Cheng Li-sheung (Josie Ho, également co-productrice) est une jeune femme travailleuse prête à investir dans l'appartement de ses rêves. Mais quand la vente tombe à l'eau, elle se décide à poursuivre son rêve, même s'il faut assassiner les voisins et autres locataires.
La crise identitaire et immobilière ne font qu'une, DREAM HOME l'a bien saisi. Au premier degré, le film est éminemment jouissif. Une succession de scènes gorissimes, effectuées de main de maître, alliant effets spéciaux mécaniques et numériques de manière fort adroite. La violence est par ailleurs curieusement axée sur la torture, l'hématome, la blessure relative au cou. Assez singulier dans ce cas présent, faut-il y voir l'image d'une femme étouffée par sa condition qui se venge de manière inconsciente sur ce qui va l'empêcher d'arriver à sa sublimation ?
En tous cas, le metteur en scène Ho-Cheung Pan, pour sa neuvième œuvre, s'en donne à cœur joie pour balancer une violence hyperbolique du plus bel effet. Etouffement, avec une belle utilisation d'un sac plastique autour d'une tête plus une ouverture laissée pour un aspirateur que l'héroïne branche afin d'en retirer l'air. Ce qui fait par ailleurs penser que l'exécution (voir la torture) des femmes enceintes semble être un tabou que certains cinéastes franchissent allègrement depuis quelques temps (J'AI RENCONTRE LE DIABLE, QUARANTINE 2 : TERMINAL...). Eventrements, castrations et une parfaite symbolique de pénétration où le couteau remplace le sexe masculin pour défoncer un torse faisant partie d'un corps lui aussi en pleine action sexuelle. On peut sombrer dans la pornographie en montrant l'acte sexuel ? Pas de souci. Montrons alors la pénétration d'un couteau dans un corps, ça passera beaucoup mieux. Y compris pour le panache final («quelle giclée !» où sang et sperme se confondent) qui provoqua un torrent d'applaudissements et de rires dans l'assemblée du Festival du Film Fantastique de Gérardmer où le métrage était projeté en 2011. Eros et Thanatos en plein délire. On comprend le second degré mais ces débordements empathiques pour l'héroïne pourront paraître bizarres pour les non initiés.
Violence ? Présente. Sexe ? aussi. Gore ? itou. Scénario ? idem aussi, et c'est bien ce qui parait étonnant dans ce produit nous venant de Hong Kong. Et on en vient par ailleurs à penser que tout l'attirail bis cul-gore parait en trop. Cheng Li-sheung est une femme stressée, travaillant dans le call-center d'une banque et propose des produits financiers à longueur de journée. Une relation avec un homme marié dans un hôtel quelconque pour se donner l'impression d'être vivante. Elle se prive de loisir afin d'économiser pour son appartement de rêve. Son choix fixé, elle ne dévie pas d'un iota. Jusqu'à donc passer à l'action via le meurtre afin d'aboutir à son idéal. Rien ne laisse soupçonner qu'une jeune femme aussi effacée puisse être capable de telles monstruosités. Ce qui aurait pu donner un sujet pile poil pour un Festival de Cannes, Berlin ou Venise vire au cauchemar sanglant et tombe dans le genre que nous affectionnons toutes et tous. Mais vu la richesse de l'arrière plan (crise financière mondiale, crise du logement à Honk Kong, déshumanisation du relationnel, privations...), on se dit, curieusement, que DREAM HOME peut tenir debout sans les excès sanguinolents. Comme si la mise à mort des locataires tenait de la gratuité, eu égard à la structure narrative du film.
DREAM HOME étonne aussi de par la manière dont il s'agence. Un minutage très précis du déroulement des meurtres qui s'interromp avec des flashs backs qui révèlent au fur et à mesure le cheminement et la prise de décision de l'héroïne. Le premier énerve quelque peu par son irruption brutale dans l'action. Généralement, ce truc narratif vient à pallier un manque de savoir-faire d'écriture afin d'expliquer un retournement de situation ou au final d'un film à suspense (des Gialli, par exemple) pour révéler au spectateur le pourquoi du comment. Ici, on comprend rapidement que le flash-back est la structure-même du film et que le scénariste se base sur ce système afin de construire le suspense. Le souci demeure que seule l'héroïne apparaît comme digne d'intérêt. Les autres personnages sont à peine dessinés et inévitablement caricaturaux vu le ton du métrage. Entre le couple marié dont le mari est volage (décidément, il ne fait pas bon être marié à Honk Kong !), les jeunes voisins drogués dingue de rock partouzards, les filles invitées sont plus que faciles... De gros traits pour leur description. De toute façon, comme ils sont tous de la chair à pâté pour massacre en devenir, les auteurs n'ont apparemment pas voulu pousser plus que cela un attachement particulier au reste du casting...
DREAM HOME apparaît singulièrement tiraillé entre son attirance pour le sale, le provoquant, le glauque et son constat très amer sur la situation en temps de crise à Honk Kong. Crise morale, crise financière ou crise de confiance, il ne semble y avoir d'autre solution que la loi du plus fort (du moins, celui qui tape le plus fort). Le final reste en ce sens immoral (assez rare pour être noté), et avec en voix-off un commentaire d'un journaliste commentant la crise des subprimes qui déferle sur le monde. Ce qui contraste étrangement avec la quiétude retrouvée du plan. Qu'est-ce qui est le plus violent, au fond ?
DREAM HOME plaira ainsi aux amateurs de jugulaires explosées et autres tripes à l'air, tout comme à celles et ceux qui attendent d'un film de genre qu'il soit original et jusqu'auboutiste dans son approche d'un sujet à priori peu sexy. Aligner des scènes de boucherie extrêmes et le doubler d'une réflexion sociologique crédible, voici la vraie recette d'un série B réussie : Bicéphale, parfois bancale et avec un côté bisseux qui se perd dans ses exagérations mais très sympathique à l'œil et au cerveau.