Après d'étranges incidents dans parc new-yorkais, il faut bien vite se rendre à l'évidence. Une épidémie de suicides collectifs est en train de se répandre dans le Nord-Est des Etats-Unis. Deux professeurs tentent de s'échapper de la zone touchée, l'un en compagnie de sa femme et l'autre avec sa fille…
Quelques mois après la naissance de M. Night Shyamalan, ses parents quittent l'Inde pour aller s'installer aux Etats-Unis dans la banlieue de Philadelphie. Bien qu'au sein d'une famille de médecins, il s'intéresse au cinéma et commence à tourner des courts-métrages en Super 8. S'il n'a pas été élevé en Inde, le cinéaste n'oublie pas pour autant ses origines et traitera ce sujet dans son premier long métrage intitulé PRAYING WITH ANGER. Pour se faire, il partira à Madras pour les besoins d'un tournage où il se mettra lui-même en scène dans le rôle principal. Fort de cette expérience, il financera son film suivant non plus avec ses propres moyens et l'aide de sa famille mais en partenariat avec le studio Miramax, maison de production appartenant à Disney. WIDE AWAKE prendra un peu de distance avec l'aspect vaguement autobiographique de son auteur même si le sujet fait directement écho à son enfance. L'histoire narre les interrogations existentielles et religieuses d'un jeune garçon face aux injustices de notre monde. Le héros, à l'instar du jeune M. Night Shyamalan, fait ses études au sein d'une école privée catholique. La religion et le mysticisme ne manqueront pas de marquer plus ou moins fortement la plupart des films suivants du cinéaste américano-indien. Mais PRAYING WITH ANGER et WIDE AWAKE, s'ils sont reçus plutôt bien par la critique et dans les festivals, vont surtout être des fours financiers. Fait peu connu, M. Night Shyamalan va participer à l'adaptation d'un livre pour enfant puisqu'il co-écrira une version modernisée d'un ouvrage de E.B. White, STUART LITTLE. Cette première incursion dans le cinéma Fantastique par la porte du divertissement très familial ainsi que ses deux premiers films ne laissent pas vraiment entrevoir ce qui va donner une très grande popularité au cinéaste. SIXIEME SENS et son histoire sérieuse de fantômes va en effet faire le tour du monde. Le métrage sera encensé particulièrement pour son rebondissement final qui, pourtant, avait déjà été vu au cinéma auparavant. L'amnésie cinéphile et le succès public participeront dès lors à surestimation du cinéaste. Néanmoins, INCASSABLE, son film suivant et le plus abouti, s'avère une intéressante réflexion sur les super héros. A partir de là, M. Night Shyamalan va accumuler les déceptions auprès de ceux qui avaient placé beaucoup trop d'espoirs en lui. Le public commence à se raréfier en même temps qu'il se lasse des grosses ficelles énigmatiques à coup de rebondissements inattendus lors de la dernière bobine. Après LE VILLAGE et LA JEUNE FILLE DE L'EAU, le cinéaste n'est plus en odeur de sainteté. Au point que son projet suivant est rejeté par quasiment tous les studios…
Désespérant de trouver un acquéreur, M. Night Shyamalan trouve un terrain d'entente avec la Fox, rejoint par une maison de production indienne qui amènera la moitié du financement. Le studio américain est intéressé par le sujet mais fait une curieuse demande au cinéaste. En effet, il est demandé de durcir le ton, de ne pas mettre en image un truc gentillet et mettre le paquet sur la violence. Toutes proportions gardées, évidemment ! On demande donc à M. Night Shyamalan d'épicer son plat qui paraît de prime abord un peu fade. Aux vues du métrage final, cela paraît plus que judicieux de placer des pics de tension au sein d'un récit très linéaire. Beaucoup plus gênant, l'enjeu principal et pourtant énorme, la survie de l'humanité, donne l'impression d'être traité par-dessus la jambe. Au point que l'on serait tenté de voir PHENOMENES comme une sorte de slasher écologique. A cet effet, il est d'ailleurs amusant que