Header Critique : PEUR BLEUE (SILVER BULLET)

Critique du film et du DVD Zone 2
PEUR BLEUE 1985

SILVER BULLET 

Si un écrivain marque de son sceau le cinéma fantastique américain des années quatre-vingts, c'est indéniablement Stephen King. Ses succès de librairies colossaux donnent lieu à des adaptations lucratives et souvent d'un réel intérêt artistique. Son nom se voit associé à celui de maîtres du genre comme Brian De Palma pour CARRIE, David Cronenberg pour DEAD ZONE, George Romero pour CREEPSHOW, Tobe Hooper pour LES VAMPIRES DE SALEM, voire Stanley Kubrick pour SHINING.

Dino De Laurentiis, bien installé aux États-Unis depuis la création de son studio en Caroline du Nord à la fin des années soixante-dix, flaire le filon et produit diverses adaptations de l'écrivain dont DEAD ZONE, FIRESTARTER, le film à sketchs CAT'S EYE, puis PEUR BLEUE dont King signe lui-même l'adaptation pour le cinéma. PEUR BLEUE est initialement un livre illustré dont les événements se déroulent sur une base mensuelle, à chaque pleine lune. Ce petit projet de commande, initialement envisagé comme un calendrier, se voit révisé pour une chronologie plus resserrée et cohérente au cinéma. Dino De Laurentiis confie la mise en scène à Daniel Attias, un assistant réalisateur ayant oeuvré aux côtés de Coppola (COUP DE COEUR), Samuel Fuller (DRESSE POUR TUER) ou Steven Spielberg (E.T.L'EXTRATERRESTRE). Pour la distribution, il réunit des visages familiers comme Everett McGill (qui sortait tout juste de DUNE, autre production De Laurentiis), Gary Busey et le tout jeune Corey Haim, qui n'a pas encore joué dans GENERATION PERDUE.

Dans la petite ville de Tarker's Mill, des morts étranges se succèdent. La population pense d'abord aux exactions d'un maniaque, mais la brutalité terrifiante des agressions laisse penser à une menace surnaturelle...

Le début des années quatre-vingt marque une forte résurgence du film de loup-garous, genre favorisé par les progrès de l'animatronique (animation assistée par des moyens électroniques, comme des télécommandes) qui permet de créer des créatures et des scènes de métamorphoses inédites. En ce sens, LE LOUP-GAROU DE LONDRES de John Landis résonne tel un coup de tonnerre dans le monde des effets spéciaux. Son approche maligne et cinéphile apporte aussi une modernité de ton, semblable à celle de HURLEMENTS de Joe Dante sur le même sujet.

L'annonce de PEUR BLEUE s'accompagne de fortes attentes, l'idée de voir Stephen King s'attaquer à la lycanthropie promettant un événement. Pourtant, l'écrivain s'oriente vers un projet délibérément modeste. Il raconte une petite histoire de loup-garou très classique, assez respectueuse des codes du genre. Alors que des films de l'époque approchent le mythe sous les angles valorisants de la psychanalyse (LA COMPAGNIE DES LOUPS) ou de l'ethnologie (WOLFEN), PEUR BLEUE choisit d'être un film tout simple, un film fantastique pour les adolescents, se déroulant dans une de ses petites villes anodines et tranquilles dans lesquelles peuvent se dérouler l'action de GOONIES, GREMLINS et autres E.T.L'EXTRATERRESTRE.

Cela dit, cette petite ville n'est pas qu'une toile de fond classique et rassurante. L'auteur de Carrie ou de Salem jette un regard aigre sur la réalité de ses habitants. Lâches, agressifs, ridicules, ils cèdent à la panique quand se profile une menace, organisent des battues inutiles qui finissent mal et font fi des recommandations des autorités légales (le shérif, joué par Terry O'Quinn) ou morales (leur prêtre).

Les principaux personnages du métrage s'avèrent hors du commun. Le jeune Marty est un adolescent paraplégique, éloigné des critères du héros à une époque où les magazines se couvraient de photos musclées de RAMBO II, ROCKY IV et autres COMMANDO ! Son entourage est constitué de sa grande soeur qui, loin de vénérer son petit frère, nourrit un sentiment ambivalent à son égard, lourd de reproches, puisqu'elle le considère elle comme «sa croix» qu'elle doit porter. Leur oncle Red, alcoolique et mal vu des autres adultes pour sa personnalité grossière et extravertie, leur apporte seul son aide d'adulte. Les rapports entre ces trois personnages constituent la structure profonde de PEUR BLEUE et rendent ce film attachant et plaisant à suivre.

