Un serial killer sévit dans le milieu du tourisme sexuel à Bangkok, mutilant et torturant ses victimes dans le but évident de leur faire payer leurs vices. Les corps sont retrouvés découpés et entassés dans des valises rouges que découvre une police hagarde. Tandis que l'enquête piétine, les maigres indices laissent à penser que le tueur est un ami d'enfance de Tai (Arak Amornsupasiri), un tueur à gage purgeant une peine de prison. Tandis que la femme de Tai est retenue en guise de «caution» par la police, ce dernier a quinze jours pour remonter le fil de ses souvenirs et débusquer le tueur.
Quel étonnant film que SLICE. Vu de loin, ce film d'horreur thaïlandais ressemble à s'y méprendre à une contrefaçon locale de thriller hardcore et complaisant. On pense bien entendu à SAW avec ce tueur adepte de la torture et enveloppé dans une cape rouge. SEVEN n'est jamais loin lorsque l'on parle de serial killer possédant une sorte de point de vue «moral», bien décidé à punir ses victimes là où elles ont pêché. Enfin, on pense aussi beaucoup au coréen LA SIXIEME VICTIME avec ces corps retrouvés en morceaux aux quatre coins de la ville. Durant son premier tiers, SLICE s'inscrit parfaitement dans cette famille d'influence sans d'ailleurs y dépareiller. Mais l'intérêt du film ne réside pas dans cette efficacité. Peu à peu, SLICE va changer de ton pour verser dans le drame et les traumatismes de l'enfance avec un aplomb assez bouleversant. Présenté au BIFF 2010, le film fait un triomphe devant un public n'hésitant pas à le considérer comme le meilleur film diffusé au festival.
SLICE est réalisé et scénarisé par Kongkiat Khomsiri. Tout d'abord auteur, il participe à l'écriture du «blockbuster» local BANG RAJAN de Tanit Jitnukul. Il enchaîne ensuite avec l'écriture et la réalisation de ART OF THE DEVIL 2 et ART OF THE DEVIL 3, deux films ayant la particularité d'être signés par tout un groupe de metteurs en scène (la «Ronin Team»). Kongkiat Khomsiri ne commence sa carrière de réalisateur solo qu'en 2007 en signant MUAY THAI CHAIYA, un film d'arts martiaux. Protégé de l'auteur-réalisateur Wisit Sasanatieng (scénariste du merveilleux NANG NAK et metteur en scène du délirant LES LARMES DU TIGRE NOIR), Khomsiri adapte avec SLICE une idée originale de son mentor.
La réussite de SLICE est d'autant plus forte que nous ne l'avons pas vue venir. Le film débute sur un premier tiers très collé aux méfaits de son tueur. L'occasion de quelques scènes choc particulièrement crues : un américain sodomisé au couteau devant les yeux de l'enfant qu'il abusait quelques minutes plus tôt, ou encore un massacre au fusil à pompe dans une boite de nuit peuplée de transsexuels. SLICE exploite clairement le tristement célèbre marché du sexe local où les tabous et les excès ont exceptionnellement toute permission. Baigné dans une lumière crépusculaire, voire glauque à souhait, le film use et abuse des effets de montage quand il ne verse pas dans une sorte d'humour marginal et décalé (comme avec cet homme avec une boule disco sur la tête qui se fait tirer dessus, la cervelle s'éparpillant en l'air au même rythme que les fragments de miroirs).
Rondement menée, cette première demi-heure n'est finalement qu'un thriller de plus. SLICE débute véritablement lorsque Tai sort de prison à la recherche du principal suspect, son ami de jeunesse. Tai part ainsi dans son village d'enfance, un cadre de campagne loin des néons de la ville. Plongé dans son introspection, Tai se souvient du tueur. Lorsque ce dernier n'était qu'un petit garçon d'une dizaine d'années, répondant au nom de Nat. Nat était l'esclave sexuel du village. Violé à répétition par son père, abusé par son professeur, martyrisé sexuellement par les autres enfants sous prétexte que c'était un «pédé». Avec une sensibilité étourdissante, SLICE nous peint le portrait de ce petit garçon que la perversité n'a cessé de briser, méthodiquement. En tant qu'ami, Tai essaie de sauver son ami sans y parvenir. Mais a-t-il seulement vraiment essayé ?...
Puissant et étourdissant, SLICE est l'histoire de cette enfance violée, l'aspect thriller n'étant qu'une porte d'entrée, un «angle», pour aborder ce thème aussi rare au cinéma. Certes, le sujet est parfois un peu lourd pour une série dite B comme SLICE et le film se rend parfois coupable de fautes de goût. On regrette l'abus des effets de perspective d'une photographie misant plus que de raison sur le grand angle. On surprend à quelques reprises la musique du film en flagrant délit de plagiat, en utilisant un morceau de LITTLE MISS SUNSHINE avec deux notes inversées. Enfin, le jeune comédien principal n'est absolument pas à l'aise dans les scènes d'émotion, apportant de gros bémols à l'impact de certaines scènes fortes. Le spectateur pourra cependant passer au delà de ces bémols pour se laisser emporter par la force du récit de SLICE. Un film aussi orginal que dur, qui nous prouve s'il en était encore besoin que le cinéma d'horreur est encore capable de traiter avec force et intelligence les sujets les plus tabous.
Wild Side distribue en vidéo cet étonnant métrage. Comme à son habitude, l'éditeur place une tripotée de bandes-annonces à l'insertion du disque pour ses autres sorties vidéo du moment. Heureusement, un appui sur la touche «Menu» de la télécommande et l'on peut accéder enfin à SLICE. Curieusement, les bandes-annonces ne sont pas accessibles sur le menu des suppléments ce qui semble un peu bête en terme d'interactivité ! Qu'importe, on s'orientera en priorité sur le film lui-même. Il est ici présenté dans son format cinéma respecté avec un transfert 16/9 qui respecte les choix parfois particuliers de la mise en image. La première partie du film offre donc une image assez brute et aux couleurs criardes qui pourraient laisser penser à un défaut au même titre que l'utilisation de divers objectifs type «fisheye». Une fois que le héros quitte le milieu urbain, l'image se révèle alors bien plus naturelle tout en venant confirmer l'évident choix artistique alternant l'aspect poisseux de la ville avec le côté plus lumineux de la campagne. Le disque retranscrit donc très bien l'expérience de SLICE. Pour le son, on sera surpris que l'éditeur continue, sur pas mal de ses sorties, à proposer un panel disparate de formats sonores en fonction des langues. Ici, la version originale thaïlandaise est en Dolby Digital 5.1 alors que le doublage français est décliné en DTS 5.1, Audio 3D (pour une écoute spatialisée au casque) et Stéréo. La version française est techniquement à la hauteur mais le doublage ne colle pas vraiment à l'ambiance. Les aficionados de la version originale devraient donc se tourner quoi qu'il arrive vers la version thaïlandaise pour goûter correctement à ce métrage.
Hormis les bandes-annonces qui s'imposent, avant d'être zappées, à l'insertion du DVD, le disque contient aussi celle de SLICE. On la trouve dans le menu des suppléments, bien évidemment, tout comme un making-of . En fait, il s'agit d'une Featurette, montage d'extraits du film et d'interviews du réalisateur et des comédiens. Ces derniers n'ont pas grand chose à dire de très pertinent, le metteur en scène s'en sort un peu mieux sans pour autant être franchement passionnant.
