Nous aurions tendance à prendre le bowling à la légère et nous aurions bien tort. Car derrière cette activité a priori anodine et ludique se cache en réalité un véritable esprit de compétition qui peut aller jusqu'à une violence verbale des plus crues. Bien évidemment, lorsqu'on en arrive à de telles extrémités, les altercations physiques ne sont plus qu'une conséquence tristement logique et, de fil en aiguille, on a tôt fait de s'adonner au viol collectif avec option quille. C'est aussi ça le sport. Reste que ce n'est pas du goût de tous et qu'un individu va donc tenter d'injecter un peu de bon sens au sein de cet univers de sauvages. Pour cela, il se colle un sac de bowling sur la tête, s'arme de quilles bidouillées à l'extrême et entreprend d'éliminer les horribles violeurs mais aussi leurs ami(e)s et même les camarades de la victime ! Ouf, enfin un peu de moralité dans ce marasme…
Véritable artiste dans le domaine du maquillage et de la conception de prothèses, Ryan Nicholson décide après plus de dix ans d'un dur labeur qu'il est temps pour lui de passer à la réalisation. En 2004, il met ainsi en boite un moyen métrage et, deux ans plus tard, un premier long nommé LIVE FEED. Tout en poursuivant son travail dans le domaine des effets spéciaux, Ryan Nicholson met alors en chantier un second film qui aboutira en 2008 sous le titre GUTTERBALLS. Un «Gutterball», c'est ce qu'un joueur de bowling réalise lorsqu'il envoie directement sa boule dans la gouttière et ne fait donc tomber aucune quille. En ajoutant un «S» à ce mot, Ryan Nicholson lui fait prendre un double sens à connotation sexuelle et puérile qui colle en réalité parfaitement à son œuvre…
En effet, GUTTERBALLS n'a rien du métrage horrifique sérieux devant lequel le spectateur pourra frissonner ou sursauter. De la volonté même de Ryan Nicholson, le film est avant tout un moment de franche «déconnade» ultra référentielle ciblant essentiellement les amoureux du cinéma des années 80. A la manière d'un Wes Craven pour SCREAM, le cinéaste s'accapare donc les codes du «slasher-movie» en y ajoutant une structure directement héritée du «Rape & Revenge». Tout part donc d'une «tournante» qui, bien que mise en images avec sérieux, n'atteindra jamais le degré d'horreur distillé par des œuvres telles que ŒIL POUR ŒIL ou LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE. Malgré son indiscutable «générosité» et son caractère particulièrement explicite, la séquence sera en effet pénalisée par de très douteuses performances d'acteurs ainsi que quelques détails relevant davantage du rire que des larmes. Le cri de hyène de l'un des protagonistes, l'obstination d'un autre à vouloir montrer ses biceps et les nombreux plans sur la poitrine surgonflée de la victime en disent long sur l'orientation particulièrement «Bis» qu'est celle du métrage.
Nous en aurons bien vite confirmation lorsque vient l'heure de la fameuse vengeance. GUTTERBALLS adopte à cet instant le schéma classique du «slasher» en proposant sa propre alternative à la vision d'un tueur masqué. Particulièrement ridicule, notre homme se pare alors d'un sac de bowling en guise de masque, évoquant ainsi le Jason Voorhees affublé d'un sac en toile de jute dans LE TUEUR DU VENDREDI. Son apparence massive et sa démarche lente sont bien évidemment héritées de tous les Michael Myers du genre et la fabrication de son arsenal, dévoilées lors d'un générique d'anthologie, est un clin d'œil amusant aux GRIFFES DE LA NUIT. Mais GUTTERBALLS ne s'arrête pas là et entend bien apporter sa pierre à l'édifice en faisant mieux et surtout plus que ses prédécesseurs. Dans ce but, il va aligner, une heure durant, d'étonnantes et saignantes mises à mort. Alors qu'il s'était chargé lui-même de la réalisation des effets sur LIVE FEED, Ryan Nicholson passe ici le relais à sa compagne, Michelle Grady, oeuvrant pour le compte de la société «Live and Death FX».
