Quelle est la deuxième émission au plus fort taux d'audience mondiale
juste derrière le Superbowl ? L'interview de Mickey Knox, la moitié
du célèbre couple de mass murderers qui a un joli tableau de chasse
à son actif : 52 morts en 3 semaines de cavale. Wayne Gale vous fera
découvrir les moindres pensées de ce phénomène de société. Vous saurez
enfin s'il détrônera Charles Manson dans le coeur de la jeunesse américaine.
18 formats (8mm, 35mm, vidéo, dessin animé,...etc.) sonorisés avec pas moins de 130 morceaux musicaux. Pourtant cela serait faire insulte au réalisateur de NATURAL BORN KILLERS de ne parler de son oeuvre que par ces chiffres démesurés. Trop souvent, de jeunes ou moins jeunes cinéastes comblent le vide interstellaire de leurs propos par un style clippé à la limite du visible. Soyez rassuré car Oliver Stone est aux commandes et vous pouvez être sûrs que la technique sera au service du 7e art.
'Violence', Stone regrettera que l'on utilise toujours ce mot pour critiquer son film. Il nous invite dans le making-of à aller au-delà de l'aspect graphique, brutal (et souvent jouissif). Il est vrai qu'à la première vision on peut prendre un relatif plaisir tellement tout ce qui nous est proposé est hallucinant, virevoltant, génial et primitif. "J'ai toujours aimé ces petits moments de calme avant la tempête" résume parfaitement la scène d'introduction. Mickey et Mallory passent leur commande tranquillement dans un snack paumé au milieu des rednecks. Le juke-box joue parfaitement son rôle pour détendre l'atmosphère (enfin jusqu'à L7 et sa "Shitlist") mais le fiston de chasseur se met en tête de draguer la belle blonde. Et c'est alors que la fête commence dans un massacre disséqué par des plans suivant la trajectoire implacable d'une balle vers la tête d'un pauvre cuisinier, s'arrêter, pour l'exploser de plus belle, ou celle d'un couteau tournoyant sur fond d'opéra.
Cette violence graphique tout bien réfléchi n'est que pur cartoon. Oliver Stone aura pourtant tout essayé : réalisation copiant les meilleurs Tex Avery et effets sonores façon "petits oiseaux qui tournoient autour de ma tête", utilisation de dessins animés représentant le couple. Rien n'y fera, TUEURS NES traînera pendant encore longtemps sa réputation sulfureuse. Après tout c'est lui le responsable des tueries aux U.S.A. ou en France (je vous assure M. le Président, les adolescents avaient un poster et une copie du film dans leurs chambres ; cela ne peut être que l'unique raison).
Bonne nouvelle, ce n'est pas le director's cut qui nous est présenté dans cette édition zone 1 qui va réconcilier les détracteurs du film avec Stone. Nous n'apprendrons rien de plus sur l'histoire de Mickey et Mallory Knox mais par contre nous allons en avoir pour nos yeux : les 3 minutes supplémentaires ne sont que doigts coupés et tête empalée sur une lance. Vous n'avez jamais vu l'émeute de Batonga sous cet angle.
Une autre polémique est attachée
à ce film : à l'origine du scénario,
Quentin Tarantino a jugé l'adaptation de Stone racoleuse et complaisante
et les deux hommes seraient brouillés depuis. Autour de ce projet et
par solidarité, certains acteurs auraient boudé le film : Michael
Madsen (pour le rôle de Mickey), Steve
Buscemi. Juliette
Lewis prétendra elle-même qu'elle quitta la projection du film au
bout de 20 minutes !
Doit-on pour autant regretter le casting effectif ? Non, certainement
pas. Plus ou moins prédestiné à un rôle de tueur compte tenu du passé
trouble paternel, Woody
Harrelson incarne un Mickey terrifiant : tantôt charmeur, tantôt
philosophe, tantôt dément, il imprimera sur la pellicule un regard inoubliable
avant de fondre sur une otage résignée à mourir. Que dire alors des
performances de Tommy
Lee Jones ou encore de Robert
Downey Jr ? Poussés dans leurs derniers retranchements, il jouent
tous sur la corde raide et le dvdphile anglophone aura une pensée pour
le nez véritablement cassé de Tom
Sizemore lors de son sulfureux flirt avec la vénéneuse Mallory.
Une péripétie parmi tant
d'autres, quand on sait que le tournage de l'émeute s'est tenu dans
une vraie prison où les criminels ont tous écopé d'une peine de deux
fois la prison à vie au minimum. L'état de santé de l'équipe fut mis
à rude épreuve entre la prise de champignons aux propriétés "festives"
(serait-ce l'explication des déformations imposées aux visages à certains
moments du métrage ?) et les plans de caméra fonçant sur un mur (résultat
: deux cameramen K.O.).
