La population se scindera en deux ! ... à la vision de cette version filmée et Muppetisée du Chant de Noël (A Christmas Carol en version originale) de Charles Dickens. Ceux qui vont hurler à la trahison généralisée et se ruer sur des versions plus fidèles. Et les autres qui accueilleront à bras ouverts la version Muppets – donc musicale et avec pleins de marionnettes partout- du célèbre conte de Noël qui emprunte même certains dialogues originaux du livre !
Ebenezer Scrooge (Michael Caine) est un impitoyable usurier solitaire. Il piétine ses semblables et tyrannise ses employés dont Bob Cratchit (Kermit la grenouille). Mais pendant la nuit de Noël, Scrooge est visité par ses anciens partenaires morts puis trois fantômes des Noël passé, présent et futur qui vont lui révéler son manque d'humanité.
L'arrivée des Muppets dans le giron de Disney leur aura fait perdre quelque peu de leur irrévérence. S'adressant à un public plus familial, le fils de feu Jim Henson reprend les rênes de la réalisation et tente de coller au récit imaginé par Charles Dickens. Tout en réservant aux fans quelques clins d'œil épars, en prenant bien soin d'intégrer au même niveau marionnettes et humains - à l'image des autres films mettant en scène les Muppets. Jusqu'au point de donner les noms d'acteurs et actrices aux Muppets-même : Miss Piggy est donc une actrice, une vraie !
Tout d'abord, la narration est assurée par Charles Dickens lui-même... enfin, Gonzo en Charles Dickens qui prend un break de son métier d'écrivain pour ici servir d'allumeur de lampes de rues. Soutenu en la circonstance par Rizzo le rat. Il s'agit de la meilleure idée du film, par ailleurs. Ce rôle de chœur grec commentant l'action –et y participant par moments- réserve les meilleurs gags et dialogues. Jouant sur l'absurde, l'anachronisme et le slapstick, ce duo quasi sado-maso fait des merveilles !
On trouve la plupart des sourires et rires envers les tout petits rôles et marionnettes parsemées aux quatre coins de l'écran. La famille de souris frigorifiées, les Pingouins sur la glace, les légumes parlants et le lapin chanteur qui se prend une dinde en pleine tête. Le film réussit cependant quelques ruptures de ton quelques peu déstabilisantes : ainsi ledit lapin présenté comme sans abri, grelottant au milieu des poubelles, vêtu d'un simple papier journal. Un peu à l'image du film qui oscille entre comédie et drame, sans jamais pouvoir choisir le ton et laissant le public entre deux rives au milieu du gué. A l'encontre de ce que Jim Henson avait su faire jusque là.
Brian Henson possède cependant un certain flair visuel. La reconstitution du village anglais, à mi-chemin entre la re-création quasi animée et la ré-imagination d'une réalité amoindrie, fait mouche. Souci des détails, décors diversifiés, éclairages qui tendent parfois au gothique – la visite des frères Marley-, richesse des textures... chaque fantôme possède son monde propre, avec une mention particulière à la désolation du fantôme du Noël futur, personnifié par la Mort déguisée. Le tout est couplé avec des effets spéciaux qui ne déparent pas du tout vingt ans après leur création. Sobres et bien intégrés à l'action, ils arrivent même à dégager une certaine poésie, via le fantôme des Noëls passés. Il faut aussi rendre hommage à la photographie de John Fenner, qui oeuvra sur la série MONSTRES ET MERVEILLES mais également sur L'ILE AUX TRESORS DES MUPPETS et LE PETIT MONDE DES BORROWERS. Il sait donner à la fois dans le côté froid et fermé de l'Angleterre dickensienne en extérieur et contrebalancer le tout par des intérieurs aux couleurs chaudes en enveloppantes.
Le film repose principalement sur l'interprétation très classe de Michael Caine dans la peau de Scrooge. Et il résiste plutôt bien à l'invasion de Muppets qui parsèment le film, et qui aurait tendance à faire pâlir chaque acteur qui s'en approche. Caine opte pour un jeu d'acteur très sobre, sérieux, qui rejoint les meilleures interprétations, d'Alastair Sim dans la version 1951 ou Albert Finney dans la version musicale filmée par Ronald Neame en 1970. Ceci dit, comme nous nous trouvons dans une adaptation Disney avec des Muppets, on voit mal comment il aurait pu se donner à plus de méchanceté viscérale.
Une relative déception quant aux autres Muppets : leur temps de présence à l'écran va de la simple silhouette à un second rôle. Les fans de la diva jambonnesque Miss Piggy auront de quoi se ronger les sangs : aucune baffe monumentale et une arrivée après presque une heure de métrage, pour un rôle relativement sage. A vous faire regretter les Cochons dans l'Espace ou les Vétérinaires à l'Hopital.
En fait, contrairement aux précédents opus comme LES MUPPETS : LE FILM ou LES MUPPETS A MANHATTAN, les créatures ne font pas partie intégrante du récit. Elles ne font qu'apparaître le temps d'un caméo au long de l'histoire. Seuls les connaisseurs de la série télévisée originale pourront comprendre les allers et venues du Chef suédois, de la diatribe patriotique de l'aigle Sam, l'œil torve de Gonzo lorsqu'il voit passer une poule, Fozzie qui se transforme en M. «Fozzywig» (bien trouvé !) et le légendaire énervement de Jean-Claude (Animal en version originale) avant de se déchaîner sur sa batterie (mais qui n'est plus obsédé sexuel chez Disney !)... tout cela pour bien indiquer que, oui, la bande est bien présente. Mais hélas réduite à une portion congrue. Pour les enfants qui n'auront pas eu le bonheur de découvrir Micheline Dax doublant Piggy, ils devront se contenter des marionnettes animées pour leur plus grand bonheur. Et passer vraisemblablement totalement à côté du propos de Charles Dickens.
