Deux couples partent camper dans la forêt Norvégienne. En route, ils vont s'arrêter dans une station service et énerver quelques locaux avant de prendre une jeune fille hébétée en stop. Ils n'iront pas bien loin avant d'être rattrapés par les habitués du coin qui vont leur montrer comment on passe le temps dans ces lieux reculés…
Bien que le cinéma Viking ne soit pas le premier qui vienne à l'esprit lorsqu'on pense films de genre, les Scandinaves ont pourtant participé au genre à de nombreuses reprises. Ces dernières années ont vu une résurgence de métrages horrifiques comme COLD PREY et sa suite, DEAD SNOW, MORSE ou encore SAUNA, bien qu'il soit finlandais et donc techniquement pas scandinave. Mais peu importe puisque les films qui proviennent du nord ont tous en commun une ambiance plus dépressive ou cynique que joyeuse, des sentiments facilement explicables par les longues soirées d'hiver et les nuits d'été trop courtes (voir INSOMNIA l'original pour apprécier pleinement les effets du manque de sommeil). Quel meilleur terreau pour y semer des graines horrifiques ? Avant de monter son premier projet de long métrage, Patrick Syversen a écrit et réalisé deux courts dont les sujets sont très similaires en ce qu'ils mettent tous deux en scène un couple face à une invasion virale. Cette fois, il s'est associé à une femme, Nini Bull Robsahm, pour l'écriture du scénario. Sa présence n'est sans doute pas étrangère au fait que le personnage principal soit féminin mais éveille alors l'incompréhension quant à son manque de consistance. Concernant les quatre acteurs principaux du film, Syversen a choisi des débutants pour lesquels MANHUNT est une première apparition à l'écran, exception faite de Janne Beate Bønes qui a déjà joué dans les deux courts du réalisateur.
Le film s'ouvre de manière tout à fait sympathique sur une partie de chasse humaine. Une jeune fille poursuivie par des assaillants que l'on ne voit jamais, court à perdre haleine avant de se prendre le pied dans le désormais incontournable piège à loups. Elle est ensuite atteinte d'une balle dans le dos et la dernière chose qu'elle aperçoit avant de mourir est son compagnon suspendu à un arbre. La brièveté de cette introduction qui dure un peu plus d'une minute n'enlève rien à son efficacité et on s'installe plus confortablement, prêt à embarquer pour une aventure qui promet moult perversités. Avant de déchanter méchamment en découvrant le désormais incontournable groupe de jeunes interchangeables qui partent dans la désormais incontournable forêt sombre dans la désormais incontournable camionnette Volkswagen de MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE. C'est promis, nous n'utiliserons plus l'expression «désormais incontournable» mais ce n'est pas l'envie qui manque. Pour être tout à fait honnête, le métrage se regarde plus comme une compilation des survivals récents les plus connus que comme un film original, à savoir et en vrac : DETOUR MORTEL, THE BACKWOODS, LA COLLINE A DES YEUX, le remake du susmentionné classique des années 1970… En soi, rien de vraiment préjudiciable car quel réalisateur en herbe ne s'inspire pas de ses modèles ? Et cette bande aurait pu être des plus sympathiques si Patrick Syversen et sa coscénariste n'avaient pas oublié la perversité et la brutalité qui sont les marques de fabrique du genre.
En dehors de quelques brefs sursauts de cruauté (allez, trois ou quatre), il faut bien se rendre à l'évidence de l'encéphalogramme plat du film. A aucun moment, le réalisateur parvient à nous mettre mal à l'aise ni même à installer une quelconque progression dans la tension. Certes, les couleurs délavées de l'image épousent à merveille le sujet mais la caméra à l'épaule ne manquera pas de donner le mal de mer aux réfractaires de ce style d'un nouveau genre. Lors de plans supposés fixes, il devient particulièrement énervant d'avoir l'impression que l'écran soit monté sur ressorts, d'autant plus que cela n'apporte strictement rien aux passages filmés. On se retrouve donc avec un résultat aussi ennuyeux que pénible où même une éviscération en gros plan n'éveille pas la moindre émotion ou dégoût sinon à se demander ce que ça fait là.
Quant aux personnages, on se pose tout autant de questions. On a déjà vu les ersatz des quatre jeunes tant de fois auparavant qu'on se moque bien de leur sort, on est juste curieux de voir comment ils vont trépasser en espérant ne pas être déçu. Mais si la déception n'est pas tout à fait présente, la jubilation ne l'est pas non plus. Les effets choc, les meurtres, sont bien trop sages et surtout répétitifs pour susciter une véritable implication. On en vient même à regretter, cette fois, le choix restreint de la palette de couleurs qui rend le sang presque noir et les viscères sépia ! Seuls sortent du lot une explosion de cheville et une hache en travers d'une tête aux effets franchement réussis.
