Les années 70 sont une décennie difficile pour le studio Disney. Sa production de films d'animation se fait modeste : les quelques titres sortis, comme ROBIN DES BOIS, ne sont guère accueillis triomphalement. Pourtant, le coût de ces dessins animés croît. La firme de Mickey ne survit que grâce aux profits de ses parcs d'attraction, ainsi qu'aux rentrées d'argent garanties par les reprises de ses classiques et par les sorties de films familiaux en prises de vue réelles. Pour ces derniers, le travail est à l'économie, et le niveau d'investissement artistique n'égale pas celui d'œuvres antérieures comme 20.000 LIEUES SOUS LES MERS ou MARY POPPINS.
Il s'agit désormais de proposer des comédies fantaisistes et agréables, mettant en scène des acteurs enfants (tels les jeunes Kurt Russell ou Jodie Foster) et abordant des sujets fantastiques sur le ton de la légèreté. Cette tendance s'incarne en particulier dans la série amorcée par UN AMOUR DE COCCINELLE, déclinée sous la forme de quatre suites et d'une série télévisée (sans compter les remake plus récents !)
LA MONTAGNE ENSORCELEE est une production Disney dans la pure lignée de ces productions «live». Pourtant, un détail de son générique frappe l'amateur averti : la réalisation n'est pas signée d'un sympathique amuseur dans le style de Robert Stevenson, mais par le britannique John Hough, dont la carrière consiste en des divertissements adultes tels que des épisodes la série CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR ou la production Hammer LES SEVICES DE DRACULA !
En 1973, John Hough tourne en Grande-Bretagne le mémorable film de terreur LA MAISON DES DAMNES, distribué aux USA par la major 20th Century Fox. Ce même studio lui permet de réaliser son premier long métrage américain avec le film d'action LARRY LE DINGUE, MARY LA GARCE. Dès l'année suivante, le studio Disney lui propose de diriger LA MONTAGNE ENSORCELEE, film d'aventures fantastiques tourné en Californie.
Production Disney oblige, nous trouvons en vedette des acteurs enfants : Ike Eisenman et Kim Richards, tous deux ayant derrière eux des apparitions dans des productions télévisées. Pour les entourer, le studio fait appel à de solides comédiens classiques. Ray Milland, Star hollywoodienne des années 40 et 50, incarne le malfaisant Aristotle Bolt. Il est accompagné par un sinistre homme de main interprété par l'inquiétant Donald Pleasence. Les deux petits fugitifs pourront compter sur le secours d'un vieux misanthrope, interprété par Eddie Albert, vedette de la série LES ARPENTS VERTS.
LA MONTAGNE ENSORCELEE nous invite à suivre les aventures de deux enfants, Tony et Tia Malone, confiés à un orphelinat après la mort de leurs parents adoptifs. En effet, nos petits héros ignorent jusqu'aux noms de leurs véritables géniteurs. Tout ce qui leur reste de leur petite enfance n'est qu'une boîte étrange, marquée d'un signe à deux étoiles, et le vague souvenir d'un naufrage. De plus, Tia et Tony ne sont pas des enfants comme les autres : ils détiennent des pouvoirs surnaturels leur permettant de parler avec les animaux ou d'animer les objets à distance ! Un milliardaire mal intentionné, Aristotle Bolt, les repère et compte utiliser leurs capacités spéciales pour servir ses intérêts. Une fois découvert ses mauvaises intentions, Tony et Tia s'échappent de son domaine et trouve refuge auprès de Jason O'Day, vieil homme bougon traversant le pays en camping car. Les deux enfants découvrent que leur mystérieuse boîte cache une carte et suivent ses indications pour se rendre à la montagne ensorcelée, un site où ils pourraient bien trouver le secret de leurs origines...
Comme on le constate à la lecture de ce résumé, LA MONTAGNE ENSORCELEE adopte la forme d'une course poursuite à travers la Californie, nous faisant suivre les tribulations de deux enfants tour à tour kidnappés, puis traqués, par des malfaiteurs sanguinaires ! Le ton est donc plus dur, le suspense plus intense que dans des productions fantaisistes telles que celles que pouvaient signer Robert Stevenson. Des armes à feu sont braqués sur des enfants, ils sont poursuivis par des voitures, des hélicoptères, voire même une horde de chiens affamés ! Sans doute est-ce la raison pour laquelle Disney a choisi un réalisateur comme John Hough, afin de signer ce film à l'ambiance relativement plus cruelle et tendue que les aventures d'Herbie la petite coccinelle !
