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Critique du film
SANG SENTIMENTS 2009

 

Traversant les époques, Laura est un vampire en quête de l'âme sœur. En attendant, elle aguiche les hommes solitaires en tant que strip-teaseuse. Une façon d'attirer une proie qui lui fournira le sang nécessaire à sa survie…

Après plus d'une vingtaine d'années de production de films pornographiques, Colmax va mettre un terme à ce type d'activité face à un marché de la vidéo et du DVD en plein marasme. Deux ans plus tard, Colmax Production va reprendre le chemin des tournages début 2009 avec, parmi les premiers projets, SANG SENTIMENTS. Pas de surprise, le métrage est une œuvre à caractère pornographique mais qui se veut un croisement entre le cinéma Fantastique et le X. Si Colmax finance, le projet est en réalité une idée de Didier Noisy gravitant, lui aussi, dans le domaine de la production pornographique. Le cinéaste n'a pas l'ambition de tourner simplement des coïts à la queue leu leu et entend bien proposer des métrages différents. Il va d'ailleurs faire la rencontre d'un réalisateur de courts-métrages dont il trouve le travail bluffant compte tenu des moyens engagés. Il lui propose donc de collaborer sur le tournage d'un film pornographique. Le réalisateur prend la décision de rester dans l'ombre et signe le film du pseudonyme de Stéphane S.

Mélanger les genres dans le cinéma pornographique n'a rien de nouveau. Et cela n'a, en réalité, rien de bien étonnant puisque les métrages X n'en reste pas moins des films ! Dès lors, à moins de vouloir apposer sur un écran une succession de vignettes à peine improvisées, il est nécessaire d'intégrer les séquences de sexe au sein d'un scénario, au pire, vaguement élaboré. Hormis les inévitables parodies et démarquage d'œuvres connues, le cinéma X va assez vite faire des incursions dans le Fantastique de manière plus ou moins appuyée. Sans se forcer, quelques classiques viennent tout de suite à l'esprit de L'ENFER POUR MISS JONES à CAFE FLESH en passant par LE SEXE QUI PARLE ou encore THE CHAMELEON. Néanmoins, les ambitions du cinéma X ont pris un sacré coup dans l'aile avec l'arrivée de la vidéo et la possibilité de tourner très facilement des galipettes sur un canapé. On pourra alors essayer de différencier «cinéma X» et «vidéo de cul», quand bien même la frontière s'avère plus que largement floue et très subjective. A l'évidence, SANG SENTIMENTS s'inscrit donc dans la tradition du cinéma X dans ce qu'il a de plus noble. Le film se pare d'un véritable scénario et peaufine sa mise en images.

En raison de l'aspect sexuel du vampirisme, ce mythe joue avec l'érotisme depuis bien longtemps au cinéma. De l'érotisme au X, le pas est rapidement franchi. Que ce soit parodique à l'instar de DRACULAX ou de façon plus sérieuse comme dans le DRACULA de Mario Salieri, les vampires ne se contentent plus de sucer que du sang. Ce sera donc le cas de SANG SENTIMENTS dans lequel les vampires offrent à leurs victimes de partir avec le sourire en faisant coïncider la petite mort avec la grande. Le film de Stéphane S. ne va pas essayer de chambouler plus avant le genre. Le cinéaste choisit en tout cas de se placer dans la continuité du mythe tel qu'il a pu être redéfini ces dernières années avec les ouvrages de Anne Rice mais aussi de suivre une esthétique très UNDERWORLD. Malheureusement, le scénario manque cruellement d'inventivité et se révèle, particulièrement dans sa deuxième partie, d'une confondante naïveté. Sans être une véritable réussite, l'ouverture du film démarrait pourtant plutôt bien en nous exposant les états d'âme de son personnage principal. Mais bien vite, SANG SENTIMENTS va bifurquer sur une intrigue un peu immature donnant l'impression de suivre un épisode des séries ANGEL ou HIGHLANDER. La seule scène d'action du film va d'ailleurs un peu dans ce sens. En essayant avec une certaine maladresse de reproduire un combat très hollywoodien, cet affrontement musclé apparaît bien peu spectaculaire et quelque peu télévisuel. D'autant plus dommage que le comédien William Lebris a clairement d'excellentes capacités acrobatiques alors que son adversaire, Reda, dispose d'une imposante présence (à défaut d'être bon acteur). Cela fait d'ailleurs un peu penser au HARDLANDER de Cyrille Bara, une autre tentative française de mêler X et action Fantastique, qui souffrait justement de séquences d'action bien peu convaincantes. Sur son mélodrame vampirique, SANG SENTIMENTS ajoute une intrigue parallèle à base de chasseurs de vampires. Le tout étant narré par une persistante voix-off qui annihile un peu l'aspect éthéré dans laquelle baigne la première partie du film.