L'autre déception est le déluge de chansons sucrées jusqu'à l'écœurement de Paul Williams. Quelques airs emportent l'adhésion, dont la première chanson «There goes Mr. Humbug» sur Scrooge. Mais la plupart restent translucides, avec des paroles parfois au bord du larmoyant. Curieux de la part de Paul Williams – même s'il faut bien réaliser que PHANTOM OF THE PARADISE datait d'il y a 20 ans à la sortie du film. Et que ses compositions pour le premier métrage des Muppets en 1979 recélaient beaucoup plus de punch et de fun.
Enfin, le film frôle quelques scènes de peur qui ont du impressionner le très jeune public venu assister au spectacle. Mais pour mieux se rembarquer dans ce qui fait l'attrait et le charme de NOEL CHEZ LES MUPPETS : un film pour grands enfants, avec un soupçon de nostalgie pour les plus âgés et les yeux écarquillés des plus jeunes. Idéal pour temps de fêtes de fin d'année !
L'édition anglaise sortie en 2005 offre un format 1.85:1 avec un transfert 16/9ème. La copie donne de robustes couleurs, des contrastes agréables, de solides niveaux de noirs : le tournage quasi intégral en intérieur a du énormément jouer en la matière ; nous avons ainsi droit à des scènes de rue filmées de manière lumineuse et qui apportent un rendu parfois superbe à l'écran. Ceci ajouté à une belle définition : Il n'y a qu'à voir les contours des visages des acteurs humains pour s'en rendre compte. Ou même se fixer sur Fozzie et apprécier la précision de son pelage !
Côté audio, un mixage 5.1 Dolby Digital anglais qui est surtout porté sur les canaux avant ; Relativement peu de travail évident sur les canaux arrières, sauf dans des scènes d'action où les bruitages dus aux effets spéciaux prennent le pas. Quelques effets directionnels de bon aloi lors des apparitions des fantômes ! Deux autres pistes sonores s'avèrent disponibles : la française et une espagnole, également en mixage 5.1. Huit pistes de sous-titres complètent le tableau, dont une indispensable française pour les peu familiers avec la langue anglaise qui voudraient profiter de la version originale.
Un plus qu'il faut distinguer : des sous-titres anglais pour sourds et malentendants. Il s'agit d'un détail régulièrement mis en avant en Grande-Bretagne et aux USA. Et une partie des spectateurs régulièrement oubliés concernant les éditions en France. Pas de piste audio descriptive, cependant. Le menu fixe est aux couleurs de Noël, hormis un Kermit qui saute de chaque côté de l'écran. Il est également possible d'accéder à un chapitrage en dix segments.
Bonus chez les Muppets (sous-titrés en français, aussi) : tout d'abord «Pepe Files : Gonzo, portait of an artist as a young weirdo» de 5mn37 où Kermit, Miss Piggy, Rizzo, Fozzie interviennent à la manière des portraits effectués par E! Entertainment pour parler de Gonzo, l'acteur, la chose, d'où il vient, où il va. Ce qui permet de retracer la carrière de Gonzo au sein des Muppets... la fiction qui se confond avec la réalité ! Un exercice postmoderne étonnant et drôle. Excellent.
Ensuite, un «Christmas around the world» qui décrit de manière rapide les différentes manières de célébrer Noël à travers le monde Avec une fois de plus Gonzo et Rizzo qui viennent télescoper le propos. Enfin, le meilleur : les scènes manquées du film. Deux courtes minutes qui valent le détour : gags, réparties et ratages dans la meilleure tradition Muppet. Un chouïa d'irrévérence qui fait cruellement défaut au film. Le dialogue improvisé de la fille de Piggy au final montre le fossé entre la philosophie Disney qui a ripoliné le propos et les velléités des animateurs. Il est absolument rageant de constater que cette édition élude les autres bonus concoctés pour la version américaine (entre autres) à savoir le commentaire audio du réalisateur et le documentaire «Pigs, frogs and Humbug». Sans mentionner le morceau musical chanté par Meredith Braun qui fut excisé de la version cinéma mais pour être réintégrée dans la version vidéo aux USA (mais absente pratiquement partout ailleurs).
Il est à noter que les éditions américaines (durée : 89mn, avec donc quatre minutes supplémentaires) et australiennes (ainsi que la première édition anglaise) sont sorties en format plein cadre 1.33:1. Au moins, comme dit auparavant, l'édition dont nous parlons ici respecte le format cinéma.
Enfin, pour les irréductibles fans, Disney prévoit la sortie d'un coffret Blu Ray de sept films avec Muppets, dont ce NOEL CHEZ LES MUPPETS en «extended version» («version allongée»). Ceci en coordination avec la sortie du Blu-ray de la nouvelle version cinéma des MUPPETS (avec Jason Segel) le 20 mars 2012.