Uwe Boll... Ce nom fait frissoner le cinéphile le plus abrupt. Déverser des flots de haine ou des déclarations d'amour. Qu'en est-il alors en 2008 ? Uwe revient donc à une nouvelle adaptation de jeu video avec ce FAR CRY, tourné visiblement au Canada, le film étant une co-production germano-canadienne.
Sur une île gardée par des mercenaires, le Dr Krieger (Udo Kier) créé une nouvelle génération de soldats indestructibles et à la force décuplée. Ils sont malheureusement incontrôlables. Une journaliste (Emmanuelle Vaugier) engage en parallèle un ex-soldat (Til Schweiger), afin de l'emmener via son bateau sur cette île. Son oncle mercenaire travaillant sur la même île (Ralph Moeller) et lui ayant donné des informations sur les expériences pratiquées. Se faisant repérer, une course poursuite s'engage.
Malgré la catastrophe qu'est IN THE NAME OF THE KING : A DUNGEON SIEGE TALE ou ses productions récentes comme BLOODRAYNE 2, SEED demeurait un film plutôt plaisant, sans doute le meilleur que Uwe Boll ait jamais réalisé. Ceci permettant d'aborder FAR CRY avec un peu d'espoir. Manque de chance (Boll), on assiste une fois de plus à un ratage du plus bel effet.
Le budget est annoncé comme étant de 30 millions de dollars mais ça semble très difficile à croire vue la pauvreté des décors ou le peu d'utilisation des extérieurs. On trouve cependant de quoi satisfaire l'amateur d'action : Cascades, hélicoptère en flammes, effets spéciaux numériques plus ou moins réussis, effets gore, poursuite en hors bord (qui plagie celle de L'HOMME AUX PISTOLETS D'OR), caméras virevoltantes… mais rien n'y fait, le film ne décolle jamais vraiment.
Pourtant, la scène initiale rentre dans le vif du sujet, avec ses soldats traqués par quelque chose d'invisible. Explosions de jeeps, dos arraché, un corps enfoncé sur un grillage, les mitraillettes crépitent... Malgré les moyens déployés et les effets de caméra, on n'arrive pas du tout à prendre l'action au sérieux ou à ressentir quoique ce soit. Sans doute le rendu reste parfaitement anonyme, sans différence réelle par rapport aux innombrables produits bas de gamme dont le marché vidéo nous abreuve régulièrement. Cela donne le premier problème que pose FAR CRY. D'un jeu video, Boll ne retire que l'action et celle-ci ne se distingue en rien de ce qui a été déjà effectué, s'alignant sur ma production (très) moyenne du DTV (sortie directe en vidéo). Ce ne sont pas les deux ou trois plans audacieux qui modifieront cette impression de déjà-vu.
On se demande aussi ce qui peut pousser des acteurs comme Til Schweiger, une star en Allemagne, à travailler pour Boll. Ceci témoigne peut-être de son manque d'ambition. Même si le salaire est bon, se retrouver à débiter des âneries entre deux coups de tatanes et des soldats barbouillés en blanc et affublés de lentilles noires, faudrait y réfléchir à deux fois. Emmanuelle Vaugier (CERBERUS, HOUSE OF THE DEAD 2) minaude mais ne sert à rien. On se croirait revenu aux films de science fiction des années 50 ! Ah, il y a une scène "love" juste après que l'actrice et Schweiger se soient faits courser par des mercenaires. N'importe quoi.
Donc, Til Schweiger joue les héros fatigués mais toujours prompts à coller des coups de savate. Il est affublé d'une jolie journaliste (Emmanuelle Vaugier), aussi intrépide qu'idiote – elle ne sait pas, bien sûr, qu'une grenade se dégoupille avant qu'on la lance. Le Docteur timbré (Udo Kier, tout en retenue) est un allemand fou de Wagner (ben voyons) qui lui aussi se trouve en parfaite harmonie avec une dominatrix russe (Natalia Avelon). Michael Paré possède dix lignes de dialogue. Ralph Moeller déplace sa carcasse de molosse au début et à la fin permettant de découvrir un nouveau genre, le Moellerator : comédien sans émotion sur le visage. En fait, à y regarder de plus près, le scénario se contente d'allonger des stéréotypes bien rodés depuis 50 ans, mais sans jamais s'en démarquer d'un poil. C'est peut être rassurant pour vendre le film, mais c'est consternant à visionner tant la durée du film se déroule lentement.