Les "vilains pas beaux" de la forêt sont, une fois n'est pas coutume, encore plus transparents que leurs victimes. Leur repère se réduit à deux tentes. Dans l'une d'elles repose une fille plus très fraîche. A l'extérieur sèchent des torchons ensanglantés. Et les tripes qu'ils ont si amoureusement arrachées à leur propriétaire, ils en font quoi ? Une bonne soupe aurait certes été prévisible (au point où on en est…) mais nous aurait au moins éclairés sur l'étendue de leur folie. Pourquoi chassent-ils les humains ? Mystère et boule de gomme. Ils semblent n'y prendre aucun plaisir, ils ne récupèrent pas la viande dans le but de créer de nouvelles recettes, ils ne prennent aucun prisonnier pour jouer avec – le spectateur peut toujours s'amuser à combler lui-même les trous scénaristiques sauf qu'il n'est pas là pour ça.
A mi-chemin, le métrage prend un virage inattendu mais la scène laisse tellement perplexe que l'on se demande quel était le but recherché. Que la proie devienne le prédateur, d'accord. Au contraire, cela ajoute du piment et le personnage a désormais libre cours à l'expression de ses frustrations et de sa haine. Voir une victime tremblotante passer de l'autre côté du miroir et se transformer en monstre assoiffé de sang est toujours jouissif – on applaudit, on l'encourage, on est à fond dans le soutien et l'attente d'une vengeance féroce. Mais ici, l'absence totale de surprise et de tension achève de décrédibiliser le retournement de situation et le rend complètement ridicule tout en confirmant le fait que les méchants possèdent des QI d'huîtres avariées. Heureusement, la suite rattrape un peu ce moment stupide en proposant quelques séquences bien senties dont une en particulier qui atteint des sommets de dégradation. Il n'est peut-être pas original de faire le parallèle psychologique entre canon de fusil et pénis mais à l'écran c'est immonde à regarder, bruits de succion (involontaires) à l'appui. Une séquence que l'on pourra très facilement rapprocher des allusions sexuelles prêté l'engin brandi par Leatherface dans MASSACRE A LA TRONCONNEUSE 2. Mais, encore une fois, le métrage perd l'équilibre avec la découverte fortuite d'un couteau planté à portée de main de la victime qui s'en sert plus vite qu'il n'en faut pour dire Deus ex machina. Et le film se vautre alors lamentablement avec cette petite femme qui zigouille des gros durs comme d'autres écraseraient une mouche sans ailes.
Nous sommes bien placés pour savoir à quel point il est difficile d'écrire un scénario et trouver de nouvelles idées dans un genre qui en contient déjà beaucoup. Et nous n'avons rien contre le recyclage mais dans ce cas, il convient d'aller au-delà et de proposer quelque chose d'un peu différent dans la forme. Et quand un scénariste arrive à un nœud, il vaut mieux revenir en arrière et approcher le problème différemment plutôt que de tirer un lapin magique de son chapeau. On peut pardonner les maladresses mais pas les tricheries déguisées en trouvailles qui facilitent le boulot de tout le monde. Nous ne doutons pas que MANHUNT ait été fait avec passion et attention alors justement, il est dommage que Syversen n'ait pas cherché à y injecter quelque chose de plus personnel au lieu de montrer au monde qu'il aime MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE au point que son film pourrait faire office de quasi remake. MANHUNT n'est pas vraiment désagréable à suivre mais ne se posera jamais en figure emblématique du genre.
Le format d'image (2.35 [16/9]) a été respecté pour un transfert auquel on peut sans problème attribuer une mention très bien. Bien que Syversen n'exploite pas son format au maximum, l'aspect délavé de l'ensemble donne lieu à une ambiance anonyme et désolée, parfaitement rendue sur le plan technique. Quant aux formats audio, vous avez le choix entre la version originale sous-titrée et mixée en 5.1 ou alors un doublage français en stéréo. Autant dire que le choix reste maigre. Quasiment dépourvu de musique, on aurait apprécié un plus gros travail sur la bande son dont le 5.1 ne se justifie pas vraiment. Pour une fois, la stéréo conviendrait presque mieux mais cela enlève le plaisir d'écouter la charmante langue norvégienne.
Nous aurions aimé pouvoir terminer par la section suppléments sauf que cette édition n'en contient pas en dehors d'une sélection de bandes annonces de films scandinaves à sortir prochainement chez StudioCanal avec, en plus, bien évidemment, celle de MANHUNT.