Header Critique : DROLE NOEL DE SCROOGE, LE (A CHRISTMAS CAROL)

Critique du film
LE DROLE NOEL DE SCROOGE 2009

A CHRISTMAS CAROL 

Un soir de Noël, à Londres, dans les années 1840... Scrooge, vieil usurier avare et détesté de tous s'enorgueillit de ne pas participer aux festivités qu'il considère comme une perte de temps et, surtout, d'argent. Dans la nuit, le spectre de son associé défunt lui rend visite et annonce l'arrivée de trois esprits surnaturels...

En 1843, l'écrivain britannique Charles Dickens publie «Un Chant de Noël», appelé à devenir un des plus importants classiques de la littérature enfantine anglo-saxonne. Il raconte la nuit de Noël d'un vieil avare que trois esprits confrontent à sa solitude et sa misère intérieure. Très populaire, le conte est très tôt adapté au cinéma ; il continue encore à l'être jusqu'à aujourd'hui avec une implacable régularité. Scrooge prend ainsi les traits d'acteurs aussi variés que Patrick Stewart, Albert Finney, Michael Caine, Bill Murray, Michel Bouquet ou George C. Scott ! LE DROLE DE NOËL DE SCROOGE est le dernier avatar de cette filmographie couvrant pratiquement un siècle de cinéma. Cette superproduction du studio Disney, réalisée par Robert Zemeckis, n'est pas la première adaptation de ce classique par le studio à la petite souris. Il a en effet déjà produit un court métrage, LE NOËL DE MICKEY, dans lequel cette histoire est jouée par les fameux personnages inventés par Walt Disney. L'oncle Picsou incarne logiquement Scrooge, son personnage étant notoirement inspiré du fameux avare. En effet, son nom complet dans les pays anglophones est... Scrooge McDuck !

LE DROLE DE NOËL DE SCROOGE est donc une réalisation de Robert Zemeckis, metteur en scène américain apparu dans le sillage des George Lucas et autres Steven Spielberg. Si A LA POURSUITE DU DIAMANT VERT et RETOUR VERS LE FUTUR lui apportent une grande popularité, QUI VEUT LA PEAU DE ROGER RABBIT ? le révèle comme un réalisateur très technophile, tournant un film à effets spéciaux complexes, mêlant, du début à la fin, acteurs et personnages de dessin animé. Avec RETOUR VERS LE FUTUR 2, il poursuit les expérimentations en employant avec virtuosité le guidage informatique des mouvements de caméras. Grâce à cette technologie, il compose des plans truqués étonnants, telle une poursuite en skateboard volant ou la multiplication à l'écran de l'acteur Michael J. Fox, sans que ces effets spéciaux ne paraissent contraindre la fluidité et la mobilité de la mise en scène. En 1992, LA MORT VOUS VA SI BIEN inaugure l'ère des morphing et des trucages numériques tandis que FORREST GUMP, deux ans plus tard, contient lui aussi son lot de plans techniquement révolutionnaire.

Cette obsession de la technologie et des effets spéciaux prend un autre tour dans les années 2000. Alors que Peter Jackson ébahit le public avec Gollum, personnage numérique retranscrivant les mouvements d'un acteur préalablement enregistrés dans un ordinateur. Zemeckis joue la carte de la surenchère avec LE POLE EXPRESS, conte de Noël dont tous les personnages sont incarnés au moyen d'une technologie semblable. Presque tous les rôles principaux du métrage sont tenus par un seul et même acteur : Tom Hanks ! Le film connaît un succès étonnant, en particulier dans certaines salles IMAX le diffusant en relief.

Robert Zemeckis persévère dans cette direction, convaincue qu'elle est celle du futur du cinéma de divertissement. L'Histoire ne lui donnera pas entièrement tort, comme en témoigne déjà la généralisation récente du relief numérique. Mais son projet suivant, l'épopée d'aventures BEOWULF tournée selon le même style de technique, connaît un accueil plus tiède.

Encouragé par les résultats de LE POLE EXPRESS, le studio Disney finance néanmoins avec largesse LE DROLE DE NOËL DE SCROOGE, reprenant la même technologie d'enregistrement des interprétations. Cette fois-ci, Jim Carrey est la vedette du projet, «incarnant» aussi bien Scrooge que les trois esprits de Noël. La démarche est moins extrême dans LE POLE EXPRESS, puisqu'il est secondé par une galerie d'acteurs classiques tels que Gary Oldman, Robin Wright Penn (qui a participé à BEOWULF), ou Colin Firth.

