Un jeune homme vit entièrement seul dans sa ferme, entouré d'animaux. Étant sa seule compagnie, il partage leur quotidien jusqu'à entretenir des rapports contre nature avec sa truie.
VASE DE NOCES fait partie de ces films obscurs qui se traînent une très mauvaise réputation depuis leur sortie, du fait des sujets "déviants" qu'ils traitent. Malheureusement, ceux qui crient le plus fort ne sont pas forcément ceux qui ont vraiment vu le film et il serait dommage d'écarter VASE DE NOCES de son champ de vision en raison de son contenu ou de sa notoriété. Certes, le réalisateur aborde la zoophilie et la coprophagie de très près, ce qui en fait donc un métrage pour public averti. Mais le film contient aussi un tout autre niveau de lecture qui en fait une véritable curiosité plutôt qu'une bande volontairement "trash" comme on peut en voir à la pelle depuis quelques années. Le fait qu'il date des années 1970 y est certainement pour beaucoup mais le film est dominé par de telles influences que l'on ne l'imaginerait pas différent s'il avait été tourné aujourd'hui. Entre l'art pictural de Bosch, la psychanalyse selon Jung ou le cinéma de Pasolini et autres inspirations d'ordre religieux, l'histoire découle d'une réelle réflexion sur la nature humaine et la folie qu'engendre la solitude la plus totale. Y sont présentés aussi des actes que tout être civilisé considérerait comme de la cruauté mais qui, ici, semblent surtout être des jeux ou des expériences enfantines (en plaçant une tête de poupée sur celle d'un pigeon vivant, les poules à moitié décapitées et enfermées dans une cage jusqu'à ce qu'elles meurent, la collection de bocaux au contenu douteux…).
En ce qui concerne la personnalité du fermier solitaire, il est également tentant d'y voir un parallèle avec ce qu'on nomme les enfants sauvages, ces enfants ayant grandi parmi des animaux et n'ayant eu que peu ou aucun contact avec d'autres êtres humains. Toutefois, le fermier conserve quelques comportements prouvant qu'il a bien vécu parmi ses semblables même si aucune explication ne sera donnée quant à son isolement. Et peu importe, puisque le cœur du film est ailleurs, tout autour et aussi dans le for intérieur de cet homme qui a choisi la compagnie des bêtes. Ils sont un substitut pour les relations humaines que devrait avoir toute personne normalement constituée, pour le bien-être de son équilibre psychique. Et à travers tous les gros plans des animaux qui mangent, copulent et observent leur environnement d'un regard presque pensif, on sent la passion que ressent le personnage pour eux, on sent qu'il les considère comme ses semblables et à partir de là, ses actes semblent devenir "naturels" dans un contexte très particuliers.
Ce qui nous amène vers le sujet principal de la première partie du métage, la zoophilie. Rien que d'y penser, il y a de quoi être parfaitement dégoûté. Mais bien que cela puisse paraître curieux, ces scènes ont été filmées avec beaucoup de pudeur voire même une certaine poésie grâce à la pellicule noir et blanc et un très joli travail sur les éclairages. Le réalisateur reste à distance de son sujet et se contente d'observer, ne proposant heureusement aucun gros plan, ce qui aurait du reste sonné faux. De plus, la tendresse du fermier envers sa truie atténue l'aspect malsain de ces actes contre-nature et lorsqu'elle met bas leur progéniture, il se les approprie comme un père. Un père quelque peu jaloux, même, puisqu'il ne les laisse plus s'approcher de leur mère, prenant alors sa place. Il mange avec eux à table, leur tricote des vêtements et dort avec eux dans un grand panier. Une situation particulièrement étrange qui prendre un tournant tout aussi inattendu lors d'un épilogue tout aussi bizarre.
Incapable de gérer ses sentiments, le fermier va alors s'adonner à la coprophagie dans des scènes difficilement supportables, génératrices d'angoisses pour certains et de bien réelles nausées pour d'autres. Complètement renfermé sur lui-même et n'ayant personne d'autre sur qui se délester de ses émotions par la parole (est-il même capable de parler ?), l'homme vomit, défèque et réingurgite le tout comme pour s'autopunir des actes que sa folie l'a poussé à commettre en les faisant passer dans son corps, encore et encore. Il n'est plus rien, il ne ressent plus rien, il n'a nulle part où aller et il a même trahi les seuls êtres qui lui faisaient confiance. Comment vivre en solitaire alors que l'on ne se supporte plus soi-même ? Et pourtant, ces actes renvoient encore une fois à une enfance où les tout-petits ne savent pas d'instinct distinguer ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas. Cela les amène naturellement vers la dégustation de leurs propres excréments et autres vers de terre ou insectes du jardin. Par ailleurs, quantité d'animaux n'hésitent pas à avaler leurs crottes dans le but de recycler les minéraux qu'elles contiennent. Mais la coprophagie chez l'être humain adulte résulte davantage d'un déséquilibre psychique causé par de graves traumatismes affectifs comme l'abandon et s'inscrit donc en toute logique dans ce VASE DE NOCES nous offrant un très étrange portrait social.
En dépit d'une réputation douteuse, cela fait plaisir de voir les efforts fournis par l'éditeur. En effet, le DVD dispose de qualités techniques impeccables et d'un contenu intéressant. Le master du film ayant été restauré, l'image au format 1.33 est d'excellente qualité et ne comporte que très peu de défauts dûs à son âge respectable. Quant au format sonore, une seule piste mono nous sera proposée. Il convient de noter qu'il n'existe aucun dialogue dans le film. La bande sonore se compose uniquement de bruits d'animaux – cancans de canards, caquetage de poules, glouglous de dindons et grognements de cochons – et d'évacuations humaines, le tout accompagné par de fort jolies musiques de Perotinus ou composées pour le film par Alain Pierre.
La section suppléments s'ouvre sur une brève introduction par Thierry Zéno et Dominique Garny avant de passer alors au documentaire "Of pigs and men" dont la durée (un peu plus d'une heure) passe totalement inaperçue tant le contenu se révèle passionnant. L'entretien avec le réalisateur et son acteur a été réalisé par Federico Caddeo. Le tout est filmé à l'Académie des Beaux Arts de Bruxelles où Thierry Zéno est enseignant et représente un cadre idéal pour cet excellent complément au film. Les deux hommes évoquent le tournage très difficile pour Dominique Garny qui éprouve encore des difficultés à en parler (et on le comprend), leurs influences, leurs débuts, la signification du titre et la musique. Ils font le tour complet de leur création encore bien présente à leur esprit plus de trente-cinq ans plus tard. Ils reviennent aussi sur le scandale qu'avait suscité film à sa sortie ainsi que sa mauvaise réputation. On passe ensuite à un comparatif d'images entre celles de la VHS NTSC – seul moyen jusque là de voir le film – et celles du présent DVD. A vrai dire, il n'y a même pas de comparaison possible. Thierry Zéno et Dominique Garny remercient alors le spectateur d'avoir regardé leur film. Enfin, un dépliant complète le tout, comportant deux textes en allemand malheureusement non traduits, le premier ayant été écrit par le docteur Marcus Stiglegger et le second par Olaf Möller.