La Comtesse Federica est assassinée à son domicile pendant la nuit. Ayant retrouvé une note, la police conclut au suicide. Membres de la famille, voisins et homme d'affaire vont alors se rencontrer dans le domaine de la défunte lequel connaît un accroissement mystérieux du taux de mortalité. De fait, les mobiles des meurtres demeurent tout aussi obscures que leur initiateur !
Après le western ROY COLT AND WINCHESTER JACK, probablement l'un des plus mauvais films du réalisateur italien, Mario Bava abandonne l'Ouest sauvage pour retourner au cinéma d'horreur et particulièrement au giallo. Un genre cinématographique dont le cinéaste fait en quelque sorte figure de pionnier avec LA FILLE QUI EN SAVAIT TROP puis SIX FEMMES POUR L'ASSASSIN. Néanmoins, le giallo connaît un succès fulgurant quelques années plus tard avec L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL de Dario Argento. Comme d'autres, Mario Bava se plie à la mode en réalisant entre-temps L'ILE DE L'EPOUVANTE. Ce dernier métrage propose (d'ailleurs) une intrigue policière relativement semblable à celle de LA BAIE SANGLANTE en dépit d'un traitement très différent. Pour écrire le scénario du métrage, Mario Bava engage Dardano Sachetti après avoir apprécié son excellent travail dans le CHAT A NEUF QUEUES de Dario Argento. Le scénariste débutant sera ainsi crédité au générique pour avoir imaginé, en compagnie de Franco Barberi, l'histoire de LA BAIE SANGLANTE. Toutefois, il s'avère en général difficile d'évaluer exactement l'influence respective des personnalités ayant travaillé(s) sur nombre de métrages italiens à cette époque. Impossible cependant de ne pas reconnaître la touche personnelle et ironique de Mario Bava dans LA BAIE SANGLANTE. La courte séquence qui clôt le générique d'ouverture mais aussi et surtout l'épilogue, en constituent les meilleurs exemples. A ce titre, on retrouve un pied de nez final similaire dans, CANI ARRABBIATI, une autre œuvre assez noire du cinéaste. Noire car LA BAIE SANGLANTE s'avère beaucoup plus brutal et direct dans son approche de la violence que les autres films de Mario Bava et notamment ses giallo précédents.
Beaucoup moins stylisé, et ce malgré certains éclairages caractéristiques de Mario Bava, LA BAIE SANGLANTE fixe davantage son attention graphique sur les nombreuses et violentes mises à mort qui ponctuent l'intrigue. Chacune de ces séquences de meurtres tente d'innover pour ne pas lasser le public en lui exposant une mécanique routinière. Cette inventivité dans l'art de trucider des personnages, on la retrouvera quelques années plus tard dans la franchise VENDREDI 13. A un tel point qu'une portion du film de Mario Bava ressemble beaucoup à ce que fera Sean S. Cunningham au début des années 80. Mieux, voire pire, deux séquences seront carrément reprises, comme si de rien n'était, dans LE TUEUR DU VENDREDI. La plus évidente présente deux tourtereaux qui se font empaler en plein ébat par une lance. Dans LA BAIE SANGLANTE, cette scène renvoie bien évidemment à l'image de l'entomologiste épinglant un pauvre insecte dans sa collection. Suivant cette optique, l'oeuvre dépeint des personnages pour qui la vie d'un être humain ne semble pas avoir plus d'importance que celle d'un insecte que l'on foule du pied. Le concept est poussé jusque dans ses derniers retranchements pour conférer à l'oeuvre un ton carrément nihiliste. Avec un humour noir évident, le scénario s'amuse également à placer quelques dialogues sur le rapport qui lie l'humanité à la nature en suggérant parallèlement l'ambiguïté d'un personnage pourtant écologiste. Le film de Mario Bava porte donc un regard acerbe sur des protagonistes dont l'existence précaire et l'importance s'apparentent à celles de la mouche qui crève de manière inopinée lors de l'ouverture du film !
Dès lors, si l'on s'attend à suivre une intrigue réaliste jalonnée de rebondissements vraisemblables, LA BAIE SANGLANTE risque de décevoir. Giallo incontestable, l'oeuvre s'écarte cependant des clichés habituellement répertoriés, souvent à tort, du genre. Le film s'amuse d'ailleurs dès le début à tordre le coup à l'un des «lieux communs» du giallo en supprimant l'incontournable et mystérieux tueur ganté de noir. A noter enfin que si le film contient bien au final treize personnages refroidis avec une certaine inventivité, il n'y a pas, contrairement à une croyance persistante, autant de façons d'envoyer nos semblables ad patres. En réalité, il n'y a que onze modes opératoires plus ou moins divers allant de la strangulation à la décapitation. Un catalogue qui se marie particulièrement bien sur la forme mais aussi sur le fond d'un métrage mettant en exergue la voracité de personnages qui s'entre-tuent de manière bien peu civilisée !