En tant qu'adaptation de «Un Chant de Noël», LE DROLE DE NOËL DE SCROOGE s'avère fort fidèle à la trame classique du petit roman de Charles Dickens. Nous remarquons certains ajouts, tel ce prologue au cours duquel Scrooge vole les deux pièces placées traditionnellement posées sur les yeux d'un mort. Mais, dans les péripéties et même dans de nombreuses lignes de dialogue, nous retrouvons intact le matériel original.

Robert Zemeckis imprime toutefois sa patte au travers d'éléments macabres disséminés tout au long du métrage. Le producteur de FANTÔMES CONTRE FANTÔMES nous ressert un de ses gag gore mettant en scène un fantôme aux prises avec une mâchoire récalcitrante. Un autre spectre se décompose en vitesse accélérée, avec force détails, dans une séquence rappelant le célèbre dénouement du film Hammer LE CAUCHEMAR DE DRACULA. Enfin, tout l'épisode du Fantôme du Noël Futur nous renvoie à un grand moment du catalogue Disney : l'épisode démoniaque du Diable sur le mont Chauve dans FANTASIA, au cours duquel se déchaînaient des créatures infernales lâchées dans une nuit inquiétante. Même le personnage de Scrooge, laid et difforme dans ses moindres détails, s'avère un monstre repoussant, cousin victorien du Troll Grendel de BEOWULF. A tel point qu'on se demande ce que les décideurs de Disney France ont pu trouvé de particulièrement «drôle» dans ce métrage qui s'est vu affublé d'un titre francophone bien primesautier !

LE DROLE DE NOËL DE SCROOGE se démarque aussi, bien évidemment, par son goût du spectacle technique époustouflant. Composé dans un univers virtuel où les seules limites sont l'imagination du metteur en scène et de ses assistants, le film multiplie les plans fous, les décors immenses, les travellings tournoyant, les perspectives les plus vertigineuses et les champs les plus profonds. Ce que les lois de l'optique interdisent dans le monde réel, Zemeckis se le permet. De même, le relief est ici exploité à fond. Si nous nous sommes surpris à constater que certains films dits «en 3D» contiennent parfois d'assez longs passages ne mettant pas réellement en œuvre cette technologie (CORALINE par exemple), nous ne ferons pas ce reproche à LE DROLE DE NOËL DE SCROOGE, lequel joue constamment, et souvent de façon impressionnante, sur l'étagement de la profondeur ou l'animation des arrières-plans.

Pourtant, cette accumulation de trouvailles ne semble ici servir qu'un simple travail d'illustration. Comme nous l'avons vu, Robert Zemeckis signe une lecture très classique de «Un Chant de Noël», n'apportant pas un regard particulier sur cette histoire, voire, au contraire, livrant une narration généraliste sans grande surprise. Il n'y pas réellement plus de péripéties conséquentes narrées ici que dans LE NOËL DE MICKEY qui dure 26 minutes ! Le métrage se trouve en fait allongé par diverses séquences spectaculaires et autres «ride» dont la redondance engendre une lassitude. Si le premier plan nous faisant survoler Londres impressionne, nous commençons à trouver le temps long au bout de la troisième séquence aérienne de ce style. La même chose peut être dite de la poursuite de Scrooge par une calèche démoniaque dans la troisième partie du film, longue scène frappante par son inutilité.

Enfin, en dépit des efforts de son metteur en scène et de millions de dollars investis dans les dernières technologies de l'image, LE DROLE DE NOËL DE SCROOGE échoue à donner vie à ses personnages numériques. Scrooge s'avère un être si typé et cartoonesque que son rendu visuel artificiel, bien que très soigné, ne choque pas trop. Nous n'en dirons pas autant du pauvre Colin Firth, changé en un mannequin cireux au regard vide. Les enfants peuplant ce conte sont étranges et inquiétants. Et que dire de Bob Cratchit, le clerc de Scrooge, devenu un lutin à tête de Gary Oldman, monstruosité effrayante et désincarnée ayant bien du mal à générer notre compassion !

Faut-il alors voir en Robert Zemeckis un chercheur de l'absurde, engloutissant des fortunes dans la quête impossible d'un photo réalisme hors d'atteinte ? La technologie informatique saura-t-elle un jour restituer l'étincelle de vie animant l'œil d'un être humain bien vivant ? Nous ne pouvons bien évidemment pas répondre à de telles questions. Néanmoins LE DROLE DE NOËL DE SCROOGE n'y apporte pas d'éléments de réponse rassurants. Si ces techniques amènent une plus grande liberté de recherche à un metteur en scène, elles restent encore un écran freinant le passage de l'émotion entre l'acteur et le spectateur. Et l'émotion est justement ce qui fait le plus défaut à ce film certes imaginatif, spectaculaire et ambitieux, mais échouant à transmettre l'humanité et la chaleur propre au fameux conte de Dickens.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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