Dino De Laurentiis, producteur expérimenté, arrive sur le tournage avec son calepin riche en talents du cinéma italien, à commencer par Carlo Rambaldi. Personnalité controversé, il se rattache d'abord au cinéma fantastique latin (on pense aux effets spéciaux gore de CHAIR POUR FRANKENSTEIN, LA BAIE SANGLANTE ou LES FRISSONS DE L'ANGOISSE), puis s'associe à de gros projets internationaux comme ALIEN, le KING KONG de John Guillermin ou E.T.L'EXTRATERRESTRE qui lui vaut un Oscar. Sur PEUR BLEUE, il signe des trucages très variables, oscillant entre le correct (la tête du loup-garou, dans son style assez BD), l'honorable (la transformation finale, sorte de reprise de la transformation de LE LOUP-GAROU DE LONDRES) et le franchement peu convaincant. Sous l'angle des effets spéciaux, PEUR BLEUE ne se montre pas à la hauteur d'une concurrence aussi rude que LE LOUP-GAROU DE LONDRES, HURLEMENTS ou LA COMPAGNIE DES LOUPS !

Dino De Laurentiis recourt aussi au service du chef-opérateur Armando Nannuzi collaborateur dans les années 1970 de Luchino Visconti (LUDWIG), Pier Paolo Pasolini (PORCHERIE) ou Luigi Comencini (LES AVENTURES DE PINOCCHIO). Bien qu'on devine la modestie du budget de PEUR BLEUE, ce technicien apporte au métrage de belles images en Scope, en particulier des visions de la campagne nocturne sous la pleine lune tout à fait en adéquation avec le sujet.

Modeste, mais écrit soigneusement, définitivement attachant en particulier grâce à l'alchimie entre ses deux acteurs enfants et Gary Busey, PEUR BLEUE a des qualités pour lui. Il s'agit certainement d'un divertissement modeste dans la filmographie de Stephen King, mais néanmoins agréable et sympathique, méritant mieux que la réputation parfois désastreuse qu'on lui rattache.

Après PEUR BLEUE, la carrière de Daniel Attias ne décolle pas au cinéma, mais elle rebondit vite à la télévision où, de DEUX FLICS A MIAMI à LOST, il mène vingt-cinq années de carrière très intensive ! Stephen King passe quant à lui à la vitesse supérieure en se lançant dans la mise en scène pour le film MAXIMUM OVERDRIVE, toujours sous la férule de Dino de Laurentiis.

En DVD, PEUR BLEUE a eu une carrière française parasitée par diverses sorties pirates au rabais, dont une en particulier s'obstine à coller des logos Cannon partout sur sa jaquette alors que le long métrage n'a rien à voir avec ce studio !

Toutefois, en 2010, StudioCanal propose un vrai DVD sérieux, sorti sans chichi ni aucun supplément.

Ce disque propose une copie 2.35 et 16/9 de qualité globalement honorable. Cela dit, pour un DVD aussi récent, ne proposant qu'un film sur un disque double-couche, on est surpris par quelques arrières plans trahissant une compression parfois grossière, ou par des effets vidéos de moirage. La copie est plus que regardable, mais ne restera pas dans les annales pour autant.

La bande son anglaise est proposée en mono 2.0 anglais sous-titré en français, dans un mixage d'origine plaisant, bien qu'un peu criard, valorisant bien la musique de Jay Chattaway, immortel compositeur des bandes originales de MANIAC et VIGILANTE ! Le film est aussi proposé en version française, toujours en mono.

Comme mentionné plus haut, le disque ne propose aucun supplément. Pour les amateurs d'interactivité, il est possible de se tourner vers le disque anglais sorti chez Momentum qui contient un commentaire audio de Daniel Attias. Néanmoins, le disque français est le seul à contenir une version originale sous-titrée en français et un doublage dans notre langue, ce qui en fait tout de même un achat intéressant pour les amateur francophones de loup-garous et de Stephen King !

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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L'édition vidéo
SILVER BULLET DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h31
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
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