Au vu du résultat, on a du mal à croire qu'il a suffi de moins de deux mois pour tourner tant de plans. Imaginez que les images projetées en arrière-plan l'étaient directement en live (un travail de synchro de folie). La photographie propose souvent un grain prononcé volontaire ou des couleurs fluorescentes primaires (rouge, vert, bleu). Je parlais au début de 130 morceaux qui balaient tous les genres (rap, fusion, classique, "la vie en rose", indus, etc.) et comme l'éditeur a eu la bonne idée d'afficher aussi les paroles des chansons, toutes les subtilités histoire / images / musiques ne vous échapperont plus (à l'instar de CHRISTINE par exemple).
Côté suppléments, commençons par les déceptions : le trailer est malheureusement une publicité pour le DVD et non la bande-annonce d'exploitation du film ; il faut bien avouer aussi que les menus ne sont pas des plus esthétiques et qu'ils se trouvent tristement muets (un comble par rapport au style du film). Notons au passage que le transfert est 4/3, il vous faudra donc vous rabattre sur l'édition zone 2 pour obtenir le saint 16/9 (mais cela ne sera pas le director's cut).
Les scènes additionnelles
sont au nombre de 6 et nous avons le choix de voir l'introduction faite
par le réalisateur pour chacune d'entre elles. Le film étant présenté
dans sa version longue, les scènes en question ont volontairement été
retirées du montage final.
The desert : Stone aurait aimé la conserver en fait, avec le
recul, mais il voulait que le film soit plus court. Ici c'est l'indien
qui trouve Mickey et Mallory dans le désert mais objectivement cela
n'apportait pas grand chose à l'histoire.
The courtroom : la scène (la plus longue de ces suppléments,
soit 8.47 minutes) figurait dans le script original de Tarantino mais
finalement elle allait à l'encontre de la logique du film suite au meurtre
de l'indien. La pauvre Grace (Ashley
Judd) se fait tuer à coup de crayon en plein procès. On notera aussi
le passage où Mickey se fait tatanner joyeusement par un apprenti Bruce
Lee.
The drive-in : alors qu'ils sont en train de mourir suite aux morsures
des serpents, le couple de mass murderers fait une pause au drive-in.
L'ambiance est vraiment bizarre mais il n'y a rien d'extraordinaire
à regretter.
Steven Wright : des explications supplémentaires du psychiatre.
On retrouve des extraits de cet interview dans le film, cette scène
est donc celle qui réserve le moins de surprise.
The Hun brothers : du pur délire ! les jumeaux bodybuildés tirent
le positif de leur regrettable rencontre avec Mickey et Mallory. Stone
a estimé qu'il s'était trompé dans la direction des acteurs (c'est vrai
qu'ils en font des tonnes).
Denis Leary : accrochez-vous pour suivre le débit du monologue.
Une fois de plus il est intéressant de voir le cheminement de pensée
du réalisateur pour trouver le ton juste et le bon rythme, les explications
de Stone sont courtes mais judicieuses.
"Chaos rising" est un documentaire de 26 minutes tout simplement passionnant. Entre autres curiosités on nous confiera que Stone voulait à la base faire un "summer movie" dont ce bon vieux Schwarzy aurait pu être fier, ou encore que Woody Harrelson a estimé à sa grande surprise qu'il était le plus sain sur le plateau. On est très loin de l'hypocrisie habituelle des featurettes.
Alors finalement que doit-on retenir de NATURAL BORN KILLERS ? Tout d'abord une belle et vraie histoire d'amour. Ensuite que la violence, que le fait de tuer faisait, fait et fera à jamais partie de la vie. Qu'elle soit accidentelle ou liée au destin (le scorpion écrasé par la voiture, l'indien), qu'elle soit en réaction à d'autres violences (la vengeance sur le père incestueux et la mère complice par son silence), qu'elle soit fictive (le catch à la T.V.) ou encore qu'elle soit inscrite dans nos traditions (les chasseurs de la première séquence) nous la vivons au quotidien (on nous le rappellera à la fin du film : Tonya Harding, Rodney King). Celle-ci nous fascine plus que jamais, au point que les médias en font des stars d'un soir, jouant sur la fine frontière du fantasme pur et de la réalisation de celui-ci. Après tout, ne nous est-il jamais arrivé de vouloir éliminer quelqu'un dans nos pensées les plus folles ? (SI ! NDLR)
Certains voient dans le personnage de Mickey, lors de l'interview, un porte parole du réalisateur lui-même. Si celui-ci reconnaît qu'il partage certaines idées évoquées (sachez que les auteurs se sont beaucoup inspirés des propos de Charles Manson), je pense qu'il faudrait plutôt chercher du côté de l'indien. Un homme qui cherche à aider ses contemporains dans la quête de la compréhension de leur monde. Pour finir je vous rappelle que "Love beats the demon".