Peu importe les ambitions de départ, SANG SENTIMENTS reste avant tout une œuvre à caractère pornographique qui ne réussit pas à briser, abolir ou réduire les barrières entre le cinéma traditionnel et le X. On peut tout de même s'amuser à décortiquer le métrage. Par exemple, SANG SENTIMENTS met un certain temps avant de réaliser des gros plans en collant son objectif sur des plans de pénétrations. Mettons de côté la séquence d'ouverture qui se met d'elle-même hors jeu pour s'étonner de la mise en scène de la première véritable longue séquence sexuelle du film. Cette dernière semble avoir été réalisée pour être projetée sur grand écran en privilégiant les plans larges et en usant du format Scope. Plus le film avance et plus les scènes X reviendront finalement à un côté que l'on qualifiera de plutôt classique dans ce type de film. On pourrait émettre diverses hypothèses pour l'expliquer. Véritable approche artistique pour créer une progression crescendo ? Tournage du film de manière chronologique balayant une certaine timidité du cinéaste débutant sur ce type de production ? Grain de sel de la production ? On ne le saura peut être jamais surtout que la meilleure séquence X du film se trouve entre les deux avec le corps à corps entre William Lebris et Kristina Connor. SANG SENTIMENTS déploie une panoplie plutôt traditionnelle de pratiques sexuelles. A ce propos, notre vampire s'émancipe puisqu'en 1789, elle ne pratique que la fellation dans la première scène du film. Une ouverture où notre héroïne fait sa révolution en saignant un aristocrate dégingandé qui est interprété par Sebastian Barrio. Bien sûr, on pourra être surpris par le côté très avant-garde de notre vampire affublé d'un piercing sur la langue. Plus de deux siècles plus tard, devenue strip-teaseuse, notre vampire s'adonne enfin à un coït classique avec ses rencontres sans lendemain. Mais lorsqu'elle rencontre son double, l'âme sœur, elle lui offre donc son cul. Fleur bleue, la vigoureuse sodomie devient une preuve d'amour donnée à celui qui vient la sauver de sa solitude au milieu des êtres humains. Tout finirait donc pour le mieux mais SANG SENTIMENTS porte bien son titre et vaporise bêtement ses deux héros trop occupés à se bécoter. Le film de Stéphane S. s'avère, au final, plus proche de l'esthétisme d'un Michael Ninn que des paillardises de John Love (alias Alain Payet). L'approche artistique force le grain de l'image et sature les couleurs à outrance. Ainsi, la majeure partie de SANG SENTIMENTS offre un aspect visuel très travaillé en post-production. C'est d'ailleurs probablement aussi le cas de l'actrice principale Elke qui arbore une poitrine plutôt surnaturelle. On appréciera… ou pas !

Suite au tournage de SANG SENTIMENTS, le duo Didier Noisy et Stéphane S. a déjà bouclé pour VCom un largement plus modeste STAR WOMEN, clin d'œil au STARMAN de John Carpenter, et prépare un thriller musclé beaucoup plus ambitieux, encore une fois pour Colmax. Les deux cinéastes tentent donc d'insuffler leur amour de l'action, de l'horreur et de la science-fiction dans la pornographie ce qui n'est pas, à la base, pour nous déplaire.

Si Colmax était connu pour la distribution de films en cassettes vidéo, Laserdisc et finalement DVD, le XXIème siècle a profondément changé la donne. Car SANG SENTIMENTS est distribué seulement, pour l'instant, en VOD, à la location ou en achat définitif, auprès de la plupart des prestataires de ce type de services tel que CanalPlay.

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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