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Critique du film
ANTIVIRAL 2012

 

Dans un monde où le culte du star system a atteint une apogée maladive, Syd March (Caleb Landry Jones) travaille pour une clinique injectant les virus des plus grandes stars à des fans transis. Syd en profite également pour voler et dealer sur le marché noir les précieux virus en utilisant son propre corps. Infecté par la maladie ayant tuée la starlette Hannah Geist (Sarah Gadon), poursuivi par des collectionneurs pirates, Syd va tenter de trouver un remède avant de succomber lui aussi à l'infection.

A la lecture de ce résumé, on jurerait qu'ANTIVIRAL est un film signé par le David Cronenberg de CHROMOSOME 3 ou encore de VIDEODROME. Ce David Cronenberg qui n'existe plus aujourd'hui, depuis qu'il a lissé son cinéma du grotesque biologique pour mieux se réinventer en auteur plus classique. C'est maintenant son fils Brandon qui reprend le flambeau de «la nouvelle chair» en écrivant et dirigeant ce premier long-métrage, sélectionné dans la catégorie «Un certain regard» du Festival de Cannes 2012. Pendant que Cronenberg senior est présent au même festival mais en sélection officielle avec le soporifique COSMOPOLIS, Brandon va tenter avec son film de tuer le père d'aujourd'hui pour mieux ressusciter celui d'hier.

ANTIVIRAL peut-être vu comme la version longue du premier court-métrage de Cronenberg fils, BROKEN TULIPS. Dans ce huit minutes, un homme parvient à attraper l'herpès d'une starlette qu'il adule, dans le but de créer une sorte de «connexion» avec son idole. Cet excellent pitch, intéressante caricature des dérives fanatiques qui guettent nos sociétés fascinées par le spectacle, est donc réinventé et développé à l'intérieur d'ANTIVIRAL. Brandon Cronenberg ajoute surtout dans la version longue l'idée d'un homme isolé du monde, traqué par sa propre hiérarchie (une clinique au fort relent de conglomérat opaque et inhumain), cible également de pirates biologiques et trafiquants de cellules. Caleb Landry Jones (vu en jeune mutant dans X-MEN : AU COMMENCEMENT) campe cet étrange personnage principal avec une économie de jeu presque totale, s'effaçant derrière un teint de craie le désignant d'office comme un cadavre ambulant.

Si la spirale inquiétante, dans les méandres de laquelle Syd se perd en tentant de soigner son virus, rappelle la narration fiévreuse de VIDEODROME, le ton général d'ANTIVIRAL est bien différent. Le film est extrêmement froid : le rythme est très lent, le déroulé narratif volontairement opaque, les comédiens sont très statiques dans leur jeu, les décors sont ultra minimalistes quand ils ne se résument tout simplement pas à un mur blanc. Le blanc justement, la dominante absolument écrasante d'une photographie signée Karim Hussain, le réalisateur fou de SUBCONSCIOUS CRUELTY et chef opérateur du pourtant très bariolée HOBO WITH A SHOTGUN. Brandon Cronenberg n'a pas l'intention de livrer un film classique, ni même un film exigeant. Il souhaite visiblement affirmer sa personnalité, jusqu'ici très ancrée dans l'oeuvre de son père, en imprimant une radicalité quasi expérimentale à son film. Difficile donc d'aimer ANTIVIRAL tant l'on décroche tout au long du film, tant le pitch si alléchant n'est volontairement pas développé pour le plaisir de nous frustrer en nous noyant dans un dédale de scènes arides et absconses.

Cette radicalité est le défaut majeur du film mais également ce qui constitue sa personnalité. Si l'on souffre à la vision du métrage, on ne peut s'empêcher de se laisser embarquer malgré tout dans cet univers étrange où surnagent des scènes vraiment fortes (comme un restaurant fabriquant de la viande à base de cellules de stars). Beaucoup resteront sur le carreau et ne pardonneront pas au film de délaisser son argument de thriller médical au profit d'un exercice de style doucement immature. Les autres sauront trouver dans ANTIVIRAL un cinéma ayant le courage de se définir à contrario des standards actuels et des formules répétées ad nauseam. Nous sommes en tout cas curieux d'assister à la suite de la carrière de Brandon Cronenberg, une future oeuvre que le jeune cinéaste nous affirme dans la continuité des chefs d'œuvres impurs de son père. La dernière image d'ANTIVIRAL nous le prouve en montrant le personnage principal, à genoux devant une créature, typique du cinéma du papa, se nourrissant du sang noir de la «chose».

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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