Curieuse ressortie que celle de LA BAIE SANGLANTE en DVD. En effet, le film a déjà été commercialisé à plusieurs reprises sur le marché français. Il y avait pourtant matière à améliorer le travail. Jusqu'ici, le métrage avait été distribué exclusivement en version française et ne comptait aucun supplément sérieux. Carlotta Films propose donc une édition enrichie d'un point de vue éditorial mais aussi d'un nouveau transfert 16/9 réalisé à partir d'un master restauré. Constatons d'abord qu'il s'agit ici d'une copie américaine du film. Cela revêt une certaine importance puisque la version italienne, absente dans notre cas, n'offre pas véritablement un montage différent mais quelques séquences dialoguées alternatives. Sachant que la version anglaise est un doublage, il faudra davantage l'apprécier comme un supplément que comme une véritable version originale. Que ce soit le doublage français ou bien la version anglaise, les voix ne sont pas d'un grand naturel, fait récurrent dans les films post-synchronisés de l'époque. A choisir, on optera pour la version française laquelle ne paraît pas moins pertinente que le doublage anglophone. Les deux pistes sont en mono d'origine et restent plutôt limitées techniquement.
L'image se fait, quant à elle, bien plus lumineuse et colorée que sur les éditions francophones précédentes. Avec ce nouveau transfert, les couleurs paraissent donc bien moins froides et adopte un cadrage un poil différent tout en perdant, dans certains cas, certains détails. On pourra y déceler ici ou là un grain qui ne se comporte pas tout à fait naturellement ce qui pourrait être imputé à la compression numérique du DVD. A la vision, tout cela ne s'avère pas nécessairement flagrant à moins de regarder le métrage avec une loupe !
La copie du métrage est anglaise comme la bande-annonce proposée dans les suppléments. Celle-ci arbore l'un des nombreux titres anglo-saxons de l'oeuvre. Mais contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, il ne s'agit pas de l'un des plus connus puisque dans ce film promotionnel très psychédélique - un style qui fut adopté par d'autres bandes-annonces italiennes à l'époque - LA BAIE SANGLANTE y est titré CARNAGE. Intitulée «Ritournelle Macabre», l'analyse de LA BAIE SANGLANTE pourrait être pertinente si elle n'était pas avant tout ennuyeuse. Très didactique, le décorticage du film tente de rallier la technique cinématographique avec la supposée vision du réalisateur. Parfois, cela fonctionne mais à d'autres moments, on reste sceptique. Par exemple, pour l'auteur de ce supplément, Mario Bava insuffle une part de «Fantastique» en faisant se mouvoir un véhicule sans conducteur. Intéressant mais d'un point de vue pragmatique, le cinéaste utilise d'abord cette astuce pour camoufler un conducteur dont on ignore ainsi l'identité. On oublie cette approche désincarnée et pompeuse du cinéma avec Jean-Pierre Dionnet qui a un discours bien plus passionné et captivant. Pourtant, la meilleure des interventions récentes présentes sur ce DVD n'est indiquée nulle part. Il s'agit d'un petit entretien avec Gilles Esposito, rédacteur chez Mad Movies, qui livre une poignée de réflexions fort pertinentes. Un supplément pourtant bien camouflé. Cacher des bouts de pelloches ratées, un acteur en train de chanter comme Christopher Lee sur l'édition américaine de THE WICKER MAN ou un supplément amusant ; pourquoi pas ? Proposer cette interview dans ces conditions semble en revanche quelque peu ridicule. En tout cas, l'énorme supplément de cette édition DVD, celui qui devrait pousser tous les amoureux de Mario Bava à se ruer dessus, n'a aucun rapport avec LA BAIE SANGLANTE. C'est l'intégralité d'une émission de la télévision italienne consacrée aux effets spéciaux et très certainement réalisée au début des années 70. Cette émission constitue une apparition rare de Mario Bava en public Le cinéaste italien parle donc d'effets spéciaux bien que sur les quarante minutes, il ne soit pas vraiment le centre de la discussion. Le maquilleur des effets sanglants de LA BAIE SANGLANTE ou créateur du masque de DIABOLIK,Carlo Rambaldi, éclipse son collègue pour nous montrer quelques-unes unes de ses créations qui, pour certaines, annoncent déjà les déboires grandeur nature d'un KING KONG. Le document est donc une véritable rareté… même en DVD !