Disons le tout de suite, les effets de GUTTERBALLS n'ont rien des images de synthèses terriblement laides dont on nous abreuve actuellement. Au contraire, ils fleurent bon le latex, la peinture et l'amour du travail bien fait. Malheureusement et malgré l'étonnant labeur accompli, tous ne fonctionnent pas comme ils le devraient. La faute en incombe probablement à un réalisateur qui souhaite à l'évidence en montrer beaucoup, et sans doute même trop. Nombreux sont donc les plans qui abordent l'horreur de manière frontale et dévoilent ainsi la supercherie du trucage… Le constat s'avère d'autant plus regrettable que lorsqu'ils fonctionnent, les effets se montrent particulièrement savoureux et douloureux ! Nous aurons à ce titre une pensée pour un exubérant travesti (là encore très «cliché») dont l'opération post-mortem laisse bouche bée… En plus de ces séquences si généreuses en hémoglobine qu'elles durent être tournées en studio (et non au bowling), GUTTERBALLS nous propose une succession de «plans fesses» dont l'abondance ne saurait être comparée qu'à celle d'un CHEERLEADER MASSACRE. Reste qu'encore une fois, quantité ne rime pas avec qualité et que, contrairement au film de Jim Wynorski, celui de Ryan Nicholson ne propose que de bien laides et peu affriolantes images. Nul doute cependant que les amateurs de minijupes taillées façon ceinture, de vulgarité crasse et de maquillage apposé au pistolet à peinture devraient apprécier l'érotisme très particulier de GUTTERBALLS. Les arrière-trains charnus succèdent ainsi aux poitrines ardemment malaxées pour un résultat dépassant par instants le cadre strict de l'érotisme. Fier de son statut de réalisateur indépendant et extrême, Ryan Nicholson n'hésite en effet pas à aborder la nudité masculine, et ce même lorsque celle-ci s'avère «joviale». Là encore, l'idée nous apparaît comme quelque peu «puérile» et sent la provocation facile. Nicholson ne s'en défend pas, assume et persiste même dans cette voie jusqu'au bout…
En sus des deux piliers que sont le sexe et le gore, GUTTERBALLS repose également sur une ambiance «eighties» particulièrement chère au réalisateur. Tenues vestimentaires, coiffures et mêmes dialogues nous ramèneront donc pour notre plus grand plaisir une bonne vingtaine d'années en arrière. Toujours dans le même ordre d'esprit, Patrick Coble nous propose une bande originale qui, bien qu'elle soit atroce à l'écoute, use de sonorités synthétiques particulièrement datées et adéquates. Mais Ryan Nicholson ne s'arrête pas là et tend de surcroît à reproduire la «mécanique» des films de cette époque ainsi que les nombreux clichés associés au genre horrifique. Force est de reconnaître que l'homme y parvient et que son film pourrait bien être issu de cette sympathique décennie s'il n'abordait pas le sexe de manière aussi crue.
S'il ne fait aucun doute que GUTTERBALLS est donc l'œuvre d'un passionné éclairé, il semble aussi très évident que Ryan Nicholson n'a malheureusement pas les moyens de ses ambitions. L'homme cumule ainsi les maladresses et s'avère finalement être un bien piètre metteur en scène. La photographie de son film est laide, le positionnement de sa caméra souvent douteux et la direction des acteurs clairement inexistante. Un tel sentiment de «roue libre» confère indiscutablement une aura «d'amateurisme» à l'œuvre. Cette sensation sera du reste confortée à l'écoute des dialogues qui s'amusent à décliner à l'extrême l'usage du mot «Fuck» ainsi que les jeux de mots faciles autour du mot «Balls». Ce qui semble être une idée originale durant les cinq premières minutes s'avère très vite embarrassant et, pour finir, énervant. Au global, la démarche de Nicholson nous apparaît comme celle d'un gamin fou qui s'amuserait à enfreindre coûte que coûte le code moral de ses parents ! En cela, nous ne sommes malheureusement plus très loin des expérimentations trash d'Andreas Bethmann…
Nourri d'idées intéressantes, généreux en érotisme et en effets gores, GUTTERBALLS n'en est pas moins un film très imparfait et mal mis en boite. Nul doute que des acteurs plus «performants» et moins irritants auraient permis à l'œuvre d'être plus recommandable qu'elle ne l'est actuellement… Gageons donc que Ryan Nicholson prendra conscience des défauts de son métrage et saura y pallier dans ses prochaines réalisations que sont STAR VEHICULE et HANGER, toutes deux attendues pour 2009.
Déjà disponible aux Etats-Unis dans une édition des plus riches, GUTTERBALLS arrive maintenant en France et ce via Neo Publishing. Avant d'aller plus avant dans la découverte de ce nouveau disque, précisons tout d'abord que Neo compte commercialiser une édition simple et coupée du métrage. Sur simple demande écrite, via un coupon disponible dans le boîtier, l'éditeur procédera gratuitement à un échange et fera parvenir aux acheteurs un disque contenant la version «Uncut» ainsi que les bonus. C'est ce disque que nous avons eu entres les mains et qui se trouve donc chroniqué dans ces lignes… Ajoutons enfin que Neo semble conscient de certains soucis concernant les pistes audio de son DVD. Bien que l'éditeur ait déclaré avoir l'intention de corriger le tir pour la sortie commerciale, il nous semble toutefois plus honnête d'évoquer ces nombreux problèmes, tout en espérant bien sûr qu'ils seront effectivement absents des pressages à venir. Reste que ce ne sont malheureusement pas là les seuls soucis du disque… Toutefois, il faut préciser que le disque qui nous a été fourni n'est pas, on l'espère, le reflet de ce qui sera disponible auprès du public. Aujourd'hui, la plupart des éditeurs vidéo nous fournissent ainsi des disques réalisés en amont de la production finale, parfois même signés numériquement pour éviter le piratage. La pratique est compréhensible pour des problèmes de bouclages des magazines mais qui au final rend assez difficile un travail totalement partial.
