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Critique du film
DJINNS 2010

 

Dans les années 60, un groupe de soldats français est sommé de retrouver une mallette dans la carcasse d'un avion écrasé dans le désert algérien. Attaqués par des soldats locaux, les français se réfugient dans un village qu'ils parviennent à maîtriser de manière musclée et peu glorieuse. L'odeur de la guerre et de la violence attise la curiosité des esprits du désert, les Djinns.

Créatures et / ou esprits issus du folklore moyen-oriental, les Djinns ont jusqu'à présent été surtout représentés au cinéma sous leur forme la plus connue : celle du génie dans la lampe. Les Djinns ont cependant beaucoup d'autres incarnations selon les ethnies. Le premier film de Hugues et Sandra Martin nous propose de revenir à une vision plus traditionnelle du mythe en mettant en scène des esprits vivants dans des endroits désertés par les hommes et prompts à influencer les pensées et le comportement des quelques voyageurs égarés. DJINNS n'est pas pour autant qu'un film de fantômes. En plaçant son élément fantastique au sein d'un film de guerre, visitant l'une des pages les plus embarrassantes de l'histoire française, Hugues et Sandra Martin nous proposent un film à l'ambition largement au-dessus des récentes tentatives de «genre» à la française qui se contentaient juste de viser l'efficacité en régurgitant le modèle américain.

Film de personnages, DJINNS réunit un groupe d'acteurs issus majoritairement de la jeune génération française. Nous retrouvons Aurélien Wiik (FRONTIERE(S) de Xavier Gens), Stéphane Debac (aperçu à la fin de PHENOMENES de M. Night Shyamalan), Cyril Raffaelli (BANLIEUE 13 de Pierre Morel) ou encore Matthias Van Khache (l'excellent court MONSIEUR MECHANT de Fabrice Blin et le moins excellent LADY BLOOD de Jean-Marc Vincent). Parmi les comédiens plus expérimentés, Thierry Frémont campe un gradé nerveux et adepte de la violence. L'excellent Saïd Taghmaoui est également présent dans le rôle d'un soldat ennemi capturé par les français. A l'intérieur de cette chorale d'acteurs, Grégoire Leprince-Rinquet (bientôt à l'affiche de LA PRINCESSE DE MONTPENSIER de Bertrand Tavernier) se dégage comme personnage principal au vu de son engagement plus neutre dans le conflit militaire. Il est en effet chargé de filmer les soldats au combat. L'occasion de quelques images de film dans le film utilisées de manière efficaces et intelligente par les metteurs en scène (voir la scène de l'attaque ennemie intervenant par surprise dans l'œilleton de la caméra de reportage).

Avec son histoire de soldats dérangeant les Djinns du désert, on pense à la série B DUNES DE SANG d'Alex Turner. Lorsque les esprits se manifestent tandis que français et prisonniers algériens sont enfermés dans le même village, on s'imagine déjà dans une variation d'ASSAUT de John Carpenter. Pourtant, DJINNS parvient à se dégager de toutes ces tentations narratives pré-mâchées pour nous garantir une histoire originale et forte. Celle de soldats français enfermés dans un lieu qu'ils ne maîtrisent pas, dont la vie est mise en jeu pour le bien d'une mission dont ils n'ont aucune idée des tenants et aboutissants (que contient cette mystérieuse mallette ?). Ivres de peur et / ou de violence, les soldats français vont se retourner contre eux-mêmes sous l'influence des Djinns, métaphore d'une guerre sale et destructrice pour toutes les parties.

Si DJINNS offre quelques moments de pur fantastique avec les apparitions, superbes, des esprits du désert, le film se concentre essentiellement sur ses personnages. Au point que le fantastique apparait in fine quelque peu anecdotique quant à l'écrasant message véhiculé par le côté «film de guerre». Mais les acteurs sont suffisamment bons et les personnages solidement construits pour que DJINNS n'ait pas besoin de recourir aux ficelles du genre. Hugues et Sandra Martin n'hésitent d'ailleurs pas à traiter des tabous de la guerre d'Algérie, comme une séquence de torture où Saïd Taghmaoui prend la place de la victime en réponse aux ROIS DU DESERT de David O. Russell où il incarnait le bourreau dans une scène similaire. Le plan final, très étonnant, continue de fouiner dans les pages honteuses de l'histoire en citant des expérimentations françaises que tout le monde tentait d'oublier.

Candidat plutôt discret de la prochaine vague de films de genre à la française, DJINNS est (enfin !) un vrai bon film fantastique français. Un vrai bon film qui a compris que la qualité se méritait au fil d'un scénario intelligent et bien écrit, ainsi qu'à une troupe de comédiens défendant des rôles et ne se vautrant pas dans la caricature. Certes, le film souffre de quelques petites baisses de régime en son centre. L'hystérie collective des soldats est représentée de manière un peu trop froide et manque de fait d'un peu d'intensité. Des défauts mineurs compte tenu du pari du film, remporté haut la main. Il ne reste plus qu'à espérer que le public français, déçu par les récents échecs du genre dans l'hexagone, ne passe pas à côté de cette réussite aussi sobre que tant attendue.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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