Disparue et présumée morte depuis six ans, Jamie Lloyd Carruthers a en réalité été enlevée par l'étrange secte Thorn. Durant sa captivité, la demoiselle donnera naissance à un enfant, ultime descendant de la famille Myers. A peine remise de son accouchement, Jamie parvient à prendre la fuite avec son rejeton. La secte adoratrice de Michael Myers ne compte cependant pas en rester là, c'est pourquoi elle libère à nouveau le célèbre tueur d'Halloween, lui aussi retenu depuis plusieurs années. Une nouvelle tuerie peut dès lors commencer…
Au début des années 90, la société de production Miramax Films acquiert les droits de deux sagas horrifiques à succès : HALLOWEEN et HELLRAISER. Si ces deux franchises ont bien évidemment connu leur heure de gloire, il est indiscutable que leur dernière séquelle respective a salement terni leur aura, du moins sur le plan artistique. Miramax souhaite cependant reprendre les choses en main et injecter du sang neuf dans ce qui furent par le passé de juteux filons. L'objectif est donc, pour HALLOWEEN 6 comme pour HELLRAISER : BLOODLINE, d'offrir aux spectateurs des films qui ne se contentent pas de n'être que de simples séquelles mais aussi de véritables développements de chacun des «mythes» respectifs. Bien que parfaitement louable, cette idée va pourtant, à l'issue de deux productions particulièrement chaotiques, aboutir sur deux films bâtards à l'amer parfum de promesses non tenues…
HALLOWEEN 6 est envisagé très rapidement après la sortie de HALLOWEEN 5. Moustapha Akkad, producteur exécutif sur l'intégralité de la saga (jusqu'à sa mort tragique en 2005), se met ainsi en quête d'un scénario valable, et ce dès 1990. Aucun traitement n'apporte cependant satisfaction et de nombreux soucis juridiques viennent de surcroît ralentir le processus créatif. Une fois ceux-ci réglés, Akkad ressort en 1994 un ancien script intitulé «Halloween 666» que lui avait fait parvenir quatre ans plus tôt un certain Daniel Farrands. Passionné par la saga HALLOWEEN, Farrands avait œuvré en solitaire sur un traitement audacieux et fédérateur à même d'offrir une cohérence véritable à la tortueuse série. En l'absence de validation, le jeune scénariste était fort logiquement passé à l'écriture d'autres scripts avec notamment celui de RAVE, DANCING TO A DIFFERENT BEAT, porté à l'écran par le réalisateur Adolfo Quinones.
Particulièrement motivé à l'idée de travailler sur HALLOWEEN 6, Daniel Farrands reprend donc son travail et livre une bonne dizaine de traitements successifs. Chacune de ces variantes tient en réalité compte des contraintes budgétaires étriquées de la production (cinq millions de dollars qui finalement s'abaisseront à quatre). Peu à peu, le nombre de séquences «d'action» est revu à la baisse et le projet perd de son ampleur. Qu'importe cependant car Farrands parvient malgré tout à conserver intacte l'essence de son script et d'une intrigue permettant de relier les différents films entre eux. Pour cela, le bonhomme fait ressurgir du passé bon nombre de personnages aperçus au fil des différents épisodes et leur octroie des rôles d'envergure. Ce sera par exemple le cas du Docteur Wynn qui, rencontré rapidement dans le premier volet sous les traits de l'acteur Robert Phalen, s'étoffe ici sous ceux de Mitch Ryan. Dans le même ordre d'idées, nous retrouverons le personnage de Tommy Doyle, jeune garçon que gardait Laurie Strode dans le film d'origine. Tommy sera ici interprété par l'acteur Paul Rudd et aura pour mission de protéger la fraîche descendance de Jamie.
Car, fort logiquement, Jamie Lloyd Carruthers, fille de Laurie Strode apparue dès le quatrième opus, est, elle aussi, de retour. Bien que l'actrice Danielle Harris semble s'imposer naturellement (elle incarne Jamie dans les quatrième et cinquième volets), ses exigences salariales la disqualifient bien vite aux yeux des producteurs. Nullement frustrée, elle prendra sa revanche en 2007, en apparaissant dans le remake de HALLOWEEN orchestré par Rob Zombie… Reste qu'une place est donc libre pour un personnage attendu par les fans. Malgré le peu d'importance accordé à Jamie dans ce sixième opus, plusieurs actrices postulent pour le rôle. Parmi celles-ci, nous noterons que Denise Richards, révélée par le STARSHIP TROOPERS de Paul Verhoeven en 1997, tentera sa chance sans succès. Ce sera finalement la peu connue J.C. Brandy qui aura l'honneur d'incarner pour la dernière fois la malheureuse Jamie...
