Header Critique : HELLDRIVER (HELL DRIVER)

Critique du film
HELLDRIVER 2010

HELL DRIVER 

On choisit ses amis, mais pas sa famille. Assez peu gâtée de ce côté là, Kika rentre un soir chez elle et découvre sa mère Rikka, ainsi que son oncle, en train de bouffer son père. Kika n'apprécie guère mais, alors que la querelle mère/fille s'annonce saignante, Rikka voit son torse transpercé par une météorite. La bougresse a cependant de la ressource : elle arrache le cœur de sa fille et remplace ainsi celui qu'elle vient de perdre ! Outre ce menu détail, la météorite transforme également une grande partie de la population nippone en curieux zombies. Rikka deviendra leur chef alors que Kika, maintenant dotée d'un cœur artificiel et d'un sabre tronçonneuse, partira en guerre au nom de l'espèce humaine et de sa vengeance.

Spécialiste des effets spéciaux et maquillages, Yoshihiro Nishimura réalise en parallèle de ses activités une poignée de courts-métrages avant de passer aux choses sérieuses (?) en 2008 avec l'excellent TOKYO GORE POLICE. Sans surprise, le bonhomme fait de son premier long une véritable vitrine gore dans laquelle il affiche d'innombrables et innommables mutations et mutilations ! Mais pas seulement... Il esthétise en effet l'horreur, rend la difformité savoureuse et l'hémoglobine sensuelle, voire sexuelle. En plus de cet étonnant travail sur l'image et la chair, Nishimura nourrit également son film d'un propos social, fait d'un regard sur la société nippone actuelle, mais aussi d'une dualité entre le Japon actuel et traditionnel. De nombreuses idées amusantes (l'automutilation au cutter par exemple) seront par la suite réemployées dans ses métrages suivants, comme VAMPIRE GIRL VS FRANKENSTEIN GIRL en 2009. Reste que sur ce film se faisait déjà sentir une certaine forme d'essoufflement, le recyclage d'une formule qui aura certainement engendré trop de films en une poignée d'années...

HELLDRIVER souffre donc tout d'abord de ce premier constat : nous sommes ici en présence d'un métrage dont les incroyables élans gores ne surprennent plus du tout. Les membres volent, le sang gicle, les corps sont démontés comme de simples poupées, le tout de manière indiscutablement ludique et décontractée... Mais rien n'y fait, tant d'autres ont servi la même recette que l'efficacité n'est plus. Pire, la lassitude s'impose assez rapidement et l'on en vient à regarder sa montre. Il faut dire que la boucherie est rythmée de manière frénétique, hystérique, et se montre difficile à suivre sur une longue durée (près de deux heures). La confusion scénaristique et la construction en flashback ne sont pas étrangères à cette perte de repères mais à cela, il faudra également ajouter une bande originale extrêmement envahissante, indigeste et assourdissante...

Autant le dire clairement, HELLDRIVER est un métrage dont le visionnage s'avère par instant très pénible. Pourtant, au milieu de cette lourdeur émergent ponctuellement les deux splendides héroïnes du métrage, Eihi Shiina et Yumiko Hara. La première, nous la connaissons bien puisqu'elle fut l'inoubliable tortionnaire d'AUDITIONKili kili kili...» !) et la toute aussi marquante Ruka, fliquette en mini-jupe de TOKYO GORE POLICE. Bien qu'elle n'ait pas vraiment l'âge d'être mère d'une jeune adulte, Eihi Shiina incarne ici Rikka, la maman cannibale détraquée, et reine des zombies à antennes... De dix ans sa cadette, Yumiko Hara n'est pour sa part qu'en tout début de carrière et prête sa plastique au personnage de Kika. Toutes deux forment la meilleure raison (et unique?) de se lancer dans le visionnage de HELLDRIVER. Car comme il avait pu le faire auparavant, Yoshihiro Nishimura prend grand soin de ses actrices et les fait évoluer de manière irréelle au milieu des gerbes de sang et des membres tranchés. L'espace de quelques séquences, la monstruosité Bis du film devient alors poésie morbide ou sublime cruauté. La mâchoire du spectateur vacille et Nishimura parvient à nous ré-accrocher pour cinq minutes de plus.

Reste qu'entre ses apparitions savamment mises en scène, nous ne pourrons que constater l'absence d'un véritable scénario. L'absence également du propos intelligent qui se dégageait de TOKYO GORE POLICE et la regrettable discrétion d'idées nouvelles. Nous aurons bien droit à quelques images amusantes, des zombies «curieux» et un combat déjanté contre une voiture Mad-Maxienne, mais l'ensemble demeure malgré tout trop avare et laborieux pour emporter l'adhésion. HELLDRIVER donne avant tout l'impression que son réalisateur s'est fourvoyé, qu'il a voulu pousser trop loin le concept de l'hystérie trash au détriment d'une narration claire et d'un équilibre entre fond et forme. Ici, le propos est inexistant et la forme clairement soûlante. Alors bien évidemment, de par son aspect «extrême» et décomplexé, HELLDRIVER devrait vivoter dans le cœur de certains amoureux du réalisateur ou procurer quelques «sensations» aux spectateurs non-initiés... Mais au delà de ça, le film est tout de même l'une des grosses déceptions du moment...

Rédacteur : Xavier Desbarats
Photo Xavier Desbarats
Biberonné au cinéma d'action des années 80, traumatisé par les dents du jeune Spielberg et nourri en chemin par une horde de Kickboxers et de Geishas, Xavier Desbarats ne pourra que porter les stigmates d'une jeunesse dédiée au cinéma de divertissement. Pour lui, la puberté n'aura été qu'une occasion de rendre hommage à la pilosité de Chuck Norris. Aussi, ne soyons pas surpris si le bougre consacre depuis 2006 ses chroniques DeViDeadiennes à des métrages Bis de tous horizons, des animaux morfales ou des nanas dévêtues armées de katanas. Pardonnez-lui, il sait très bien ce qu'il fait...
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