Le film joue aussi sur la carte de l'humour. Comme un autre abonné aux bolleries, Chris Coppola, insupportable en livreur de nourriture obèse, pleutre et ridicule qui pousse des cris de dinde effarouchée lors de la poursuite en hors bord. Il en va de même en ce qui concerne deux touristes américains qui apprennent à Til Schweiger, dont l'accent allemand le trahit, ce qu'est que le service client à l'américaine. Pour toute réponse, Til Schweiger leur laisse la barre du bateau. La culture des méchants de ce monde est toujours reliée à de la musique classique écoutée en toile de fond. On le retrouve, par exemple, dans CAMPUS 86. Ca ne date pas d'hier ! Toutes ces tentatives tombent elles aussi à l'eau. C'en est même pathétique de voir un tel humour dépassé. On pense, honteusement, au TOMBEUR, LE FRIMEUR ET L'EMMERDEUSE ou à LA BOUM AMERICAINE pour le niveau. Ca donne une idée.
Et le gore, dans tout ça ? Le générique de fin n'ayant pas été fini à temps pour la projection au Marché du film 2008 à Cannes, nous n'avons pu voir si les effets craspouilles étaient Oil of Olaf Ittenbach, mais cela se sent tout de même. Le début du film laisse espérer un déluge, mais nous n'avons que quelques éclaboussures à se mettre sous la dent. Un joli plan d'un soldat écrabouillé sur un grillage, avec un panoramique circulaire qui finit sur l'arrière du corps enfoncé dans la cloture fait son effet. Las, ce sera à peu près tout, hormis l'épine dorsale de Ralph Moeller découpée et tripatouillé par un Udo Kier qui semble un peu s'ennuyer.
L'action se veut trépidante, mais le rythme n'est pas toujours au diapason. Boll a la furieuse manie de ne pas tenir sa caméra fixe. Elle bouge tout le temps lors des scènes d'action, à l'instar de BLOODRAYNE 2. Boll ne sait pas tenir sa caméra. C'est affolant, le cadre n'est jamais fixe. Il y a souvent un moment de tremblotte de bas en haut ou de gauche à droite : très agaçant. Ceci allié à une projection des plus désastreuses : certains passages du film étaient flous, à croire que le projectionniste buvait. Mais non : le tirage était tel quel.
Enfin arrive le clou du film, un final "spectaculaire" où dix soldats mutants sont lâchés sur pour tuer tous les intrus. A grand coups de ralentis et de caméra tremblotante, on assiste un peu médusés à beaucoup de fusillades, de «Han», de «Haaaaaaa», de quelques cascades, tout ça au beau milieu d'une sorte d'usine désaffectée ressemblant à celle utilisée dans VIRUS CANNIBALE. Ce qui donne malheureusement un aspect fauché au film, ne sauvant en rien l'impression de gâchis sur pellicule.
Le générique de fin démarre… En fait, non. L'écran en CinemaScope affiche un «End Credit Roll», avec une musique tonitruante en fond. On se lève. On se dirige vers la sortie. La lumière fait mal aux yeux. On se regarde entre spectateurs, un peu hagards. Conscient d'avoir assisté à quelque chose, mais on ne sait pas très bien quoi. Avec un miracle, le film sera retouché entre temps pour lui donner une figure plus présentable.
FAR CRY sortira très probablement au cinéma en Allemagne comme tous les Boll. Et peut-être en DTV dans quelques pays qui auront osé acheter cette série Z affublé d'un budget encore beaucoup trop important pour son ambition au ras de la moquette usée de la salle de projection. Triste.