Header Critique : EMBODIMENT OF EVIL (ENCARNACAO DO DEMONIO)

Critique du film
EMBODIMENT OF EVIL 2008

ENCARNACAO DO DEMONIO 

Après trente ans d'emprisonnement, l'étrange criminel que l'on appelle «Coffin Joe» (José Mojica Marins) est enfin libre. Accueilli par son fidèle serviteur Bruno, Coffin Joe va reprendre sa quête de la femme parfaite, femme qui sera capable de lui offrir un fils digne de son «sang».

La carrière du brésilien José Mojica Marins se sera toujours confondue avec celle de son alter ego de fiction : Zé do Caixao (ou Coffin Joe en anglais). En 1963, Marins invente donc ce personnage à la recherche de la femme idéale dans A MINUIT, J'EMPORTERAIS TON AME, le premier film d'horreur produit au Brésil. Une suite est tournée en 1966 et intitulée CETTE NUIT, J'INCARNERAI TON CADAVRE. Si Marins continue de personnifier Coffin Joe dans d'autres films, les deux métrages de 1963 et 1966 sont considérés comme les piliers du cinéma de genre local. C'est donc dans un mélange de surprise et d'excitation que José Mojica Marins annonce clôturer une «trilogie» avec ENCARNACAO DO DEMONIO, EMBODIMENT OF EVIL en anglais, un nouvel épisode qui va reprendre la quête de descendance de Coffin Joe plus de quarante ans après le deuxième opus.

Le personnage de José Mojica Marins a donc bien vieilli à sa sortie de prison, mais le bougre est loin d'être gâteux pour autant. Egalement auteur et réalisateur du film, José Mojica Marins livre avec EMBODIMENT OF EVIL un métrage haut en couleur qui ne recule devant rien. Confronté à un monde qui ne l'a pas attendu pour se dégénérer, Coffin Joe a bien l'intention de prouver aux crapules des favelas qu'il est bien le maître du mal. Aidé par son fidèle assistant et une nuée de serviteurs le vénérant tel un gourou, Coffin Joe reprend «son étude de la femme» en multipliant les scénettes baroques, où la perversion côtoie l'érotisme tordu. Le genre féminin en prend donc pour son grade avec de régulières scènes de torture au milieu d'insectes ou d'animaux dégueulasses, Marins allant jusqu'à tuer une femme avec un rat dans les parties intimes. Gloups…

Il est clair que EMBODIMENT OF EVIL n'y va pas avec le dos de la cuillère question gore ou provocation. Le film est un authentique festival d'images folles et païennes où le sang et le sexe sont parfois étroitement mêlés. Magnifiées par une photo superbe, les scènes fortes du film forment une succession de tableaux parmi lesquels se perd le spectateur. On pourrait reprocher justement à l'oeuvre ce côté «collage», cette succession de vignettes agencées, non pas par l'exigence d'un scénario, mais selon un degré de folie montant crescendo. Si l'on parvient à accepter cette construction narrative atypique, EMBODIMENT OF EVIL devient vite un film grisant car incontrôlable dans ses excès : une femme coupée en deux libère des araignées de sa blessure, Coffin Joe fait l'amour sous des trombes de sang tombant du ciel, des païens dévorent le sexe de croyants…

Très occupé à nous concocter des images improbables, José Mojica Marins n'oublie pas de tancer quelque peu, comme à son habitude, la politique de son pays et surtout la religion au détour d'un personnage de prêtre s'auto-torturant avec une dynamo accrochée aux tétons. Extrêmement drôle car très caricatural, ce personnage de prêtre est un bon moyen de prendre du recul sur le film et de vérifier, si besoin en était, que rien de tout cela n'est bien sérieux. En revanche, s'il y a quelque chose que Marins traite avec beaucoup de respect, c'est la «mythologie» de Coffin Joe et des deux précédents films. Quelques extraits sont intégrés à EMBODIMENT OF EVIL, l'occasion de prendre la mesure du vieillissement de l'artiste. Certains personnages des films des années 60 viendront même faire leur apparition dans cette nouvelle histoire, Marins ayant l'excellente idée de leur recouvrir le corps avec une peinture argenté pour aider le raccord avec l'univers du noir et blanc.

EMBODIMENT OF EVIL n'a donc rien du spectacle mou et laborieux qu'il aurait pu laisser croire. Avec ce film, José Mojica Marins veut non seulement nous prouver que Coffin Joe est un personnage fort du genre mais aussi que le cinéma d'horreur brésilien est capable de tenir la dragée haute à son homologue américain. Très libre, complètement fou, EMBODIMENT OF EVIL s'aventure sur des terres aussi improbables qu'incroyablement divertissantes. Le final voit Coffin Joe affronter les forces de l'ordre dans un train fantôme, un décor idéal qui en dit long sur l'ambition du film : nous proposer une belle petite ballade au pays de l'horreur.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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