la Fox ait décidé de sortir le films aux Etats-Unis un vendredi 13. En tout cas, nos héros essaient d'échapper à une menace invisible qui ménage son lot de morts atroces et inattendues venant ponctuer un récit très minimaliste comparé aux événements qui s'y déroulent. Plusieurs séquences prennent d'ailleurs tellement de distances que leur impact théorique en est amoindri. Ce n'est donc pas au sein de l'intrigue ni même de la réalisation qu'il faudra chercher un quelconque attrait. Si PHENOMENES réussit tout de même à fonctionner, c'est plutôt grâce aux idées visuelles et surréalistes des suicides en masse de la population. L'un de ses passages les plus réussi est assurément celles des ouvriers d'un chantier qui se jettent dans le vide. Des corps qui tombent du haut d'un immeuble, cela fait penser aux images de ceux qui se sont jetés des tours jumelles du World Trade Center lors de l'attentat du 11 septembre. Cette date fatidique plane d'ailleurs au-dessus du film pendant un bon moment en envisageant une attaque terroriste comme cause du phénomène. Mais, par la suite, l'intrigue va développer un thème très différent qui l'inscrit dans le même registre que LONG WEEK-END ou DAY OF THE ANIMALS. La place de l'homme sur notre planète est remise en cause tout en fustigeant la supériorité toute relative de l'être humain au sein de l'univers. Le personnage principal, interprété par Mark Wahlberg, est un professeur de science naturelle qui évoquera très nettement la rationalisation des scientifiques face aux mystères de l'univers. L'idée est intrigante et le cinéaste va la pousser jusqu'au bout de son épilogue. Le souci, c'est qu'à l'arrivé, l'issue de PHENOMENES a surtout tendance à nous laisser sur notre faim. Contrairement à l'habitude prise dans ses films fantastiques précédents, M. Night Shyamalan ne dévoile pas un «énorme» rebondissement final et laisse le spectateur face à ses interrogations. Cela aurait pu déboucher sur des ambiguïtés ou bien sur l'ouverture d'un débat mais la fin du film donne surtout une impression d'inachevé surtout en regard du développement de l'histoire. Sans vouloir déflorer totalement le film, on peut difficilement ne pas mentionner que PHENOMENES donne l'impression de raconter un événement qui passe et puis s'en va sans avoir réellement causer de gigantesques bouleversements dans notre société. Pour le cinéaste, c'est certainement une façon de faire passer le message que l'homme bouleverse l'équilibre écologique de notre planète, la population s'offusque régulièrement des problèmes pour finalement les oublier et continuer jusqu'au prochain incident. Pour résumer, l'être humain se suicide à petit feu en sombrant dans l'apathie et en pensant être le maître de l'univers. Le discours est pertinent mais s'avère à l'arrivée très maladroit dans son traitement. Pour aggraver le tout, les dernières images, tournées à Paris, nous abandonnent avec une fin ouverte qui ressemble à un cliché du cinéma d'horreur des années 80.
En soit, PHENOMENES n'a rien d'un film parfait mais il ne se suit pas pour autant sans déplaisir. Evidemment, les suicides, certains saisissants et d'autres largement moins réussis, assurent son lot d'images spectaculaires. Le cinéaste ne manque pas non plus de réussir quelques séquences avec ses protagonistes. Une séparation avec le personnage interprété par John Leguizamo est, dans ce registre, véritablement bien mise en images. Sans être forcément très attachant, le couple vedette, Mark Wahlberg et Zooey Deschanel, s'avère plutôt sympathique. De quoi suivre le récit intrigant de ces vagues de suicides sans ennui mais aussi, au final, sans véritable passion. Le cinéaste ayant peut être perdu inconsciemment ses illusions artistiques ce qui se vérifie avec son actuel engagement très bizarre dans l'adaptation d'un dessin animée pour les enfants, AVATAR : THE LAST AIRBENDER, sous la forme d'une trilogie cinématographique.
