Thee (Saharat Sangkapreecha) se voit proposer une importante promotion professionnelle. L'occasion pour ce père de famille de pouvoir enfin offrir à sa femme et ses deux enfants une maison dans un quartier de la banlieue de Bangkok, un quartier nommé «Laddaland». Alors que la famille coule des jours heureux au lendemain de cette évolution sociale, une femme de ménage décède de façon mystérieuse dans la maison des voisins, son corps étant retrouvé recroquevillé dans le frigo.
Bien que la mode du film de fantômes semble être passée, excepté encore sur le marché vidéo japonais, la Thaïlande continue de nous gratifier de films de revenants de qualité. Après notre enthousiasme devant PHOBIA 2 au Marché du Film de Cannes l'an dernier, nous étions pressés de découvrir LADDALAND, le nouveau champion local. Le film est signé par Sopon Sukdapisit, scénariste de SHUTTER ou encore ALONE et réalisateur du déjà tendu COMING SOON. Inspiré nous dit-on par des évènements réels (!), le film est sorti en avril dernier sur les écrans thaïlandais. Le succès est immédiat et LADDALAND prend la tête du box office dès sa première semaine de sortie, détrônant au passage le blockbuster US qui trustait alors la première place (en l'occurrence THOR de Kenneth Brannagh).
Dès ses premières images, LADDALAND se montre du niveau des récents succès thaïlandais d'horreur. Les comédiens sont impeccables, la photographie très soignée, les effets spéciaux parfaitement crédibles et la mise en scène prend le temps de développer les personnages avant de nous rendre fous avec des effets de «jump scare» parfaitement maîtrisés. Le film commence comme une comédie en nous présentant l'arrivée d'une famille dans une maison qui était jusqu'alors hors de leur moyen. Le film utilise l'humour, avec notamment une piteuse première soirée en amoureux entre Thee et sa femme, pour mieux nous faire aimer ces personnages. Nous sommes en pleine euphorie liée à la consommation du «rêve américain» avec cette famille s'occidentalisant dans une demeure copie carbone de celle des nombreux voisins. Le film bascule ensuite vers le drame social tout en posant, cinéma thaïlandais oblige, des questions sur l'héritage culturel local. Cette aspect est beaucoup cristallisé sur le personnage de la fille de Thee, une jeune adolescente refusant la vie dans cette maison et ne jurant que par son enfance à Bangkok où elle fut élevée par sa grand-mère. L'horreur dans LADDALAND commence donc par la décrépitude d'une famille se brûlant les ailes sur un modèle occidental sans âme.
Intelligent et adulte, LADDALAND est un film qui inspecte avec finesse son contexte et ses personnages. Bien entendu, il n'oublie pas d'être un film de frousse particulièrement costaud. Les fantômes sont bien au rendez-vous dans des scènes certes classiques mais toujours aussi efficaces. Impossible de ne pas faire des bonds de deux mètres sur son siège face aux apparitions soudaines aux quatre coins du cadre. LADDALAND ne réinvente pas la roue, se contentant d'aligner autant de fantômes qu'il y aura de disparitions mystérieuses dans le quartier. Par contre, le film se montre particulièrement graphique dans sa représentation «extrême» des morts, allant jusqu'à détailler un enfant fantôme avec un trou dans la tête ! De quoi jouer fortement avec les nerfs du spectateur lorsque les morts sont au centre de scènes insoutenables de suspense. D'une virée entre ados dans la maison du premier meurtre à un jeu de cache-cache entre des draps séchant dans le jardin, LADDALAND aligne les scènes oppressantes. Le clou du film survient lorsque Thee attache une caméra au collier du chat du quartier pour découvrir après coup des visions fantomatiques dans toute sa maison.
A la fois classique et incroyablement maîtrisé, LADDALAND est donc une excellente surprise venant d'un pays prenant très au sérieux le fantastique, un niveau d'exigence malheureusement marginal ces dernières années dans le genre. Espérons que le film puisse bénéficier d'une distribution française afin que cette réussite puisse se confronter aux amateurs de fantastique actuellement en pleine disette qualitative. Encore faudra-t-il pouvoir encaisser le final du film, une scène d'une incroyable noirceur rappelant (en pire) la conclusion de THE MIST de Frank Darabont. On sort du film avec un incroyable bourdon, vous êtes prévenus…