Bien que l'éditeur nous ait généralement habitué à du travail de qualité, la galette ici chroniquée se révèle donc particulièrement problématique. Commençons tout d'abord par l'image qui nous est proposée dans un ratio 2.07 encodé en 16/9ème. Il semble évident à la vision du métrage que le format d'origine n'est absolument pas respecté. Les protagonistes semblent «écrasés» et pour cause : l'image est aplatie et, bien qu'elle ne soit pas coupée, passe d'un ratio 1.85 d'origine à ce 2.07 plus que douteux… Difficile à justifier, cette «boulette» rend la découverte de GUTTERBALLS d'autant plus désagréable que la copie offerte est très laide. La définition est mauvaise, les couleurs bavent et l'encodage laisse réellement à désirer. Il est probable que certains de ces défauts soient liés à la source d'origine mais au final, le métrage de Ryan Nicholson ne sort pas grandit de cette édition.
Sur le plan sonore, nous avons pu constater de très nombreux défauts qui, comme nous l'avons dit, ne seront peut être plus là lors de la parution commerciale du titre. Reste que sur le disque qui nous a été fourni, la piste française en stéréo fait par instants les frais d'un effet d'«écho» si prononcé que les voix vont jusqu'à se dupliquer avec un déphasage d'une demie seconde ! Ce premier problème se retrouve entres autres aux minutes 78 (1h18mins30secs pour être précis) et 83 (1h23mins10secs et 1h23mins52secs). Nous n'avons pas constaté ce type d'effet sur les autres mixages sonores mais la piste anglaise en Dolby Digital 5.1 offre pour sa part et assez régulièrement un rendu «métallique» des voix. Là encore, l'écoute est assez désagréable et certains dialogues en deviennent même incompréhensibles… Etrangement, l'option sonore anglaise en stéréo est de son côté mixée avec un volume largement supérieure aux autres pistes. Elle est cependant claire et ne souffre d'aucun problème majeur. Il en va de même pour le doublage français en Dolby Digital 5.1 qui cependant, et à l'image des trois autres pistes, délivre un son sans relief et pour tout dire plutôt étouffé. Sur ce dernier point, il est fort probable là encore que la source d'origine soit l'une des causes… Terminons tout de même ce chapitre sonore sur une note plutôt positive. A savoir que le doublage français se montre extrêmement respectueux du travail d'origine. La tonalité des différentes voix est la même qu'en anglais et surtout, les jeux de mots subsistent pour la plupart. La récurrence du mot «Fuck» aurait pu être un souci mais que nenni, les doubleurs s'en sortent merveilleusement bien en délivrant une variante francophone particulièrement fleurie et imagée. Chapeau…
Au chapitre des bonus, nous retrouverons tout d'abord le commentaire audio du réalisateur qui s'est pour l'occasion vu sous-titré en français. L'homme nous apparaît comme réellement passionné mais aussi comme un individu bien peu lucide face à son œuvre. Les nombreux compliments qu'il délivre à l'attention des acteurs pourtant unanimement médiocres en sont la preuve… Qu'importe car Ryan Nicholson est un homme de conviction qui croit en son travail et souhaite à l'évidence faire partager ses passions. L'une d'elle a bien évidemment trait au sexe et le metteur en scène l'évoque via quelques phrases «cultes» telles que «il est étouffé par son cul, c'est la pire manière de mourir» ! Divertissant, bon enfant et entraînant sont les termes qui conviennent le mieux à ce commentaire qui n'ennuie pas, même lorsqu'il se contente de décrire ce qui se passe à l'écran. Reste qu'au final, les informations délivrées ne sont pas nombreuses et s'avèrent surtout très redondantes de ce que l'on pourra découvrir via le making-of de 32 minutes. Celui-ci fait encore une fois intervenir le réalisateur mais aussi les acteurs («J'ai aimé tuer les deux du 69, c'était une approche intéressante») et même un assistant de production à l'évidence défoncé ! Ce making-of aborde rapidement les effets spéciaux et bien évidemment la question du sexe (encore !). On y apprend donc que certaines actrices avaient pour habitude de tourner dans des films bien plus explicites que celui-ci. A cette occasion, Nicholson nous livre encore l'une de ses phrases qui fait mouche («Plus il y a de nudité et de gore, mieux c'est ! Je veux toujours plus de nudité !») et qui se voit secondée par un pot-pourri de toutes les «séquences cul» du film ! Les différents protagonistes nous décrivent une ambiance de tournage dure mais décontractée. On trouve par ailleurs confirmation du caractère improvisé des dialogues via une réplique là encore remarquable : «On a donné une autre dimension au mot «Fuck», on a inventé des phrases»…
A ces documents d'intérêt public s'ajoutent une sympathique galerie comptant quatorze photographies ainsi qu'un «Teaser» d'une durée de 36 secondes. Ce dernier est encodés en 4/3 mais respecte pour sa part le ratio d'origine 1.85 du film. Une bonne occasion pour découvrir le visage et les courbes non déformés des acteurs et actrices. Terminons cette chronique en notant la perte de certains suppléments suite à la traversée de l'atlantique. Nous devrons donc tirer un trait sur un bêtisier et, bien plus grave, les auditions «sexy» des actrices !