Le Fantastique et le surnaturel, fort présents ici, donnent aussi lieu à des séquences plus inoffensives et disneyennes. Comme ce passage au cours duquel s'animent des marionnettes avec lesquelles danse la petite Tia, séquence évoquant les souvenirs des jouets se rangeant dans MARY POPPINS. Une embardée enfantine assez niaise d'ailleurs, à laquelle John Hough peine à apporter du charme ou de l'intérêt. D'autres moments fantastiques renvoient à des séquences truquées de titres Disney antérieurs, avec ce camping car volant, ou encore ce portemanteau s'animant, réminiscent de l'étrange armée vue dans le dénouement de L'APPRENTIE SORCIERE.
Qui plus est, LA MONTAGNE ENSORCELEE trahit ses limites de production tournée à l'économie. Les effets optiques sont souvent médiocres, souffrant d'un travail de détourage grossier. Les trucages, souvent primitifs, se cantonnent pour la plupart à déplacer des objets au moyen de fils de nylons. Enfin, la mise en scène s'avère routinière et peu personnelle, évoquant un téléfilm américain de l'époque. Seule la poursuite finale parvient à apporter un brin de souffle cinématographique. L'interprétation assez morose des deux acteurs enfants n'aide pas non plus à l'investissement du spectateur dans le spectacle auquel il assiste.
Il serait toutefois injuste de totalement noircir le tableau, LA MONTAGNE ENSORCELEE possède tout de même quelques atouts dans sa besace. En particulier la présence d'acteurs adultes compétents, en particulier de Ray Milland, délectable en antipathique bourreau d'enfants, ou Eddie Albert, ce dernier garantissant un peu de chaleur à ce long métrage trop neutre. Le tempo du film est soutenu, les péripéties s'enchaînent à une bonne cadence, portée par la musique haletante de Johnny Mandel.
Enfin, reconnaissons que, tout inégal qu'il soit, LA MONTAGNE ENSORCELEE, deux ans avant RENCONTRES DU TROISIEME TYPE (avec lequel il entretient quelques réelles ressemblances) et surtout sept ans avant E.T., pose les bases d'un certain divertissement à la mode Spielberg des années 80 : des enfants sont traqués par des adultes agressifs, au gré d'un spectacle mêlant aventure, science-fiction, effets spéciaux, action et humour.
LA MONTAGNE ENSORCELEE a toujours été un titre populaire dans le catalogue Disney, ce qui lui a valu plusieurs éditions en Laserdisc ainsi qu'en DVD. Aux États Unis, il aura d'abord le droit à un premier DVD assez fourni en suppléments, en 2003 ; puis à une autre édition encore plus complète apparaît dans leur collection «Family Classic» en 2009. En France, il n'a eu le droit qu'à une édition, datant de 2003, dénuée de toute interactivité. Il s'agit toutefois de la seule proposant la version française et le sous-titrage français simultanément.
De notre côté, nous allons chroniquer l'édition américaine Zone 1 de 2006 qui a la particularité de réunir sur un même DVD, et pour un tarif avantageux, LA MONTAGNE ENSORCELEE et sa suite directe : LES VISITEURS D'UN AUTRE MONDE.
Ce DVD double couche propose donc LA MONTAGNE ENSORCELEE dans une copie 1.75 et 16/9 d'une qualité tout à fait correcte. L'image est toujours propre, bien stable et, si la définition n'est jamais époustouflante, le rendu s'avère toujours très agréablement cinématographique, ne trahissant jamais de lissage gênant, de contours bidouillés ou de compression flagrante. La forte granulation des plans truqués s'avère ainsi restituée en toute franchise. Nous regretterons juste certains passages un peu trop sombres (la fuite de la maison de Bolt), mais sans doute s'agit-il de la conséquence d'un emploi discutable de la technique dite «nuit américaine» au moment du tournage !
La bande-son est proposée en version anglaise ou en version française, dans des remix 5.1 (le film étant mono d'origine) à l'intérêt peu flagrant. La localisation spatiale des sons reste toujours vague, le souffle est proéminent, le mixage confus, et ce même pour la musique. A notre sens, la seule présence de la piste mono d'origine (absente ici) aurait amplement suffi, même si le résultat d'ensemble de ces remix reste honnêtement écoutables. Le seul sous-titrage proposé est en anglais et destiné aux malentendants.
Comme nous l'avons écrit plus haut, cette édition «2-movie collection» de LA MONTAGNE ENSORCELEE nous permet de trouver deux films sur un seul DVD. Le prix à payer est toutefois l'absence de tout supplément, hormis une sélection de bandes-annonces pour des DVD ou films Disney tels que CARS, LA PETITE SIRENE, BIENVENUE CHEZ LES ROBINSON ou PIRATES DES CARAIBES : LE SECRET DU COFFRE MAUDIT.
Bref, nous avons affaire à une édition dont l'avantage est avant tout économique – deux films pour le prix d'un ! - mais offrant néanmoins des prestations techniques tout à fait honorables.