Francis (Franc Bruneau) est un patron de vidéoclub spécialisé dans les films de Ti-Kong, un artiste martial ultra-membré et star ultime des films de «bifle». Si le succès des films de Ti-Kong fait le bonheur des affaires de Francis, ce dernier a développé un complexe lié à la taille de son sexe. Un complexe qui l'empêche d'avouer ses sentiments à Sonia, son employée. Lorsque Sonia est approchée pour jouer dans la prochaine production de Ti-Kong, Francis va tout faire pour la sauver de la «bifle» monumentale qui l'attend...
Innocent comme la rosée du matin, votre serviteur n'avait aucune idée de ce qu'était une «bifle» avant de découvrir cet incroyable court-métrage français. Un carton ouvrant le film corrige heureusement ce manque odieux de culture générale. Traduit en anglais par «dickslap», il s'agit de donner une gifle non pas avec sa main mais avec son sexe. Une gifle de bite. Donc une «bifle» ! Diplômé de la FEMIS, le réalisateur Jean-Baptiste Saurel a trouvé le moyen d'en tirer un court-métrage produit par Kazak Productions. Présenté en première mondiale à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes, les spectateurs incrédules n'avaient aucune idée de ce qui allait les attendre à la vision de ce film au titre aussi incongru. Après 25 minutes complétement folles mélangeant le Western, les films de kung-fu des années 80/90, le film de monstre mais aussi la comédie fleurie à la Judd Apatow, nous sommes immédiatement conquis. LA BIFLE est un chef d'oeuvre d'humour et d'inventivité, à la plume téméraire servie par une interprétation à l'équilibre parfait. Une vraie baffe ! Pardon, une vraie «bifle» !
Le génie du film est de créer un véritable univers alternatif autour de son titre. Chez Saurel, la «bifle» n'est donc pas qu'un acte graveleux, stupide et vulgaire. C'est un nouvelle pratique sexuelle, aussi novatrice que violente, qui fait fantasmer les filles autant qu'elle complexe les garçons. C'est aussi un moyen de rendre hommage au cinéma de vidéo-club en faisant des «films de bifle» un sous-genre Bis comparable aux films de Jean-Claude Vandamme époque Kickboxer. Dans ce cadre aussi gonflé que jouissif, Saurel ose construire une histoire romantique d'amour inavoué dont le décalage grossier renvoie finalement à la naïveté des sentiments. Francis est un personnage de looser magnifique, comme échappé d'un film de Wes Anderson, passant l'intégralité de son temps libre à faire du trampoline les parties à l'air, dans l'espoir d'allonger son espérance de virilité. La belle Sonia, dont il est amoureux, ne jure quant à elle que par sa future participation au prochain film de Ti-Kong et de la violente rencontre entre sa nuque et le membre surpuissant de la star «bifleuse». Comme dans tout bon film romantique (si, si), l'un et l'autre comprendront in fine que ce n'est pas la taille qui compte.
Contrairement à beaucoup de comédies, LA BIFLE n'oublie pas pour autant qu'il est un véritable film avec un franc désir de cinéma. La mise-en-scène est très inventive, tandis que la photographie est ambitieuse et détaillée. Ce goût pour l'image culmine dans la deuxième partie du métrage où Francis débarque sur le tournage du film de Ti-Kong pour sauver Sonia du gourdin monstrueux de son adversaire belliqueux. LA BIFLE nous invite alors à une authentique scène d'action, une curieuse relecture du film de karaté old school à coup de troisième jambe. Avec une telle richesse d'ambiance et de situations, la demi-heure de film passe à la vitesse de la lumière, nous laissant avec la furieuse envie de se replonger aussitôt dans ce délire de très haut vol. Plus qu'une réussite, un film culte.
