude films sur les agressions animale qui ont envahi nos écrans, de son origine de copie carbone jusqu'à l'effet-Carrie final. Avec les années, les spécialistes d'effets spéciaux numériques low cost se sont améliorés. Mais les scenarii restent englués dans les soubassements qualitatifs des marais de la série B. Manque d'audace, manque de volonté de renouveler le genre, manque d'imagination. LAKE PLACID 3 souffre un peu de tout cela à la fois. Le cinéma n'y gagne rien, le spectateur non plus. Il n'y a guère que Philip Roth, producteur de la chose, qui doit y voir un intérêt quelconque. Reste qu'on attend malgré tout le quatrième opus, sans grande impatience tout de même. Juste pour avoir le plaisir de revenir vous en causer deux ou trois lignes et constater (ou pas) si ce sera vraiment «le chapitre final». Un syndrome VENDREDI 13 n°4, ça s'attrape vite !
Disponible en France, le DVD double couche offre un format 1.78:1 et 16/9ème, avec une durée exacte de 91 minutes et 46 secondes. Le menu d'accès est en anglais, et l'on peut accéder également aux scènes via 12 chapitres. Une version originale anglaise en 5.1 (avec sous-titres français) est offerte, tout comme un exécrable doublage français plâtré à la hâte. Le caisson de basse n'est pas vraiment sollicité, tout comme les voix arrières d'où s'échappent quelques gazouillis de gallinacés et autres zigouigouis d'animaux de forêt bulgaro-américaine. Ambiance bord de la Mer Noire, tendance Maine camouflé. Tout reste principalement axé sur les canaux droite, gauche et central. Des dialogues clairs et la musique du frère du réalisateur réussissent ses dzoïng dzoïng aigus lors des attaques. Assurancetourix n'est pas loin. Les effets sonores lors des attaques demeurent efficaces. Le générique final offre cependant un beau champ sonore à la partition orchestrale.
Visuellement, le tournage en extérieurs n'a pu offrir une luminosité pointue – mais les couleurs sont stables, la teinte des visages est naturelle et la gestion des scènes de nuit agréable à l'oeil – climax final compris. Une belle image de manière globale pour ce type de produit élaboré via un budget assez bas, annoncé à 2,5 millions de dollars.
A noter que par rapport au disque américain, nous avons perdu au passage une flopée de films annonces pour ne se récupérer que ceux de la suite de 30 JOURS DE NUIT 2 : JOURS SOMBRES et de STOMP THE YARD : HOMECOMING, deux produits émanant de Stage 6, une subdivision de Sony Pictures, également derrière ce LAKE PLACID 3. Enfin, aucune interactivité propre au film ne pointe le bout de sa mâchoire.