Dory se fait virer de son emploi informatique. Excédé, il décide de changer de voie et prend le premier boulot qu'il trouve. Il rejoint alors une équipe de nettoyage de nuit dans un immeuble de bureau. Là, une entreprise travaille sur des biscuits expérimentaux…
David Russo n'a pas fait d'école de cinéma et, à vrai dire, il se voit plus comme un artiste indépendant que comme un réalisateur. Après s'être exprimé aux travers de plusieurs courts-métrages, il se lance pourtant dans un premier long où il va aborder un sujet qu'il connaît particulièrement bien. En effet, David Russo a travaillé pendant plus de dix ans comme employé d'entretien, ce qui l'a amené à faire des découvertes pour le moins étranges dans le cadre d'un travail généralement jugé ingrat. Parmi celles-ci, la plus frappante fut sa "rencontre", de nuit et dans les toilettes des femmes, avec le résultat d'une fausse couche. C'est à partir de là qu'il va développer son histoire pour le moins bizarre qui suit un groupe d'agents d'entretien dans un immeuble de bureaux. THE IMMACULATE CONCEPTION OF LITTLE DIZZLE adopte un rythme soutenu et ne se relâche jamais vraiment en accumulant dialogues qui font mouche, séquences surréalistes et idées à foison. L'introduction donne ainsi le ton en confrontant l'aspect poétique et naïf du héros face à une bouteille jetée à la mer et dont le contenu s'avère assez inattendu.
Informaticien, le héros du film passe du monde du travail diurne à celui de la nuit. Bossant toujours dans les bureaux, il va surtout redécouvrir les open-spaces ainsi que les toilettes sous un jour très différent. Ce personnage candide donne l'occasion au film de présenter aux spectateurs la face cachée des employés de ménages. Evidemment, il ne s'agit pas ici de généralités mais avec THE IMMACULATE CONCEPTION OF LITTLE DIZZLE, David Russo désamorce assez vite le côté peu glorieux que l'on se fait habituellement de la profession. Au contraire, le film réussit à nous présenter une attachante équipe de joyeux drilles s'attaquant au nettoyage sans complexe et avec une démarche consciencieuse toute relative. Le personnage interprété par Vince Vieluf prend alors assez vite autant d'importance, si ce n'est plus, que celui d'un héros plus effacé et timoré. Cette présentation du travail de nettoyage ainsi que la philosophie qui en découle, telle que décrite dans le film, est réellement savoureuse. Le terme pourra d'ailleurs paraître des plus surprenants puisque THE IMMACULATE CONCEPTION OF LITTLE DIZZLE braque très souvent sa caméra sur les cuvettes des toilettes. Mais le regard décomplexé du cinéaste à ce sujet évite finalement de sombrer dans le crapoteux. Mieux, il érige la vision des toilettes au rang de véritable expression artistique, ce que démontrera l'un des personnages lors d'une exposition d'œuvres assez particulières. David Russo développe ainsi ses idées jusqu'au bout sans oublier d'emballer le tout dans une forme humoristique plutôt bienvenue. Il en ira de même pour l'aspect «Fantastique» du métrage avec l'évocation de grossesse masculine. Au cinéma, la chose s'était déjà vu par exemple dans L'EVENEMENT LE PLUS IMPORTANT DEPUIS QUE L'HOMME A MARCHE SUR LA LUNE ou bien JUNIOR. Mais, ici, le film s'écarte tout de même des bébés traditionnels pour nous présenter des créatures «autres». Toutefois, ces rejetons très particuliers sont surtout la conséquence ultime d'expériences dans le domaine alimentaire dont une partie du film propose une vision satirique.
Ayant déjà réalisé des métrages d'animation, David Russo met à profit son expérience sur THE IMMACULATE CONCEPTION OF LITTLE DIZZLE et multiplie ainsi les effets et autres étrangetés. Il s'associe même à l'artiste hollandais Rosto (ROSTO AD'S MIND MY GAP) pour une séquence très étrange de douche. Des idées visuelles, THE IMMACULATE CONCEPTION OF LITTLE DIZZLE en contient un très grand nombre, toujours pour des résultats étonnants ou amusants. Par exemple, une partie de jambes en l'air censurée volontairement permet de jouer avec les caches camouflant les zones sensibles des comédiens jusqu'à une situation incongrue. Enfin, il est important de noter que le film est servi autant par un scénario et des dialogues aux petits oignons que des acteurs plutôt justes dans des situations souvent loin de la normalité. Citons une nouvelle fois Vince Vieluf, bien plus convaincant que dans DEATH VALLEY, ou Marshall Allman ainsi que tous les acteurs qui gravitent autour de ce duo antinomique.
La force de THE IMMACULATE CONCEPTION OF LITTLE DIZZLE est justement ce que certains pourront y voir comme un défaut. Le film de David Russo a tendance à partir un peu dans tous les sens et s'il retombe sans problème sur ses pattes, cela aura peut être de quoi déstabiliser les spectateurs les plus cartésiens. Mais, à vrai dire, THE IMMACULATE CONCEPTION OF LITTLE DIZZLE est avant tout un méchant délire bougrement sympathique, tant sur le fond que sur la forme. Aussi absurde que subtil, le film de David Russo est un très bon exemple de ce que le cinéma indépendant américain est à même de nous offrir avec de l'imagination et du talent.