Difficile de faire le tour des personnages mis en scène dans ce HALLOWEEN 6 sans évoquer l'invincible Docteur Loomis incarné encore une fois par le vieillissant Donald Pleasance. L'acteur nous apparaîtra malheureusement à l'écran très amaigri et particulièrement fatigué. Sa première réplique («Moi ? Mort ? Seulement vieux retraité, tiens !») sonne par ailleurs bien tristement lorsqu'on sait qu'il décédera quelques semaines plus tard, en France, lors d'une opération du cœur… En plus de ces personnages d'importance, le script de Daniel Farrands ramène également la famille Strode sur le devant de la scène. L'homme en noir, élément mystérieux apparu dans le volet précédent, reprend lui aussi du service et, à ses côtés, c'est toute la secte Thorn qui sera au cœur de l'intrigue. Les plus attentifs se souviendront que la notion de secte était déjà évoquée lors d'une courte séquence de HALLOWEEN II, laissée jusqu'alors dans le flou. Le signe de la secte Thorn apparaissait enfin sous forme de stigmates sur le poignet de Michael Myers au début du cinquième opus… Tout semble donc s'imbriquer au mieux, et ce sixième opus s'annonce comme celui qui devrait enfin apporter toutes les réponses aux amoureux de la saga. Forte d'un script solide, la production part donc en quête d'un réalisateur qui, à l'image du scénariste, ne demande qu'à faire ses preuves. Après avoir un temps envisagé Scott Spiegel, le choix se portera finalement sur un dénommé Joe Chappelle, lequel vient tout juste de boucler son premier métrage, le thriller THIEVES QUARTET. L'homme accepte bien évidemment le projet et signe avec Miramax un contrat pour trois films (les suivants seront PHANTOMS et TAKEDOWN). Fort de cet accord, Chappelle laisse de côté les quelques réserves qu'il a quant au scénario et met en boîte l'œuvre qui lui est commandée…
Après un tournage sans encombre à Salt Lake City durant les mois de novembre et décembre 1994, la phase de post-production sera rendue délicate par l'omniprésence du producteur Paul Freeman. L'homme n'ayant pu imposer ses idées lors de l'écriture du scénario, il tente alors de le faire au montage. Certaines interventions lui seront finalement accordées mais c'est surtout le décès de Donald Pleasance, en février 1995, qui viendra tristement perturber le travail de post-production. En effet, le scénario d'origine faisait (comme toujours) la part belle à l'acteur et le dénouement du métrage, via un élan de mysticisme inédit au sein de la saga, octroyait un rôle charnière au bon Docteur Loomis. Dès lors, Joe Chappelle n'hésite plus à afficher ses doutes relatifs au script et déclare même que les nombreux dialogues entre le Docteur Loomis et son ami le Docteur Wynn «plombent» le métrage. Les projections-tests lui donneront raison et le public (constitué exclusivement de jeunes adolescents) semble réclamer davantage de gore. Ainsi soit-il. Cette première version du métrage tombera dans l'oubli et se verra, au fil des années, baptisée «Producer's cut» ou «Halloween 666 : The Origin of Michael Myers» par les fans. De ces deux titres alternatifs particulièrement évocateurs, le second est sans aucun doute celui qui explique le mieux ce que nous avons perdu en même temps que ce premier montage…
Durant les mois d'avril et mai 1995, Joe Chappelle est alors réquisitionné par Miramax pour retourner de nombreuses séquences de HELLRAISER : BLOODLINE et remonter complètement ce métrage-catastrophe abandonné par son réalisateur, Kevin Yagher. Suite à cette boucherie, Chappelle revient sur HALLOWEEN 6 de juillet à août 1995. Soutenu et même poussé par la production, le réalisateur élague donc son film avec entrain. Les séquences à suspense sont coupées et remontées pour devenir plus incisives et plus nerveuses. Une grande partie des plans mettant en scène Donald Pleasance sont supprimés et le Docteur Wynn disparaît pratiquement du métrage. Avec lui, c'est tout un pan de l'histoire qui s'effondre et sombre dans l'incohérence la plus regrettable. Mais Joe Chappelle ne s'arrête pas là et supprime bon nombre de séquences explicatives ou de flashs-back destinés à faire le lien avec les opus précédents. Il limite par ailleurs l'intervention de la secte et supprime la quasi-totalité des allusions au sigle runique «Thorn», pilier du scénario. Le lien «parapsychologique» qui unit le jeune Danny au célèbre serial killer fera lui aussi les frais d'une table de (dé)montage sérieusement mise à contribution. Au total, Chappelle ampute son métrage de plus de quarante minutes et doit donc retourner de nouvelles séquences. La plupart des meurtres commis par Michael Myers sont alors retravaillés pour contenter un public avide d'hémoglobine. Monsieur Strode explosera dorénavant au lieu d'être simplement électrocuté et le final verra un docteur écrasé contre une grille métallique. De même, le personnage de Jamie ne sera plus assassiné à l'hôpital par l'homme en noir mais éliminé sauvagement par le tueur au masque en tout début de métrage ! L'épilogue, se déroulant initialement dans l'antre de la secte Thorn, sera pour sa part entièrement retourné. Ceci explique bien évidemment l'absence presque totale et surprenante du Docteur Loomis à l'écran durant le dernier quart d'heure.
