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Critique du film
RAMMBOCK 2010

 

- Eh, Tu connais «bite, poil, couilles» ?
- Euh… non.
- Ca tombe bien, je les ai tous les trois dans mon slip.

Voilà.

Des dialogues fleuris qui peuvent orner une bonne vingtaine de métrages récents qui ont des zombies comme héros. Un peu fatiguant, à la longue. La solitude du chroniqueur de fond, quoi.

A l'annonce d'un nouveau film de zombies allemand nommé RAMMBOCK («Bélier» en français) et à la vue de l'affiche particulièrement laide, il y a de quoi frémir (pour de mauvaises raisons). Eh bien non. Il y a du nouveau en Allemagne. Ou plus précisément à la télévision allemande. Plutôt curieux, d'ailleurs... Une chaîne de télévision qui produit un film avec une invasion de zombies... Bien sûr, difficile d'imaginer notre vaillante France 2 s'aventurer sur de tels chemins : il s'agit en fait de la ZDF, seconde chaîne allemande de télévision.

Le film part d'un structure archi connue : une ville est la proie d'une horde de zombies qui s'attaque à un groupe de survivants coincé dans leur immeuble. Classique. Mais grâce à un scénario qui ne s'attarde pas sur l'inutile et à une mise en scène directe, simple et qui fonce droit au but, on se retrouve tout étonné de découvrir quelque chose d'original. Clairement, RAMMBOCK est l'antithèse de films comme LA HORDE ou [REC]. Ainsi Michael (Michael Fuith) débarque à Berlin et souhaite recoller les morceaux de sa relation avec son ex Gabi (Anka Graczyk). Trouvant l'appartement vide, il croise Harper (Theo Trebs) un apprenti plombier. Ils sont alors surpris par une troupe de zombies qui envahit l'immeuble. Un virus régnant sur la ville, ils se barricadent dans l'appartement et tentent alors de survivre aux attaques répétées tout en évitant l'infection.

D'une durée inhabituelle de 64 minutes, le métrage possède l'avantage d'être carré et surtout débarrassé de tout le gras qui parasite généralement les récents films d'horreur à débordements sanguinolents qui se croient obligés d'en rajouter dans le grotesque, l'exagération, la caricature, l'outrance afin de tenter d'obtenir une identité propre et de tenir les 90 minutes réglementaires.

Une des grandes qualités du film demeure l'attachement réel aux personnages. De l'amoureux éconduit cherchant à renouer avec sa belle jusqu'à son acolyte inopiné en passant par tous les habitants de l'immeuble… Pas de gravures de modes, pas de stéréotype galopants. Des sensations proches du réel, des préoccupations vraies sans pour autant céder à des portraits lisses et attendus. Le film verse même de manière surprenantes dans le drame qui sait émouvoir (le suicide d'un survivant qui vient de perdre sa moitié). Le réalisateur possède suffisamment de tact pour éviter le pathos facile : sa mise en scène, toujours simple, parle seulement via l'image et évite les dialogues inutiles. Un vrai point de vue de cinéaste. Très beau.

De rupture de ton en comédie qui vire à l'aigre, la construction du film respecte et suit l'architecture du lieu. L'immeuble et sa cour intérieure et le récit qui gravit les étages tout comme les échelons du suspense. A l'instar des appartements ou visiblement peu de voisins se connaissent, le film canalise plusieurs trajectoires d'humains entrant en collision à la faveur d'un événement incongru. Chaque personnage se trouve confiné dans son appartement, n'ayant que seul regard sur le monde sa fenêtre donnant sur la cour et la télévision. Le tout rythmé par des attaques de zombies s'infiltrant, alléchés par les humains tentant une sortie.

Après la déclaration via les médias de la possibilité de traitement médical, le relationnel se résume à des tractations de médicaments contre nourriture entre les locataires. Dans le même temps, on suit la lente évolution de l'état de vivant à celui de zombie de certains des habitants. Le ton est celui du quotidien, du quidam dont l'horreur fait irruption dans sa vie. Dès lors, on comprend que RAMMBOCK se place à des années lumières des dizaines de projets horrifiques actuels tendance gore qui tâche ainsi qu'aux hommages et références appuyés. Il s'agit justement de cette sobriété dans l'approche qui donne toute sa fraîcheur au métrage. Une humilité qui fait honneur au genre.

La caméra choisit une posture assez sage et se concentre sur les héros, leurs choix plutôt que sur l'action en elle-même. Un montage classique qui privilégie les regards, les déplacements du corps dans le cadre et la fluidité du récit. Là aussi RAMMBOCK est aux antipodes de la mode actuelle du jump cut à tous les étages et pour n'importe quelle raison, généralement couplée à une shakycam supposée créée le mouvement… Ce qui n'empêche pas les mort-vivants de sombrer dans des interventions brutales ! Quelques éclats gore, des maquillages discrets mais réussis, une foule zombiesque qui assaille les humains de manière convaincante. Qu'il s'agisse des irruptions dans le bâtiment, les attaques dans la cour ou l'échappée nocturne finale (et explosive !) à travers les rues désertées de la ville.

De par son format initial, RAMMBOCK ne peut que surprendre. Durée, traitement du sujet, personnages taillés au plus près, sobriété de la démarche... Un certain dépouillement visuel qui va à rebours des exagérations formelles qui semblent être actuellement un mode propre d'expression. Savoir se débarrasser d'un à priori afin de mieux savourer un film plus attachant et surtout mieux écrit que la palanquée d'opus de films de zombies vus ces derniers temps. Une belle leçon d'humilité cinématographique dans un genre archi-visité. Marvin Kren a réalisé en plus un film qui n'a pas oublié d'être fun, sanglant et intelligent. Encore !

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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