Dans un futur indéterminé, le monde est un gigantesque désert où les êtres humains essaient de survivre comme ils le peuvent. Les équipes d'un sport violent voyagent de village en village pour affronter les athlètes locaux afin de gagner leur pitance et de divertir les foules.
David Webb Peoples n'est pas connu comme réalisateur, et pour cause : il n'a réalisé qu'un seul long métrage pour le cinéma. Le cinéaste bénéficie pourtant d'une petite notoriété en tant que scénariste puisqu'il est à l'origine d'IMPITOYABLE. Un scénario que Clint Eastwood trouvera si bon qu'il le bloquera durant une dizaine d'années le temps de vieillir et de pouvoir interpréter le rôle principal. Monteur à l'origine, David Webb Peoples laissera de côté cette activité pour se lancer dans l'écriture au début des années 80. Ainsi travaillera-t-il avec Tony Scott sur un film finalement inabouti, avant d'être récupéré par le frère, Ridley, qui lui demandera de réécrire le scénario de BLADE RUNNER. Le scénariste va alors être associé à l'écriture ou la réécriture de films, quasiment tous à tendance Fantastique (LADYHAWKE, LEVIATHAN, L'ARMEE DES DOUZE SINGES et SOLDIER).
Prometteur au moment de BLADE RUNNER et LADYHAWKE, l'acteur Rutger Hauer sombre progressivement dans de petites productions sans grande envergure à la fin des années 80. Il s'envole alors pour l'Australie avec David Webb Peoples. Ce dernier s'apprête à réaliser un premier long métrage d'après son propre scénario. Le projet s'avère pourtant quelque peu étrange tant THE BLOOD OF HEROES se nourrit de diverses influences. L'appartenance de cette coproduction australienne au cinéma post-apocalyptique ne fait aucun doute. C'est d'ailleurs justement en Australie qu'une poignée d'années auparavant, George Miller va réinventer le genre avec MAD MAX et surtout MAD MAX 2. Pourtant, lorsque LE SANG DES HEROS, son titre d'exploitation dans les salles françaises, est tourné, la mode semble déjà s'émousser, George Miller ayant quelque peu déçu ses fans avec MAD MAX AU DELA DU DOME DU TONNERRE. Mais, en réalité, David Webb Peoples s'inscrit pas vraiment dans cette optique en exposant un futur, il est vrai, très similaire dans son décor à la trilogie de George Miller mais aussi à d'autres œuvres antérieures dont NEW YORK NE REPOND PLUS ou APOCALYPSE 2024.
LE SANG DES HEROS ne suit pas le scénario classique de l'homme venu de nulle part se battant, de sa propre volonté ou non, contre une injustice. Les héros du futur post-apocalyptique de David Webb Peoples sont des athlètes pratiquant un sport brutal, jeu qui donne l'impression d'être l'un des derniers axes sociaux chargés de maintenir à flot un monde barbare. Chaque petit village attend avec impatience l'arrivée d'une équipe pour assister à un match. Le sport, ou le jeu, comme tissu social n'a rien de spécialement nouveau au cinéma puisque l'on peut ainsi se référer à ROLLERBALL, QUINTET ou même (pourquoi pas ?) LA DIXIEME VICTIME. Mais c'est surtout du film de Norman Jewison, et dans une moindre mesure celui de Robert Altman, que David Webb Peoples puise son inspiration. Les sportifs du SANG DES HEROS ressemblent à des gladiateurs du futur dans un avenir qui semble apparenté à l'antiquité. Pourtant, le cinéaste ne va pas raconter son histoire en lui conférant explicitement un message. Au contraire, LE SANG DES HEROS adopte un récit extrêmement linéaire qui donne l'impression de suivre une histoire à la simplicité confondante. Car à la différence du Jonathan E. de ROLLERBALL, les héros ne remettent pas vraiment en question les règles du jeu, ni même la société dans laquelle ils vivent. Le film prend dès lors un côté métaphorique en nous montrant des êtres qui doivent se battre pour améliorer leurs conditions sociales… tant pis pour les perdants ou ceux qui n'ont pas la force de survivre. Exposée avec une certaine moralité face au système établi, cette loi du plus fort se confronte à une «civilisation» régie par des castes avec d'un côté les riches et de l'autre les pauvres. Ce n'est d'ailleurs pas sans évoquer l'organisation d'un autre monde en perdition : celui de SOLEIL VERT où les nantis vivent dans de spacieux appartements pendant que la plèbe s'entasse dans les rues. A l'évidence, comme dans les films de science-fiction des années 70, David Webb Peoples exploite le thème post-apocalyptique pour dépeindre une société et des concepts dont les rouages se retrouvent autant dans le passé que notre présent.