Après plusieurs semaines d'un travail acharné et sans aucun doute éprouvant, Joe Chappelle livre enfin sa copie connue sous le nom de «Director's cut». Pour des raisons de classification, cette version sera encore allégée de quelques secondes avant sa sortie en salle dans un montage dit «Theatrical cut». L'accueil critique est mitigé mais le film parvient à surclasser assez largement l'opus précédent en terme d'entrées. La saga HALLOWEEN renoue donc avec des chiffres proches de ceux des troisième et quatrième volets (aux alentours de quinze millions de dollars sur le sol américain). Outre les trois montages précédemment cités, nous noterons qu'à l'instar du premier HALLOWEEN, ce sixième opus connaîtra lui aussi un montage alternatif réalisé pour la télévision. Cette version se contentera en réalité de réintégrer une séquence de flash-back créant un bien maigre lien avec les métrages précédents.
Aujourd'hui, ce HALLOWEEN 6 (très justement sous-titré «La malédiction») nous apparaît donc comme un terrifiant patchwork au scénario nourri d'incohérences en tous genres. Si elle n'excuse rien, la genèse pour le moins tourmentée du métrage explique en revanche bien des choses. La disparition des Docteurs Loomis et Wynn, les propos farfelus que tient Tommy au sujet des runes, le final incompréhensible et la traque inexpliquée de Danny par Michael Myers sont autant d'étrangetés qui trouvent leur source dans le chaos de cette douloureuse production. Reste que cela ne justifie bien évidemment pas tout. La gratuité de certaines séquences (le meurtre du journaliste) et l'imbécillité des Strode (qui décident d'habiter chez les Myers) demeurent par exemple d'inexcusables défauts d'origine. De même, la laideur générale du métrage et la pauvreté des cadrages ne peuvent être imputées qu'à un Joe Chappelle balbutiant et, sur ce métrage du moins, particulièrement incompétent. La bande originale, elle aussi, se montre des plus paresseuses, recyclant et remixant mollement le fameux thème de Carpenter jusqu'à l'asphyxie. Là encore, le remontage du film n'aura pas été sans impact et certaines réorchestrations douteuses se feront sans l'accord de Alan Howarth, pourtant compositeur attitré de la saga depuis HALLOWEEN II. Au cœur de cette décevante bouillie sonore, nous noterons toutefois le retour partiel du thème de Laurie Strode («Laurie's Theme»), thème qui n'avait plus fait surface depuis sa création pour le film originel.
Sauvons tout de même de ce massacre des acteurs globalement convaincants, le personnage de Tommy idéal en tant que jeune alter ego du Docteur Loomis ainsi que certains partis pris pour le moins audacieux comme la mort de Jamie. Malgré donc de bonnes intentions d'origine et quelques idées intéressantes, HALLOWEEN 6 reste encore aujourd'hui (et dans sa forme actuelle) l'opus le plus faible de la saga. Parfaitement conscients de cet état de fait et de la complexité scénaristique induite par le personnage de Jamie, les producteurs décideront par la suite d'oublier les quatrième et sixième opus ainsi que la proposition faite par Daniel Farrands d'un HALLOWEEN 7 : SON OF MICHAEL MYERS. Dès 1998, ils préféreront donc faire table rase et offrir une suite directe à HALLOWEEN II (le troisième volet étant un chapitre «à part») avec un HALLOWEEN 20 ANS APRES à nouveau axé sur le personnage central de Laurie Strode. La décision semblait logique mais à bien y regarder, l'imparfaite trilogie formée par les quatrième, cinquième et sixième volets ne valait-elle pas mieux que l'insipide dyptique post-SCREAM constitué de HALLOWEEN 20 ANS APRES et HALLOWEEN RESURRECTION ? Sans aucun doute !
