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Critique du film
NECROMENTIA 2009

 

Une homme, fou de chagrin après la mort de sa femme, ne pense qu'à la ressusciter. Un barman s'imagine être victime d'une machination de sa maîtresse pour le tuer. Un autre homme ne pense qu'à retrouver son frère dans l'au-delà. Autant d'histoires qui mèneront ces personnages à invoquer les ténèbres en se gravant une planche de Ouija à même la peau. Mais les règles de l'enfer sont bien entendu à multiples tranchants.

D'origine Singapourienne, le jeune réalisateur Pearry Reginald Teo avait fait ses début à Hollywood en dirigeant la série B cyberpunk THE GENE GENERATION avec Bai Ling et Faye Dunaway qui fut distribué en vidéo en France sous le titre (KILLER HACKER. Pour son nouveau film NECROMENTIA, Pearry Reginald Teo décide de revenir à ses premières amours, le cinéma d'horreur. A la vue du métrage, on imagine d'ailleurs parfaitement comment le cinéaste a du «pitcher» son film aux producteurs : il s'agit d'un «crossover» entre HELLRAISER et SAW ! A priori, pas de quoi faire la fine bouche…

En effet, NECROMENTIA aurait pu s'appeler HELLRAISER 9, cela n'aurait pas fait beaucoup de différence. L'esprit de Clive Barker embaume le film de Pearry Reginald Teo d'un bout à l'autre du métrage et ce, pour notre plus grand plaisir, avouons-le. L'enfer est donc représenté par un long tunnel sous terrain «sans début ni fin» et les quelques démons le peuplant ont des look SM évoquant des versions modernes des Cénobites de Barker. On pense notamment à ce démon obèse portant un masque de porc (à l'instar d'une séquence d'un SAW) et dont le groin est traversé par deux perfusions. Des looks impressionnants, très réussis, qui font de chacune des apparitions des démons des moments forts. Autre référence graphique importante bien que moins ostentatoire, la série des bandes dessinées de Neil Gaiman, Sandman. NECROMENTIA pioche beaucoup dans cette œuvre et reconstitue pour un personnage clef la silhouette du héros du comics : peau blanche, œil noir, et masque à gaz à longue trompe lors de certaines scènes.

L'esprit de Clive Barker plane également via une ambiance très largement portée sur l'érotisme de la douleur, ambiance gonflée par l'influence des «torture porn» vulgarisée par les SAW. On fait notamment la connaissance d'un personnage empathique s'occupant de son jeune frère handicapé. Ce personnage va ensuite à son boulot : il est bourreau SM et torture très durement une jeune femme (jusqu'à lui couper une phalange). Au vu des hurlements de la femme, on la pense tout d'abord victime. Mais il n'en est rien. Il s'agit d'une cliente d'un club spécialisé qui va même se montrer bien déçue que la séance se termine plus vite que d'habitude. Cet espèce d'humour à froid, NECROMENTIA le manipule à quelques reprises pour nous sortir régulièrement du côté «glauque bourrin» dans lequel se sont embourbées pas mal de série d'horreur comme les SAW justement.

Ambitieux, NECROMENTIA l'est assurément en tentant de nous proposer un spectacle différent malgré ses références évidentes. Sa principale initiative est de nous proposer un scénario à la structure fragmentée. Les histoires évoluent en parallèle, se croisent parfois. Les personnages apparaissent également entre le monde normal et l'enfer sous des formes parfois différentes afin de créer des incidences entre les destins des uns et des autres. Mais on ne va pas se mentir : la narration n'a pas la précision d'un maître horloger. On est parfois un peu perdu et il nous faut souvent un petit temps de latence avant de pouvoir remettre (à peu près) toutes les pièces à leur place. Inutile de dire qu'une deuxième vision ne sera pas de trop pour être bien à l'aise avec l'histoire.

Au final, NECROMENTIA nous a laissé sur une bonne impression. L'interprétation est convaincante, la photographie haut de gamme et la direction artistique vraiment «belle» (si on peut dire ça). La mise en scène de Pearry Reginald Teo est solide et on ne s'ennuie jamais même si on est parfois un peu largué. NECROMENTIA n'est pas un chef d'œuvre et n'a peut-être pas sa place sur un écran de cinéma. Par contre, le film est une excellente série B qui ferait un parfait inédit vidéo. A réserver en priorité aux fans de Clive Barker qui trouveront ici un bon placebo à l'univers de l'écrivain, malheureusement trop rare au cinéma même si cela bouge un peu plus ces derniers temps avec le décevant MIDNIGHT MEAT TRAIN ou encore BOOK OF BLOOD et DREAD.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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