Dans son appartement situé dans un immeuble de standing, une jeune femme regarde un film d'horreur à la télévision. Un film qui raconte l'histoire d'un groupe d'explorateurs partant à la recherche de «démons». Une fois qu'ils auront trouvé un specimen, ce dernier va les occire avant de passer au travers de l'écran pour se matérialiser dans la «réalité». C'est le début d'une implacable contagion qui menacera tous les habitants du building.
Produit par Dario Argento et réalisé par Lamberto Bava en 1985, DEMONS est un solide succès international. Une opération financière extrêmement juteuse pour ses auteurs qui se dépêchent de battre le fer tant qu'il est chaud. Une séquelle est immédiatement mise en chantier pour une sortie prévue un an plus tard. Il faut faire vite pour satisfaire le marché et peu importe que le temps manque. Le temps de rédiger un scénario convenable. Le temps de laisser le maquilleur Sergio Stivaletti peaufiner de nouvelles créations. Le temps de concevoir un spectacle rythmé et divertissant. Car si le premier DEMONS était un spectacle idiot mais irrésistible grâce à son caractère généreux et décontracté, DEMONS 2, quant à lui, ne sera qu'un spectacle idiot.
Cette séquelle ne prend même pas la peine de poursuivre l'histoire où elle s'était arrêtée. Pas d'aventures post-apocalyptiques au programme, mais une remise à zéro des compteurs narratifs. C'est plus rapide à écrire et plus économique à mettre en scène. DEMONS 2 est une sorte de remake de son aîné et déplace juste l'action dans un building résidentiel. Tout le concept de cinéma projetant un film dans le film tombe à l'eau, ou presque. Les démons de cette suite sortiront de la télévision, lucarne imposée dans tous les appartements de la résidence. Le début d'une réflexion sur la «contamination» des foyers par le médium ? Que nenni. Il s'agit d'une excuse comme une autre pour débuter notre jeu de massacre. Le monstre s'extirpe d'un «faux» film faisant vaguement le lien avec les événements du premier DEMONS, via un effet spécial qui n'est pas sans rappeler la main sortant du téléviseur du VIDEODROME de David Cronenberg.
De ce postulat peu ambitieux, DEMONS 2 essaie de combler ses 90 minutes dans l'urgence de sa production. Le temps est long entre les nombreux dialogues de couloir servant de remplissage – pardon - de contexte à notre invasion maléfique : une fête d'anniversaire ratée, une jeune femme enceinte faisant du yoga sur son canapé, des bodybuilders soulevant de la fonte, ou encore une toute jeune Asia Argento s'ennuyant dans un coin de table du repas familial. L'arrivée des démons nous réveillera, mais à coup de scènes bien nanardes. Les délais trop courts n'auront pas permis à Stivaletti et son équipe de préparer des effets spéciaux convenables, ce qui est particulièrement embarrassant pour un film de ce tonneau. La première solution est donc d'ellipser la plupart des scènes gores pour économiser le latex. La deuxième solution est de se satisfaire d'effets incroyablement cheap et risible, comme une fausse tête censé nous montrer la première transformation en démon. Un plan d'autant plus pathétique que les effets de transformation étaient très réussis dans le premier film. La régression de la qualité des effets est donc plutôt dure à avaler, même si le design des démons a été légèrement amélioré pour une meilleure efficacité. Encore faut-il que le chef opérateur évite de les filmer de trop près au grand angle, l'anamorphose de la lentille leur conférant un aspect très cartoon sur certains plans.
Trop opportuniste, peu rigoureux, DEMONS 2 ne parvient pas à générer la sympathie que l'on éprouvait à la vision du premier opus. Mais pourvu que l'on cède au second degré, le film nous offre une bonne dose de décalé (et de stupidité) finalement pas si désagréable. L'attaque des culturistes par les démons est un franc moment de délire involontaire, attisé par des dialogues consternants et une direction artistique 80s au sommet du kitsch «permanente et mulet». Voir le héros du film bloqué dans un ascenseur pendant les deux tiers du film peut faire valeur de gag plus ou moins volontaire (David Knight, le comédien, changera d'ailleurs de métier après un second essai au cinéma). Quant aux créatures «spéciales» du métrage, on se vautre dans le ridicule avec un «chien démon» aux airs de sous Alien poilu, et surtout avec ce clone de Gremlins à cul rouge qui s'extirpera des entrailles d'un «infecté» pour nous offrir une bonne tranche de rigolade. Côté musique, l'ex Goblin Claudio Simonetti laisse sa place au compositeur Simon Boswell, qui deviendra par la suite un collaborateur régulier de Lamberto Bava avant de faire la rencontre de Richard Stanley (les partitions de HARDWARE et LE SOUFFLE DU DEMON) ou encore Alejandro Jodorowsky (SANTA SANGRE).
Cette séquelle pataude marquera la fin «officielle» d'une franchise qui n'en finira pourtant pas de se faire usurper grâce aux lois italiennes laxistes en termes de copyright des titres. Un troisième DEMONS fut pourtant planifié par Dario Argento et confié à Michele Soavi, déjà premier assistant et réalisateur de deuxième équipe sur le DEMONS original. Mais Soavi décide de réécrire le scénario en l'expurgeant des éléments des précédents opus. Ce qui devait être DEMONS 3 devient alors SANCTUAIRE, un film totalement autonome. Les choses se compliquent car, en parallèle, des malins de la distribution italienne font passer des films n'ayant rien à voir avec la saga pour des séquelles. Il y a ainsi deux autres «faux» DEMONS 3 : le premier est un téléfilm de Lamberto Bava appelé initialement LA CASA DELL'ORCO, et le deuxième est une contrefaçon de Umberto Lenzi aussi connue sous les titres BLACK DEMONS ou BLACK ZOMBIE. Le film suivant de Soavi, THE SECT, usurpe quant à lui le titre de DEMONS 4. DEMONS 5 cache parfois le remake du MASQUE DU DEMON de Bava senior par Bava Junior. Enfin, DEMONS 6 dissimule LE CHAT NOIR, une très vague adaptation de Poe par Luigi Cozzi en 1989.
DEMONS 2 est édité en France avec les mêmes caractéristiques minimalistes que son aîné. L'image, au format, n'est pas anamorphosée pour le 16/9. Elle s'avère en revanche relativement honnête même si le master sent parfois un peu la poussière. La piste sonore, en français uniquement, est quant à elle franchement médiocre. Elle bénéficie d'un souffle permanent et de crépitements qui raviront les nostalgiques du vinyle. Rayon bonus, toujours rien à signaler, pas même une petite bande-annonce.