Header Critique : DOROTHY (DOROTHY MILLS)

Critique du film et du DVD Zone 2
DOROTHY 2008

DOROTHY MILLS 

Sur une petite île de l'Irlande peuplée par une communauté religieuse, une jeune baby-sitter (Jenn Murray) est surprise à martyriser un nourrisson. Une psychiatre (Carice van Houten) est immédiatement dépêchée sur l'île pour juger de l'état mental de l'adolescente. Elle va découvrir que la jeune fille, Dorothy, change constamment de personnalité.

DOROTHY est une étrange production paneuropéenne sortie de nulle part. Tourné en Irlande avec des acteurs locaux, excepté le premier rôle accordé à l'actrice hollandaise Carice van Houten (unanimement saluée pour sa performance dans le BLACK BOOK de Paul Verhoeven), DOROTHY est un film produit et réalisé par des français. Si le nom de la réalisatrice, Agnès Merlet, ne nous dit pas grand chose, c'est tout simplement parce qu'elle avait abandonné les plateaux de cinéma depuis dix ans malgré deux longs-métrages très remarqués dans les années 90. Loin d'être un vulgaire clone de L'EXORCISTE, DOROTHY est une très intéressante découverte à l'ambition bien au dessus de la production de «genre» à la française.

DOROTHY s'inspire de cas réels de dédoublement de la personnalité, phénomène qui fascine rapidement Agnès Merlet. Elle découvre le récit de personnes capables d'adopter successivement des caractères multiples avec une cohérence inébranlable. Une problématique purement psychologique mais qui flirte rapidement avec le surnaturel tant certains rapports sont troublants. Beaucoup de cas possèdent en effet des éléments inexplicables, ce qui attise d'autant plus l'imagination de la réalisatrice pour construire un film à cheval entre le réel et le fantastique. Au lieu de citer L'EXORCISTE ou les films de possession comme référence, Merlet préfère parler de NE VOUS RETOURNEZ PAS, CARNIVAL OF SOULS ou encore THE WICKER MAN pour nous situer l'ambiance de son univers.

Bien entendu, la crédibilité d'un film comme DOROTHY repose sur les frêles épaules de son interprète, la jeune Jenn Murray. Doté d'un physique étrange, la comédienne fait tour à tour pitié et frissonner dans ce rôle d'adolescente prisonnière d'un syndrome terrifiant lui faisant interpréter plusieurs rôles dans son rôle. Un authentique défi d'acteur qui va pousser Jenn Murray dans d'impressionnants retranchements. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Murray n'est pas doublée vocalement pendant certaines scènes. Le malaise des séquences chocs en est ainsi décuplé. La performance est d'autant plus soufflante que Jenn Murray est une actrice débutante qui fait ici sa première apparition au cinéma. Face à elle, la non moins formidable Carice van Houten joue sur un registre beaucoup plus introverti. Elle incarne une psychiatre hantée par un drame personnel, un «ressort» classique de caractérisation de personnage beaucoup repris ces derniers temps par le cinéma de genre espagnol.

En parallèle du portrait de Dorothy et de son énigme psychiatrique, le film nous immerge dans une communauté religieuse irlandaise intégriste, coupée du monde sur une île où le temps semble s'être arrêté. Car si certains accessoires semblent suggérer que le film est contemporain, les mentalités de l'île nous renvoient des années en arrière. La présence écrasante de la religion et de ses dogmes va rapidement concurrencer la menace suscitée par Dorothy. Au point que le spectateur se demande à mi-course qui est le plus dangereux et le plus inquiétant. DOROTHY mène de front l'analyse de l'adolescente et la radiographie des habitants de l'île jusqu'à une conclusion qui reliera les intrigues autour d'un même secret.

Alors que nous pensions déjà avoir fait le tour du film de «possession» depuis longtemps, DOROTHY arrive à nous surprendre et nous captiver avec son approche très personnelle et son ambiance si particulière. Les magnifiques paysages irlandais sont une alternative très rafraîchissante dans un cinéma de genre contemporain qui ne semble avoir retenu des années 70 que les provocations gores et trash. C'est avec joie que nous retrouvons avec DOROTHY la sensation d'un cinéma européen de qualité, où intelligence et efficacité ont trouvé le bon dosage d'un fantastique adulte et ambitieux. Une réussite qui fait oublier quelques bémols dans la gestion du surnaturel, parfois sous-exploité, parfois utilisé très naïvement. Le «twist» final est le premier à pâtir de ce déséquilibre, achevant DOROTHY sur une note moins mystérieuse que prévue.

Sortie en salle durant la période creuse de l'été, DOROTHY nous arrive dans une édition DVD de qualité. Techniquement, il n'y a rien à redire devant l'excellence de la copie. On regrettera juste que la piste DTS ne soit réservée qu'à la version française. Question bonus, l'éditeur nous propose deux modules plutôt concentrés. Idéal pour approfondir l'expérience de DOROTHY sans pour autant s'ennuyer dans les redondances. Sur une trentaine de minutes, un making-of nous invite sur le tournage via une mécanique classique de reportage promotionnel. Le travail des différents intervenants du film est minutieusement abordé, dont l'incroyable performance de Jenn Murray. Un second module se concentre plus sur le thème de la personnalité multiple via une interview d'Agnès Merlet. Cette dernière nous gratifie d'anecdotes incroyables issues de ses recherches (comme ce violeur acquitté à son procès car ce n'était pas lui mais «son autre personnalité» qui avait commis le délit). Une archive de photos et de bandes-annonces complète la section.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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287 critiques Film & Vidéo
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Du fantastique adulte et ambitieux
L’incroyable performance de Jenn Murray
On n'aime pas
Un twist final en demi-teinte
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L'édition vidéo
DOROTHY MILLS DVD Zone 2 (France)
Editeur
Wild Side
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h38
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
Francais DTS 5.1
Francais Dolby Digital Stéréo Surround
Sous-titrage
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