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Critique du film
MOON 2009

 

Le spationaute Sam Bell (Sam Rockwell) travaille seul sur la Lune comme responsable de l'extraction minière, avec pour seul compagnon un ordinateur, Gerty (voix de Kevin Spacey). Le minerai est envoyé sur terre afin de pallier à la crise de l'énergie. Son contrat de trois ans arrivant à échéance, il se prépare à retourner sur notre planète. Toutefois, suite à un accident, il se rend compte qu'il n'est pas tout à fait seul, puisque son double lui apparaît.

La Science-Fiction a toujours été un terreau de réflexion sur la valeur du genre humain et MOON semble plus se rattacher à la politique fiction tant prisée par les années 70, à la manière de TERRE BRULEE ou encore ZPG. MOON va en ce sens faire plaisir et/ou enrager plus d'un aficionado de la science-fiction contemplative. Il faut oublier le bazar de métal et autres jets surpuissants de laser, nous sommes ici en terrain beaucoup plus introspectif. Les thèmes brassés par MOON s'inspirent plus ou moins brièvement d'une multitude de films existants, entre emprunts et clins d'oeil. De l'ordinateur de 2001, L'ODYSSEE DE L'ESPACE (Gerty est une sorte de Hal avec un peu de cœur) à l'isolation - et la progression dramatique - de SILENT RUNNING, on retrouve aussi des bribes de SOLARIS, de BLADE RUNNER, de la solitude de STRANDED ou encore de THE CLONUS HORROR… une sorte de Best Of Sci-Fi, agrémenté de thèmes actuels comme la crise énergétique, le clonage, la remise en cause de la notion de travail…. Mais également à propos de la désinformation, du pouvoir de l'information sur l'individu, de la manipulation, de la peur de l'autre, de soi-même, de la mort… L'ombre de Descartes plane sur le métrage. Et il suffit de croiser cela avec le thème de l'exploitation minière déjà traitée dans OUTLAND ou, soyons fous, LEVIATHAN. Un petit coup de shaker virtuel et hop ! Voilà MOON qui débarque.

MOON se révèle, au fur et à mesure du métrage, d'une ambition insoupçonnée. Brillant, superbement découpé mais peut-être trop intelligent en regard du traitement des sujet, en fait. Si la mixité des thèmes développés et portés à bout de bras par un Sam Rockwell en voie d'oscarisation, cela donne surtout une impression de :
1/ déjà-vu au regard des films précités.
2/ voir le réalisateur et scénariste Duncan Jones, fils de David Bowie soit dit en passant, jouer les bons élèves de la classe : j'ai tout compris des grands problèmes d'aujourd'hui.

Centrer l'action autour d'un seul homme et maintenir l'intérêt pendant 97 minutes relève déjà du tour de force, même si l'acteur est un Sam Rockwell forçant l'admiration. Un acteur-chaméleon parfait qui incarne à merveille un Sam Bell en voie de déshumanisation. Qui fait comprendre/réaliser par petites touches successives que signer trois ans de solitude minière dans l'espace est vraiment inhumain. Un aspect que le scénario gomme volontairement au début de film pour laisser s'installer une sensation de vide, de trop-plein d'organisation, d'une perfection radicale qui conduit au chaos.

Le scénario de MOON aidé en cela par un montage sûr, procède à la découverte progressive et lente du quotidien de ce travailleur de l'espace jusqu'à ce qu'un incident vienne perturber la mécanique parfaite. Certains événements apparaissent comme trop superficiels par rapport à l'histoire, comme la récurrence du retour d'information. On sent que Duncan Jones les place seulement afin de relancer une action un peu en panne. Il en vas de même en ce qui concerne la fonction de l'ordinateur/robot Gerty : on comprend mal qu'une multinationale aussi puissante laisse autant de latitude à un ordinateur, hormis le fait de trouver une utilité scénaristique ! D'autres font preuve de plus de fluidité et de naturel qui s'inscrivent dans la logique de l'histoire. Ainsi la découverte de son double et l'impact sur son quotidien qui, pour la première fois, va l'amener à se poser des questions sur sa propre existence, jusque là jamais remise en cause.

Les qualités techniques de MOON l'élèvent sans peine au-dessus de la mélée dans un genre finalemenet assez rare sur les écrans ces dernières années. La photographie de Gary Shaw s'avère stupéfiante pour les scènes lunaires. Couplée à des effets spéciaux réalistes et crédibles, elle magnifie la sensation d'éloignement, de beauté perpétuellement solitaire. Cette force tranquille qui frise parfois le spectaculaire : le ballet spatial des véhicules et l'extraction du minerai deviennent quasi-hypnotiques. Avec Clint Mansell qui compose un thème muscial en parfaite adéquation avec l'atmosphère voulue. La réussite plastique s'offre aux yeux comme une évidence à travers une utilisation intelligente du format Scope, judicieuse jusque dans les recoins du cadre qui regorge de détails.

La dernière partie de MOON revêt une symbolique libératrice mais néanmoins curieuse et à double tranchant (ce qui fait songer à celle de PLANETE HURLANTE). Bénéfice ou risque pour l'humanité ? L'homme créé-t-il sa propre conscience ou ne fait-il que développer ce que son entourage lui procure ? Toute l'ambiguïté de MOON se résume à ces simples questions. Entre une science-fiction imprégnée de 2001, L'ODYSSEE DE L'ESPACE et sa volonté de toucher à tout, MOON inspire le respect par l'étendue de son champ d'action. Mais qui trop embrasse mal étreint, a-t-on envie de dire. Les qualités sont indéniables en terme d'écriture et de mise en scène. Mais le trop-plein de sujets traités (parfois à la volée) adossé à un rythme languissant risque d'en repousser plus d'un. MOON aura beaucoup de mal à se frayer un chemin sur nos écrans et pire encore, à y rencontrer un éventuel succès populaire mais l'expérience sur grand écran sera un plus pour l'apprécier - pour qui en aura la possibilité.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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