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Critique du film
[REC] 2007

 

Une petite équipe de télévision, constitué d'une jeune animatrice et d'un cadreur, s'installe dans une caserne de pompiers à Barcelone pour suivre une nuit de travail. C'est alors qu'un appel de détresse les conduit à l'intérieur d'un immeuble pour secourir une vieille femme faisant un malaise dans son appartement. Mais en défonçant la porte, les pompiers sont attaqués par une septuagénaire incontrôlable et hystérique. Malgré l'horreur de la scène, la petite caméra de télévision va tout filmer et devenir le témoin d'une situation de contamination terrifiante.

Après L'ORPHELINAT, [REC] est le nouveau champion espagnol à atterrir sur nos écrans de cinéma. Le film est déjà précédé d'une carrière en festival remarquable (des prix prestigieux entre autres à Sitges, Gérardmer, Fantasporto...), a remporté deux Goyas (les Césars espagnols) récompensant le montage et la révélation féminine Manuela Velasco, tout en s'assurant un succès solide au box office local. Pourtant, le buzz de [REC] n'a rien de calculé. Il s'agit d'un petit film au budget étriqué (même pas un million d'euros), tourné en vidéo et produit dans un laps de temps très réduit (sept mois). Le métrage est en réalité une «récréation» que se sont offert les deux cinéastes Jaume Balaguero (FRAGILE) et Paco Plaza (ROMASANTA). Un petit film facile à monter financièrement, sans stars ni pression, doté d'un concept expérimental plutôt casse-gueule : le film est doté d'un point de vu unique, celui d'une caméra qui enregistre en «brut» l'action se déroulant sous son objectif.

S'il reste rare, ce parti-pris de caméra subjective à l'ambiance documentaire «à vif» n'est pas nouveau. En 1980, Ruggero Deodato secoue le public avec CANNIBAL HOLOCAUST, un film constitué à moitié de (faux) «rushes» d'une équipe télé qui finira dans le gosier d'indigènes peu commodes, le tout filmé en «live». L'effet est tellement saisissant que la justice italienne emprisonne le cinéaste jusqu'à ce que ses comédiens se présentent physiquement afin de prouver qu'ils sont toujours en vie. Près de vingt ans plus tard, LE PROJET BLAIR WITCH reprend le concept de CANNIBAL HOLOCAUST en le poussant au maximum. C'est désormais tout le film qui est constitué des «rushes» à peine montés de trois étudiants en cinéma partant en forêt sur les traces d'une sorcière. Bien entendu, ils ne reviendront pas. Les images seront leur seul témoignage. Film de trouille ultime pour les uns, arnaque parfaitement marketé pour les autres, LE PROJET BLAIR WITCH est un succès planétaire brevetant au passage le concept du faux reportage fantastique livré «tel quel» au spectateur. Alors que nos rétines ont à peine récupéré de CLOVERFIELD de Matt Reeves, une attaque de monstres urbaine filmée par une caméra amateur, [REC] nous propose un film de zombies (pardon, «d'infectés») vu au travers de la lentille tremblotante d'une caméra embarquée. Quel intérêt en ces temps d'embouteillages de morts-vivants sur nos écrans ? La trouille ! [REC] fout la trouille, tout simplement.

Narrativement, [REC] ne cherche pas une quelconque originalité. La progression du récit est très classique, de la découverte du premier «infecté» à une épidémie qui va toucher tout un immeuble. Un immeuble mis immédiatement en quarantaine par la police espagnole, qui interdit de ce fait tout contact avec l'extérieur. Les habitants, les deux pompiers ainsi qu'un policier devront gérer seuls la crise, sous l'oeil avide de la caméra de télévision et de sa jeune présentatrice. Les «monstres» du film sont extrêmement similaires aux zombies de 28 JOURS PLUS TARD et 28 SEMAINES PLUS TARD. Aucune initiative n'est à chercher de ce côté là, à par celle de pousser le bouchon toujours plus loin. L'impression de déjà vu se ressent jusqu'à la séquence finale filmée (encore) en infra-rouge à l'instar de THE DESCENT, 28 SEMAINES PLUS TARD ou encore L'ORPHELINAT (on n'ose pas citer également FRONTIERE(S)). Cependant, découvrir une épidémie dans le cadre très réaliste d'un oeilleton de caméra procure une immersion hors norme nous donnant l'impression de découvrir pour la première fois un film de morts-vivants «contemporain». C'est là tout le défi de [REC] : donner l'impression que ce que nous connaissons déjà est en train de se concrétiser dans le réel.

Si LE PROJET BLAIR WITCH ne se bornait qu'à filmer des branches d'arbres en pleine nuit pour construire son angoisse, c'est parce que le film craignait de voir sa crédibilité de (faux) documentaire voler en éclat dès lors qu'un élément ouvertement fantastique entrerait dans le cadre. [REC] n'a pas du tout cette approche. L'objectif est braqué au maximum sur l'élément horrifique, sans rien nous épargner. En résulte des séquences de tension absolument hors normes que les deux cinéastes caviardent de détails dérangeants (comme le tic de la vieille dame qui nous montre compulsivement son sous-vêtement). Bien que très libre, la mise en scène s'autorise quelques moments plus «organisés» comme cette séquence d'étude médicale que seul le caméraman peut voir. La tension n'est pas tant provoquée par ce que l'on découvre que par les relances hystériques de la présentatrice qui lui hurle en boucle l'ordre de lui décrire «ce qu'il voit».

Bien entendu, réussir un tel pari de réalisme demande une somme de travail considérable. La sensation «d'improvisation» est constante alors que de nombreuses séquences (surtout à effets) sont calibrées au millimètre. Dans leur soucis d'efficacité, les deux cinéastes n'hésitent pas à «tricher» avec leur concept, notamment au niveau du son qui lui n'a rien d'un signal capturé en brut par une source unique. La bande sonore est particulièrement éprouvante et participe beaucoup aux nombreux sursauts que nous réserve le film. Sous ses airs de petit film caméra au poing, [REC] est en réalité un monstre de rigueur où surnage l'exceptionnel travail du chef opérateur Pablo Rosso. Véritable «héros» du film, Rosso livre une performance incroyable notamment au niveau de la lumière. Malheureusement, la plupart des spectateurs passeront à côté de la subtilité de ses images. L'interprétation n'est pas en reste puisque chaque comédien est parfaitement conscient que la moindre fausse note ferait retomber la crédibilité de l'ensemble. On ressort ainsi de [REC] les jambes flageolantes, avec la sensation d'avoir vécu 80 minutes d'une expérience aussi stressante que terrifiante. Un excellent film, qui pourrait s'arroger le terme de petit «classique» s'il n'était minoré par le manque d'ambition narratif de deux cinéastes trop concentrés sur l'exercice de style. Avis à tous les allergiques de la caméra subjective, les américains sont déjà en train de fignoler un remake du film, QUARANTINE par John Erick Dowdle. Pour patienter, nous pourrons découvrir prochainement sur nos écrans DIARY OF THE DEAD, où le précurseur George A. Romero nous livrera sa version de l'invasion de zombies vue par le prisme de caméra domestique.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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