Modeste employé de la multinationale californienne Gencom, spécialisée dans la recherche et les nouvelles technologies, Robert Dean ne va pas fort depuis quelques temps. Le malheureux manque en effet cruellement de sommeil depuis que d'incompréhensibles cauchemars viennent régulièrement perturber ses nuits. D'effroyables visions dans lesquelles, accompagné d'une belle brune, Robert se voit castagner trois inconnus masqué, tout de noir vêtus. Las de le voir bondir du lit conjugal en sueur au beau milieu de la nuit, sa femme le pousse à aller consulter Monsieur Grace, le toubib de chez Gencom. Le diagnostic de ce petit check-up tombe et se veut plutôt rassurant : Un peu de stress, de surmenage, rien de bien méchant... Pourtant, Robert demeure soucieux. Il a l'impression qu'on ne lui dit pas tout...
FUGITIVE MIND est signé Fred Olen Ray, figure mythique du Z californien œuvrant à l'occasion, et selon les genres, sous les pseudonymes de Nicholas Medina, Ed Raymond ou Sherman Scott. Riche de plus d'une centaine de titres, sa filmographie milite pour une certaine forme de diversité (sous-)culturelle. La même année, il peut ainsi vous régaler d'un divertissement familial sur fond de fêtes de Noël (AN ACCIDENTAL CHRISTMAS), de quatre films érotiques mariant sans beaucoup de sérieux épouvante, espionnage, science-fiction et arts martiaux (SUPER NINJA BIKINI BABE, BEWITCHED HOUSEWIVES, GIRL WITH THE SEX-RAY EYES, THE GIRL FROM B.I.K.I.N.I) et d'un thriller catastrophe au titre on ne peut plus explicite (OURAGAN NUCLEAIRE). Des bandes filmées à la chaine du côté de Los Angeles dont l'absence quasi-totale de budget constitue pour le non-initié le dénominateur commun le plus facilement identifiable.
Autant dire de suite qu'une activité aussi frénétique relègue généralement au second plan toute considération d'ordre qualitatif. D'où l'appréhension de découvrir ce FUGITIVE MIND, troisième collaboration entre le cinéaste californien et l'ex-action hero de la Cannon, Michael Dudikoff. Pourtant, en tenant compte des paramètres précédemment exposés, force est d'admettre que ce titre constitue une bonne surprise au sein de l'imposante œuvre cinématographique de Fred Olen Ray.
Premier motif de satisfaction : le script tient plutôt bien la route pour un produit sans doute écrit dans l'urgence comme celui-ci. Certes les auteurs pratiquent ouvertement le recyclage d'idées. On y décèle l'influence de certains travaux du Michael Crichton des années 70-80 ayant trait à la manipulation de l'individu par la science à des fins politico-commerciales, mais également quelques traces du Philip K. Dick de TOTAL RECALL dans sa description d'un faux monsieur tout-le-monde en quête de sa véritable identité. Une référence que semble d'ailleurs avoir tout particulièrement retenu le compositeur Jay Bolton, dont certaines pistes musicales lorgne jusqu'au plagiat vers la composition de Jerry Goldsmith pour le film de Paul Verhoeven. Enfin, des films tels que UN CRIME DANS LA TETE, TELEFON ou encore TIMEBOMB auront également droit de cité dans ce melting pot de références. Toutefois, si le scénario n'invente rien, il se révèle plutôt correctement agencé, prenant notamment soin de mener constamment de front plusieurs actions afin de minimiser chez le spectateur l'impression d'un spectacle sans grande envergure, filmé au rabais.
L'autre petit atout de ce FUGITIVE MIND est à dénicher du côté de l'interprétation. Michael Dudikoff se sort très honorablement d'un rôle pourtant sous-écrit, bricolé à partir d'éléments pré-existants piochés ici et là. Le voir parvenir à insuffler un peu de vie à ce personnage d'assassin programmé tentant de recoller les morceaux d'un passé effacé est donc presque une petite performance en soi, voire plus encore si l'on tient compte que l'acteur se trouve légèrement handicapé par une saillante coupe de cheveux blonde pétard, rappelant la tristement célèbre coiffe hirsute de Jeff Fahey dans THE LAWNMOWER MAN.
Le reste de la distribution sera quant à lui susceptible d'amuser l'amateur trentenaire (et plus) de séries télévisés anglo-saxonnes des années 70-80, à condition toutefois qu'il réussisse à identifier tous les survivants de cette glorieuse époque rassemblés pour l'occasion. Car si la chose s'avère relativement aisée dans le cas du Ian Ogilvy du RETOUR DU SAINT ou de la Michele Greene de LA LOI DE LOS ANGELES, plus fins observateurs seront ceux qui reconnaitrons de suite l'ex fringant Gil «Buck Rogers» Gerard derrière sa généreuse bedaine et son visage rondouillarde à la chevelure grisonnante.
Quoi qu'il en soit, cette sympathique brochette de cachetonneurs compense par son professionnalisme l'étroitesse du budget et le manque de fermeté de la direction d'acteurs. Et le tout constitue une modeste bande d'anticipation / science-fiction certes foncièrement dispensable mais également loin d'être impropre à la consommation, voire même étonnement satisfaisante pour peu que le DVDphile soit un client régulier de ce type de petits plats cinématographiques préparés à la chaine.
Comme s'il avait voulu rendre à sa façon hommage au côté combinard fauché du cinéma de Fred Olen Ray, le DVD français de FUGITIVE MIND, sorti en 2004, transpire la misère côté présentation et interactivité. L'éditeur Seven 7 choisit clairement d'aller à l'essentiel, avec une accession quasi instantanée au frugal menu titre une fois la galette lancée, une section chapitres dépourvue de titres (au moins évite t'on ainsi les spoilers ) et, en guise de bonus, des filmographies de Michael Dudikoff et Heather Langenkamp se résumant à trois titres chacun. Le même esprit de débrouillardise un tantinet roublarde semble avoir prévalu à la confection de la jaquette. Relativement fantaisiste dans son résumé de l'intrigue, celle-ci réclame en outre de l'acheteur potentiel une attention soutenue lors de la lecture des langues et sous-titres proposés. Les plus étourdis ne saisiront pas forcément que le minuscule trait au centre de la case à droite de celle indiquant «sous-titre» en majuscule signifiait une absence complète de sous-titres.
Reste que, là-encore à l'image du film en quelque sorte, on a connu galette moins fréquentable. Car FUGITIVE MIND est tout de même présenté dans son format 1.33 d'origine. La copie est tout ce qu'il y a de plus propre et l'édition a au moins le mérite de proposer le film dans sa version originale, même s'il faut se contenter d'une piste son 2.0 Dolby Digital un peu étouffée donnant par moment presque envie de se rabattre sur le 5.1 Dolby Digital du doublage français, beaucoup plus clair.
Tout comme le film qu'elle propose, cette édition française de FUGITIVE MIND n'a donc rien d'indispensable. Mais, avouons que l'intérêt très relatif de cette œuvrette destinée exclusivement au marché du câble et de la vidéo ne réclamait pas de manière prioritaire un traitement beaucoup plus fouillé.