Aujourd'hui encore, la malédiction de HALLOWEEN 6 semble se poursuivre avec un manque manifeste de considération de la part des éditeurs vidéo. Cet opus est ainsi le seul de la saga qui ne possède pas d'édition DVD en France ! Pour obtenir une galette accessible aux francophones, nous n'aurons dès lors que deux solutions : la première étant de se tourner vers la Belgique (dont les disque sont parfois trouvables dans les bacs français) tandis que la seconde nous obligera à importer le disque canadien chroniqué ici même…
Bien que décevante, l'édition de nos amis d'outre-Atlantique dispose tout de même de quelques atouts. Le premier, mineur, est d'être doté d'une jaquette réversible à la fois francophone et anglophone. Passé ce maigre détail, l'insertion du disque dans le lecteur déclenchera l'apparition successive des bandes annonces de HALLOWEEN 20 ANS APRES et du coffret canadien dédié à la trilogie SCREAM. Ces trailers peuvent être zappé grâce à la touche «chapitre suivant» de votre télécommande et pourront être relancé à loisir via l'option «Sneak Peeks» du menu principal. Savourez-les bien car ce sont là les uniques bonus de ce disque Zone 1. L'édition belge sera pour sa part encore plus avare en n'offrant que le seul choix du lancement du film…
Attaquons-nous donc au film qui se voit malheureusement encodé en 4/3 et, ce, quel que soit le disque choisi. Sur le disque canadien, le ratio de l'image s'avère respectueux du format cinéma avec un 1.85 de circonstance. Les couleurs sont vives mais l'ensemble nous apparaît comme beaucoup trop sombre. Malgré ça, et l'omniprésence de la couleur noire à l'écran, l'encodage numérique sait se faire des plus discrets. L'image est relativement propre, la définition très correcte et les rares défauts de pellicule ne viendront pas entacher votre visionnage. De son côté, le disque belge offre un cadrage totalement différent et opte pour un ratio 1.33 dévoilant bien plus d'image en haut et en bas. Bien que cela puisse paraître intéressant de prime abord, cela gâche en réalité une bonne partie de l'esthétique du film en lui offrant un cachet «téléfilm» qu'il ne méritait tout de même pas. La définition de la copie belge étant, de surcroît, des plus douteuses, nous ne pouvons que recommander le visionnage du disque Zone 1.
Du côté des pistes sonores, le disque canadien s'avère satisfaisant, puisqu'il propose la version anglaise d'origine mais aussi le doublage québécois d'époque. Dans les deux cas, les pistes sont claires et précises malgré un manque de puissance évident. La bande-son de HALLOWEEN 6 fut à l'époque mixée en Ultra Stéréo (format concurrent du Dolby Stéréo) et c'est aujourd'hui en Dolby Digital 2.0 que nous la retrouvons avec possibilité d'un décodage surround. En plus des deux pistes sonores, le disque Zone 1 propose un sous-titrage anglais pour malentendants ainsi qu'un sous-titrage espagnol. De son côté, le disque belge ne dispose que d'un doublage francophone mixé dans un stéréo des plus plats. Précisons que ce doublage est en réalité le même que celui du disque canadien et qu'il est donc d'origine québécoise. Celui-ci s'avère particulièrement «typé» et tend même à rendre l'écoute désagréable par instants pour des spectateurs non québécois.
Terminons cette chronique en levant le voile sur le montage proposé. Nous fantasmions le «Producer's cut», nous espérions la «Director's cut», nous nous serions même contentés du montage télé mais en réalité, les disques canadien comme belge ne proposent que le montage cinéma, le plus court de tous! La déception est donc de mise. Mais ne soyons pas trop durs car d'autres éditions, l'allemande par exemple, proposent un montage incroyablement amputé et privé de toutes les séquences gore ! Il ne nous reste dès lors qu'à espérer sans trop y croire qu'une édition plus riche arrive un jour dans nos linéaires…