Header Critique : POSSESSED (BOOL-SIN-JI-OK)

Critique du film
POSSESSED 2009

BOOL-SIN-JI-OK 

De nos jours, on appréhende toujours un peu à l'annonce d'un film fantastique coréen. Va-t-on subir avec ce POSSESSED la énième longue chevelure noire et le visage de craie qui agresse le spectateur à coup d'apparitions surprises ? Manqué. Le premier film du réalisateur et scénariste Yong-Joo Lee, ancien assistant de Joon-ho Bong sur MEMORIES OF MURDER, s'avère bien un film fantastique mais sans se focaliser sur des fantômes frappeurs. A noter que le film a subi un échec patent lors de sa sortie salle en Corée du Sud en août 2009.

Lorsque la jeune So-Jin (Shim Eun-kyung) disparaît, sa soeur aînée Hee-Jin (Sang-mi Nam) revient dans l'appartement de sa mère (Kim Bo-Yeon) devenue religieuse fanatique. Tae-Hwan (Seung-yong Ryoo), le policier en charge de l'enquête, ne s'intéresse pas vraiment à l'affaire. Sauf qu'il se trouve confronté à une vague de suicides qu'il a du mal à expliquer dans le même immeuble. Hee-Jin se trouve directement confrontée à ces suicides et Tae-Hwan commence à penser qu'elle y joue peut-être un rôle.

Comme Yong-Joo Lee l'a expliqué lors de sa présentation au Festival du Film Fantastique de Gérardmer 2010, l'un des sujets principaux est l'influence de la religion dans la vie quotidienne sud-coréenne. POSSESSED mêle ainsi des croyances chrétiennes à celle du chamanisme et réussit à pointer les liens étroits que ces croyances à priori éloignées peuvent entretenir. Que les personnages soient tirés d'exemples réels ne semble pas faire de doute mais l'on peut s'étonner du caractère parfois caricatural de certains comportements. Le personnage de la mère demeure toutefois la plus réussie, entre folie furieuse et amour maternel poussé dans ses derniers retranchements, elle n'est pas présentée comme une simple folle de dieu (là où cela aurait été facile), mais une femme à la psyché complexe. Kim Bo-Yeon donne à POSSESSED l'interprétation la plus touchante et surtout la plus impliquante au regard du reste du casting, plus anedoctique dans son interprétation.

La description du fanatisme religieux offre quelques scènes fortes. Qu'il s'agisse du relationnel houleux entre Hee-Jin et sa mère ou du lent glissement des voisines vers la chamane, POSSESSED montre clairement que le désespoir mène à des croyances pour le moins extrêmes. Une des plus efficaces demeure celle où l'enfant subit de la part de la chamane un rituel plutôt violent. Mêlant peur graphique et intrusion fantastique, on en vient à se demander s'il s'agit vraiment de qui s'est passé ou si la personne narrant l'histoire a imaginé la scène.

Le réalisateur excelle à présenter de petits détails qui caractérisent les personnages : le rhume persistent de Hee-Jin revenant comme un leitmotiv (comprendre : une personnalité en voie de changement ?). La présence d'un héron qui revient à certains moments-clé du film ou encore l'attachement à des décors réalistes. L'aspect le plus réussi du film, en dehors de l'originalité du propos, est l'irruption lente mais sûre du fantastique dans un cadre domestique. Et de proposer une tentative d'explication du phénomène sans se référer aux voies religieuses explorées le long du métrage. D'autre part, le cinéma fantastique asiatique est coutumier de certains fondements dans la mise en place des intrigues. L'espace familial clos rappelle l'immeuble de DARK WATER, par exemple, tout comme le relationnel mère / enfant. La comparaison s'arrête là, car la structure narrative prend des chemins de traverses pour s'éloigner assez radicalement des exemples récents des films fantastiques en provenance d'Asie. Ce qui d'ailleurs, d'un point de vue strictement de l'assemblage iconoclaste des idées et des genres, ressemble à l'effort tenté par THE HOST.

La notion de «miracle» vient aussi s'immiscer dans la bataille "chrétiens contre païens", car elle offre une multitude d'interprétations. Le fait que So-jin puisse guérir un cancer de l'utérus ou des brûlures tient à la fois de la foi chrétienne (sa mère la prend ni plus ni moins comme un nouveau messie !) que de la foi païenne (la possession du pouvoir)… mais également dans la manifestation d'un élément surnaturel que peu semblent reconnaître. Cette thématique est habilement décrite dans la narration. Si l'on met de côté la notion de possession qui ne semble pas chrétienne, POSSESSED entretient une certaine filiation avec L'EXORCISTE sur son dernier tiers. Mais si le film de William Friedkin embrasse la possession diabolique, Yong-Joo Lee se montre plus ambigu dans l'entité concernée…

On ne peut pas nier à Yong-Joo Lee de manquer d'ambition. Le scénario demeure riche en thèmes abordés. Mais l'erreur principale de POSSESSED vient de vouloir brasser les genres sans jamais vraiment choisir ce qu'il souhaite mettre avant. La comédie (le personnage du gardien), le fantastique, l'épouvante (les scènes dans la cave), l'horreur, le drame familial, le discours sur les religions, l'enquête policière… le grotesque prend aussi part au jeu, dans la découverte du cadavre s'étant étouffé dans son propre vomi. Estomacs fragiles s'abstenir. Ainsi, cette indécision mélangée à une narration disjointe et le recours systématique au flash-back pour expliquer une situation ou des sentiments rendent le film chaotique à suivre. Un montage plus resserré aurait aussi permis une meilleure adhésion, le film tardant à apporter sa conclusion. Même si celle-ci, désenchantée, comporte une note touchante bien venue. Le plan final s'avère, quant à lui, beaucoup plus convenu.

Le fait d'avoir voulu créer un film d'atmosphère plutôt qu'un réel film d'horreur ou d'épouvante semble responsable du peu d'attachement que l'on peut être amené à ressentir tout au long du film. Peu d'éléments réellement effrayants mais une propension à demander au spectateur ce que chacun met derrière le mot «foi». Sans parler de crise, il manque peut-être au spectateur occidental quelques clés de compréhension au climat social et religieux coréen. De l'influence de l'héritage politique sud-coréen ? Pour le spectateur lambda, le film se distingue de par son atmosphère et son sujet différent. Mais le traitement en demi-teinte et une structure peu linéaire (sans parler du côté trop confus des multiples histoires qui s'entrecroisent) rendent la vision du film délicate et qui pourra générer un certain ennui. Ce qui n'enlève en rien les qualités plastiques et le soin apporté aux détails du cadre. Il semble toutefois quasi impossible de voir une sortie cinéma pour ce film sans réel atout public. Une sortie en vidéo apparaît comme la meilleure solution pour faire connaître ce métrage au public français. L'éventuel éditeur ne devra pourtant pas en attendre grand-chose...

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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