Le format cinéma 1.85 est respecté sur l'édition DVD. Le transfert 16/9 est d'excellente facture avec une image détaillée où la compression numérique se fait un peu oublier. Le contraste paraîtra un peu doux mais c'est en adéquation avec la photo du film. La partie audio propose seulement deux choix avec la version anglaise et le double français, les deux en Dolby Digital 5.1. Comme l'image, le spectacle est assuré et la belle partition de James Newton Howard en sort bien évidemment grandie. Plusieurs sous-titrages, dont le français, viendront épauler ceux qui voudront découvrir le film en version originale. Jusqu'ici, cette édition DVD permet de découvrir le film dans d'excellentes conditions. Par contre, du côté des suppléments, ça se gâte un peu en grande partie à cause de la personnalité même du cinéaste. En effet, M. Night Shyamalan donne, en quelque sorte, des leçons de modestie à la race humaine au travers de son film pour finalement s'exposer en personnage égocentrique dans les images proposées dans les bonus. Ces derniers sont d'ailleurs présentés de manière étrange puisqu'ils ne suivent pas un cheminement logique.
Sur le menu, la première option nous lance dans les scènes coupées. Il aurait été pourtant plus pertinent de les placer après le segment vidéo intitulé «Le premier montage». Durant ses quelques minutes, le cinéaste apparaît à plusieurs reprises en noir et blanc et de dos à la manière d'un témoignage honteux d'alcoolique anonyme. Il y évoque la violence du film et estime avoir été trop loin. Quelques interventions de l'équipe du film et d'images de tournage plus loin, on nous donne l'impression que le premier montage du film était une boucherie voyeuriste à laquelle le cinéaste a préféré mettre le holà. Evidemment, cela piquerait notre curiosité si nous n'étions pas passé juste avant par les scènes coupées. Elles sont d'ailleurs présentées indépendamment ou bien à la suite les unes des autres avec, à chaque fois, une présentation du réalisateur. Deux scènes sont véritablement entièrement inédites. La première très redondante avec les informations distillées dans le film a été naturellement coupée. Elle permet tout de même de voir les deux personnages principaux face à leurs problèmes de couple. La deuxième scène réellement inédite nous permet d'assister à un carnage chopé au travers d'un téléphone portable. Le cinéaste nous assure que cela va être terrifiant. Résultat, on voit surtout un type qui joue du violon et trois personnes qui tombent de leurs chaises. Pas de quoi fouetter un chat et sa suppression tient plus certainement à sa fadeur et à sa redondance avec une autre séquence, placée juste avant et captée de manière similaire. Les deux autres passages inédits ajoutent une poignée de plans si furtifs à deux scènes du film que l'on ne voit pas trop où le souci de la violence extrême intervient, surtout de la part de la Fox qui a produit LA COLLINE A DES YEUX 2. Mais soyons respectueux du travail de M. Night Shyamalan qui nous explique que tout cela allait trop loin ! Au passage, il évoque le fait qu'il nous présente ici quelques-unes des scènes coupées. Cela sous-entend qu'il en existait d'autres. Nous ne les verrons pas et on se posera légitimement la question de savoir pourquoi elles ne sont pas sur le DVD. Certainement pas en raison de la place, il aurait suffit d'éviter de nous montrer l'intégralité d'une scène pour nous dévoiler un plan d'une demi seconde pour en trouver. Restons donc dans le doute !
Une fois le sujet de la violence derrière nous, il est temps de s'intéresser plus en "profondeur" à PHENOMENES au travers de quatre Featurettes. «Une journée avec Night Shyamalan» finit de donner une image peu sympathique d'un cinéaste qui semble planer au-dessus de la plèbe. Le segment plus pertinent est certainement «Ingrédients d'une scène» qui décortique la mise en boîte d'une séquence mêlant différentes techniques pour aboutir à un plan séquence. Les deux autres Featurettes sont moins enthousiasmantes et survolent pas mal leur sujet. Par exemple «Forces invisibles» laissent entrevoir des révélations sur le film pour se retrouver au bout de quelques minutes sur un sujet vidéo à la gloire de gros ventilateurs qui reproduisent le vent à l'écran. Pour terminer les suppléments de PHENOMENES, on trouve un bêtisier. Il ne provoquera pas l'hilarité et les quelques minutes d'images assez moroses laisseront même à penser qu'on ne devait pas tellement rigoler en fin de compte. Tant pis pour les suppléments, au moins le film est présenté de belle manière !