INBRED est ce qu'on appelle «un film de festival». A savoir qui aura du mal à trouver son public au-delà des fans du genre mais qui présente suffisamment de débordements et d'humour noir pour satisfaire les aficionados pendant une projection avec des spectateurs réceptifs.
Pourtant, on ne peut pas dire que le film démarre avec un brin d'originalité. Un groupe d'adolescents en difficulté est emmené par deux éducateurs au fin fond de la campagne anglaise (donc en avant les scènes où «le GPS ne passe pas» et «mon téléphone ne capte pas»). Tout ceci afin de participer à un projet de rénovation d'une maison abandonnée pour favoriser l'esprit d'équipe. A la faveur d'une soirée dans le pub du village, nommé «le Sale Trou», ils font connaissance des locaux, une bande d'abrutis congénitaux, et se retrouvent capturés pour être livrés à un show étrange.
Les trente première minutes ne sont guère passionnantes, même conventionnelles. L'arrivée au lieu-dit ressemble par ailleurs furieusement à celui de BEFORE DAWN (dont le réalisateur Dominic Brunt se retrouve ici aussi au générique en qualité d'acteur), tout comme l'argument louche vers un bon paquet d'autres films de même genre, TICKS en avant. A savoir un groupe de jeunes qui va se retrouver mis en pièces par un élément X dérangé dans son élément naturel. Ce nouveau long métrage d'Alex Chandon (CRADLE OF FEAR) ne sera donc pas un chantre d'originalité.
S'en suivent les scènes usuelles de présentation du groupe, avec des personnages bien calibrés pour la peine, mais strictement mono dimensionnels. A savoir une jeune fille renfermée, le gros dur, la cool attitude... bref, pas trop compliqué histoire qu'on comprenne bien à qui on a à faire. Idem pour les deux éducateurs, l'un obsédé par les règles de bonne conduite, l'autre plus enclin à passer au-delà pour le bon déroulement du séjour. Les parents de substitution, en somme, pour une famille recomposée. On aura donc droit aux scènes d'exposition habituelles, aux échanges de dialogues avec cicatrices intérieures à la clé. Et tout à coup, INBRED va glisser vers un autre univers.
Par une première attaque, qui va jauger les forces en présence. Trois jeunes locaux enlèvent deux adolescents et c'est l'éducatrice qui va régler la chose à coup de pelle dans la gorge. Puis l'assaut général par l'ensemble du village, qui se trouve être aux ordres du patron du pub. Un virage à 180 degrés pour emprunter la route du gore le plus décomplexé qui soit. Emprunt d'un sens du grotesque, de la dégénérescence jusqu'à l'autosatisfaction de la dernière scène du film. La monstruosité peut être humaine, semble dire le film, mais les dégénérés de tête de noeud de merde du bout du monde de la campagne britannique sont encore pires. Certes, le discours n'est pas nouveau et l'on sait que le cinéma aime à contempler ou même pointer du doigt les campagnards comme étant le berceau de l'ignominie. Le film doit beaucoup à des oeuvres comme MASSACRE A A TRONCONNEUSE, entre autres. Un peu de cela ici, mais pour mieux se détacher du stéréotype tellement le trait est grossier et que INBRED, sous certains aspects, se moque un peu de ce type de métrages.
Le Maître de cérémonie se grime en clown. Il organise non seulement les numéros de cirques qui mettront en scène les morts des jeunes du groupe, mais règle également la vie des villageois. L'organisation des tortures semble provenir des tréfonds de THE INCREDIBLE TORTURE SHOW, pour se mâtiner d'influences de plus récentes franchises comme SAW, avec une louche de Freddy Krueger pour la distance nécessaire à supporter de telles horreurs. Car il y en a un bon paquet, entre un cheval qui écrase un crâne à coup de sabot, une turbine à purin malencontreusement enfoncée au fond d'une gorge pour une version excrémentielle explosive d'une scène culte du SENS DE LA VIE. Parallèlement à cela, le réalisateur développe une thématique sexuelle à l'ensemble des actes effectués sur les prisonniers. Dès le début, les jeunes villageois promènent sous le nez du groupe divers légumes à la symbolique phallique explicite. D'ailleurs, la première performance offre au public qui assiste aux shows une sorte de créature qui sort une carotte de sa braguette, à valeur de sexe. Sans compter la courgette promenée sous les yeux de la jeune mutique terrorisée. Avec une pénétration des orifices nasaux et de la bouche par une carotte géante. L'intromission buccale du canon à purin peut également prêter à une symbolique freudienne assez curieuse. Frustration sexuelle du fait de l'impossibilité d'une sexualité normative ou gratuité des actes, la violence semble indissociable de simulations d'actes sexuels déviés de leur fonction de plaisir ou de reproduction.
Cette succession d'images saugrenues où se mêlent peur, gore et ironie mordante sont au diapason du fil qui privilégie néanmoins l'effet à la narration. Tout est bon pour pousser toujours plus loin, au détriment de l'histoire qui finit par stagner aux deux tiers. Dès lors, INBRED se repose sur les effets spéciaux. Mélange d'effets numériques comme la jambe coupée brutalement en début de métrage ou d'effets mécaniques à l'ancienne, le spectateur assiste médusé à une tornade de gore qui oscille entre le drolatique, le dérangeant et le franchement méchant. Ceci sous les bravos d'une foule qui ne semble pas vraiment saisir la cruelle réalité... ou bien si ? En tous cas, aucune motivation claire n'apparaît dans un camp comme dans l'autre, hormis l'argument de mettre sur patte des tortures et des mises à mort jouant sur le registre de l'humour noir. C'est un peu léger comme prétexte.
Partant d'un pitch ne sortant pas des sentiers battus, INBRED compense par des effets spéciaux et une ambiance de cirque déglingué qui lui va à merveille. Les acteurs s'en donnent à cœur joie dans le surjeu, ce qu'il faut apprécier mais ce qui donne un dynamisme dont le film avait bien besoin. Même si, malgré tout, les comédiens ne jouent pas vraiment bien. On passera sur les invraisemblances qui pullulent tout comme les trous d'un scénario écrit à la hussarde. Si le film peut envisager une sortie salles dans son pays d'origine, c'est virtuellement hors de question chez nous. Tout au mieux peut-il espérer un passage dans divers festivals de films de genre pour y faire les bons jours d'un public qui, acquis à la cause, saura apprécier les exagérations et outrances en tous genres, avant de le (re)découvrir via DVD, VOD ou Blu Ray.