Pourtant, le réalisateur ne cherche pas à enfoncer son discours à grands coups de marteau sur la tête du spectateur et préfère taper sur le crâne de ses personnages au travers d'affrontements sportifs particulièrement musclés. Les règles du sport resteront souvent nébuleuses pour ne conserver que la violence des matchs improvisés dans la boue ou la poussière. Rien de surprenant puisque ce ne sont pas véritablement les mécanismes de ce sport qui importent mais bel et bien ce qui l'entoure ainsi que sa forme filmée ici avec une grande brutalité. A ce propos, les Allemands se sont inspirés du film pour créer un véritable sport, le Jugger, qui a été structuré à partir de ce que l'on peut voir dans LE SANG DES HEROS. Cela aurait pu rester une anecdotique tentative germanique mais des leagues se sont développées et il existe à présent des équipes dans plusieurs pays du monde (Australie, Danemark…). Le terme «Jugger» est directement repris du film qui sera d'ailleurs distribué aux Etats-Unis sous le titre de SALUTE OF THE JUGGER. Le distributeur américain coupera au passage une dizaine de minutes ramenant la durée du film aux environs des quatre-vingt-dix minutes. La fin originale, en particulier, a été oubliée du montage américain. Se terminant de façon relativement convenue, l'épilogue original présentait une alternative assez différente. On peut ainsi le voir comme une sorte de boucle donnant l'impression que rien n'évolue et tout ne peut que recommencer. Dans la fin originale, un peu plus longue, le cinéaste semble également suggérer que la finalité est bien moins importante que le challenge à relever pour l'atteindre…
L'univers barbare du SANG DES HEROS est retranscrit à l'écran de manière souvent minimaliste, le monde étant devenu un grand désert où subsistent ici ou là quelques petites bourgades alors qu'il ne resterait plus que neuf cités. De grandes cités souterraines qui ressemblent surtout à des grottes où grouillent les êtres humains. Le manque de moyens de la production ne se verra pas vraiment, ou très peu, puisqu'il paraît logique de nous montrer les derniers bastions de l'humanité de manière très dépouillée. Comme dit précédemment, David Webb Peoples filme les différentes rencontres sportives avec une grande brutalité afin d'exposer un contexte social qui n'a rien de douillet. En plus de Rutger Hauer, parfait dans le rôle, LE SANG DES HEROS assemble une équipe en adéquation avec l'acteur. Joan Chen, Vincent D'Onofrio et Delroy Lindo sont tous au diapason de cette production aussi particulière que totalement oubliée de nos jours !
Il est peu évident de choisir une édition DVD pour redécouvrir LE SANG DES HEROS. L'édition DVD américaine fut, pendant un certain temps, le choix le moins pénalisant. Malheureusement, ce DVD propose le montage américain auquel il manque des bouts de métrage. De plus, il est présenté dans une version plein écran ne respectant pas le format cinéma d'origine. Ce qui est d'ailleurs le cas de toutes les éditions DVD du film. Depuis sa sortie en 2003, ce disque américain n'est plus la seule option relativement satisfaisante puisque les Anglais de Optimum ont mis sur le marché le montage intégral. Le souci est que le film reste donc en plein écran et, de surcroît, ne propose aucun sous-titrage, risquant ainsi de s'aliéner ceux qui sont fâchés avec la langue anglaise. Le disque américain, quant à lui, est livré avec un sous-titrage anglais.
L'image en plein cadre ne fait pas honneur au film. Définition approximative et couleurs délavées instables, il n'y a pas de quoi être spécialement enthousiasmé par ce transfert 4/3 qui donne l'impression d'avoir été repêché d'une époque révolue de la vidéo (quelques scories font penser à une vieille bande vidéo). La seule piste sonore propose la version anglaise en stéréo surround. Elle est plutôt limitée et si elle retranscrit bien l'aspect très brut du film, le rendu général n'a rien d'impressionnant. Dans un tel contexte, nous ne serons guère surpris de constater l'absence totale de suppléments montrant, s'il en était besoin, que les éditeurs vidéo ne voient dans ce film rien de plus qu'un disque supplémentaire à ajouter dans leur catalogue.