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Critique du film
BLACKARIA 2009

 

Une femme menant une vie libre et frivole est sauvagement assassinée dans son appartement. Un meurtre qui va fasciner Angela, sa voisine. Celle-ci qui va peu à peu glisser dans une réalité de plus en plus étrange et déréglée.

BLACKARIA est un long-métrage indépendant français que l'on doit à deux passionnés originaires de Montpellier, François Gaillard et Christophe Robin. Si c'est leur première co-réalisation ensemble, les deux hommes ont déjà tourné plusieurs courts séparément, voire même des longs «amateurs». C'est le cas, par exemple, de WELCOME TO MY NIGHTMARE réalisé en solo par François Gaillard. A l'origine, BLACKARIA ne devait pas être un long métrage. L'idée était plutôt de faire une anthologie de trois histoires, concoctées par des équipes différentes, et qui se seraient appelées 3 HITS FROM HELL. Les auteurs décideront finalement de les fondre dans une seule et même narration, même si le côté sketch perdure encore à travers le destin croisé de trois femmes prisonnières de tourmentes horrifiques.

Un rapide coup d'œil sur les images ou la bande-annonce du film donne immédiatement le ton des références de BLACKARIA. Le cinéma italien des années 70 est donc à l'honneur puisque les réalisateurs s'inspirent ici du giallo et de ses ambiances oniriques et sophistiquées. BLACKARIA ne cite pour autant pas Dario Argento mais plutôt Lucio Fulci qui, s'il s'est rendu célèbre avec ses films de zombies, a signé quelques films du genre dont LE VENIN DE LA PEUR qui sert ici de maître étalon. Les frasques gores de Fulci sont également citées dans BLACKARIA, notamment avec un corps fouetté à coups de chaînes comme dans l'ouverture de L'AU-DELA mais aussi, bien sûr, LA LONGUE NUIT DE L'EXORCISME. Si d'autres références italiennes sont à trouver (comme LA DAME ROUGE TUA 7 FOIS de Emilio Miraglia), BLACKARIA n'hésite pas à faire quelques clins d'œil au style pop des films d'exploitation japonais des années 70, comme la castration haute en couleur des MENOTTES ROUGES qui est ici reprise en guise d'hommage.

Certes, les intentions sont bonnes. Mais qu'en est-il de la qualité du film ? BLACKARIA est-il un spectacle pertinent au-delà de sa note d'intention très orientée vers le patrimoine de genre européen ? Dès les premières images du film, nous sommes bluffés. Avec des moyens ridicules, François Gaillard et Christophe Robin parviennent à retrouver l'atmosphère du cinéma italien de l'époque grâce à un méticuleux travail sur l'image, la lumière, les décors ainsi que les textures. Chaque plan est une composition soignée, soulignée par des effets de style vintage que l'on a plaisir à redécouvrir (comme l'utilisation du zoom par exemple). Cette exigence d'image et de rendu détache illico BLACKARIA de son statut de long-métrage (très) indépendant pour nous plonger sans retenue dans l'univers du film.

La narration BLACKARIA est quant à elle très particulière. On suit le cheminement d'Angela, la voisine de la femme assassinée au début du film. D'abord hantée par des visions (ou fantasmes) mettant en scène la défunte, Angela va peu à peu se retrouver au centre d'une intrigue fantastique quand elle va découvrir chez la victime des morceaux de verre qui révèlent l'avenir dès que l'on regarde au travers. Un troisième personnage de femme va évoluer en parallèle, autour d'une intrigue de vengeance. Le «lien» entre les histoires se fait grâce à un inspecteur de police taciturne et amateur de sucettes. Très sincèrement, le personnage de l'inspecteur ainsi que les autres personnages «rationalisants» ne sont pas ce qu'il y a de plus réussi dans BLACKARIA. Au contraire, ils font valeur de justification parfois un peu laborieuse d'une intrigue qui, malgré son côté protéiforme, fonctionne finalement très bien dans son abstraction. Comme dans certains Fulci d'ailleurs, les meilleurs moments de BLACKARIA sont ces scénettes parfois à côté de l'histoire générale, intervenant comme une aparté onirique et nous amenant dans des espaces de narration où tout est possible.

Les scènes fortes sont légions dans BLACKARIA. Les effets gores, signés par le maquilleur David Scherrer, sont particulièrement outranciers et baroques (dont une énucléation vraiment insupportable, un compliment !). Mais le film ne se repose pas que sur ses effets spéciaux. La mise en scène est particulièrement soignée comme au détour d'une séquence en «split-screen», scène rappelant le début de carrière de Brian de Palma et les expérimentations 70s. Autre moment de «bravoure», une superbe scène onirique dans un ascenseur où Angela se met à séduire sa défunte voisine alors que cette dernière est prisonnière d'un miroir. Un pur moment enivrant d'érotisme qui fait de BLACKARIA une authentique réussite du genre à la française, son budget rachitique n'étant qu'un coup de chapeau supplémentaire adressé à ses auteurs.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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