Tony Stark (Robert Downey Jr.), un multimilliardaire playboy et mégalo à la tête de la plus grande entreprise d'armement américaine, est capturé par des terroristes lors d'un déplacement en Afghanistan. Ingénieur de génie, il est sommé de fabriquer pour ses geôliers des missiles. Enfermé dans une grotte pour de longs mois avec un autre prisonnier, Stark décide de construire en lieu et place une armure de combat qui lui permettra de s'échapper. De retour aux Etats-Unis, l'ancien marchand d'armes s'est racheté une conscience au grand dam du numéro deux de sa compagnie, Obadiah Stane (Jeff Bridges). Reclus dans son luxueux appartement, Stark se concentre maintenant exclusivement à la fabrication d'une nouvelle armure dont les performances feraient régner la justice.
Alors que les films de super-héros ont maintenant fait leurs preuves (X-MEN et X-MEN 2, SPIDER-MAN et SPIDER-MAN 2, BATMAN BEGINS, HELLBOY) ou presque (LES QUATRES FANTASTIQUES et LES QUATRES FANTASTIQUES ET LE SURFER D'ARGENT, X-MEN 3, SPIDER-MAN 3, DAREDEVIL, HULK), la société de bandes-dessinées Marvel décide de passer à la vitesse supérieure en produisant pour la première fois elle-même la prochaine adaptation de l'un de ses personnages maison : IRON MAN. Le projet d'adaptation ne date cependant pas d'hier puisque le «dossier» passa entre de nombreuses mains depuis près de quinze ans. Les noms de Stuart Gordon ou de Nick Cassavetes furent un temps cités à la mise en scène, alors que Nicolas Cage et Tom Cruise firent part de leur intérêt à enfiler l'armure du justicier. Les succès à répétition des films de super-héros de ces dernières années auront eu raison de ce développement sans fin, et c'est le comédien et réalisateur Jon Favreau qui décrochera finalement les rênes du projet (le petit ami riche et bedonnant de Monica dans FRIENDS, c'était lui). Un choix étonnant puisque la filmographie de Favreau n'a rien pour exciter le spectateur de plus de dix ans (il a dirigé ELF avec Will Ferrell en lutin du père Noël ou encore ZATHURA, un sous-JUMANJI). Il n'en faut pas plus pour que tous les «fans boys» ou autres «geeks» du monde se soulèvent en masse pour protester sur leur clavier d'ordinateur contre le désastre anticipé de cet IRON MAN qu'ils imaginent édulcoré pour les enfants. Si seulement...
Quelques minutes de film suffisent à prendre la température d'IRON MAN. Non, cette adaptation n'est pas rabotée pour les jeunes adolescents, bien au contraire. La meilleure preuve est le choix de Robert Downey Jr. dans le rôle titre. Excellent comédien, l'homme remonte (toujours) la pente d'une interminable descente aux enfers chimiques après sa nomination aux Oscars pour sa composition de CHAPLIN. Un casting courageux, qui fait se superposer les déboires de l'acteur au caractère chaotique de Tony Stark. Car derrière son génie, Stark est également un flambeur, un frimeur narcissique triplé d'un coureur de jupons incapable de retenir le prénom de ses conquêtes d'un soir (le futur du personnage promet même une phase d'alcoolisme sévère). On est loin de Peter Parker qui «découvre la masturbation» dans la chambre de Tante May ou des régimes bio de Bruce Wayne. De retour au premier plan de l'affiche d'un gros film, Downey Jr. jubile et nous livre une composition décalée dans la lignée du personnage de Nicolas Cage dans LORD OF WAR, soit un marchand d'armes révulsant d'antipathie mais possédant un sens de l'humour ultra-cynique raillant à la moindre occasion la politique étrangère des Etats-Unis. Il était évident que le thème d'IRON MAN soulèverait le problème de la vente d'armes, mais on reste très étonné de voir le film s'insérer dans la continuité «indépendante» de métrages acerbes et décontractés comme THANK YOU FOR SMOKING de Jason Reitman.
A l'instar de ses supers-prédécesseurs, IRON MAN est construit sur un arc narratif relativement classique nous révélant les «origines» du super-héros. Pas de pouvoirs à maîtriser ici, mais la lente (et laborieuse) fabrication d'une armure de combat qui fera de notre dandy pourri jusqu'à la moelle un justicier défenseur de la veuve et de l'orphelin ! On commence par connaître par coeur ces séquences de tâtonnements dans les nouvelles aptitudes de nos héros costumés. IRON MAN parvient cependant sans mal à nous captiver grâce à une astuce qui permet d'égrainer parfaitement la surprise de la découverte : Stark construit, comme dans la bande-dessinée, successivement trois modèles d'armures, chacune étant la version améliorée de la précédente. Une excellente idée qui permet de ne pas attendre la dernière demi-heure pour profiter des scènes de robot, tout en relançant continuellement l'intérêt face à des aptitudes nouvelles d'une séquence à l'autre. L'humour assez irrésistible du film offre une excellente dynamique aux séquences dîtes «classiques», annihilant de ce fait l'éventuel ennui qui pourrait poindre entre deux scènes spectaculaires (relativement peu nombreuses d'ailleurs).
Comme souvent avec les premiers films de super-héros, passé l'exposition de l'univers et du personnage principal, il ne reste pas énormément de place au développement d'une intrigue riche et complexe. IRON MAN s'en sort pourtant bien, grâce au faible nombre de ses rôles secondaires : Terrence Howard dans la peau de l'ami militaire, Gwyneth Paltrow en assistante au grand coeur, et surtout Jeff Bridges en effrayant père de substitution. Ce dernier est bien entendu le grand «méchant» du film qui se transformera lors du final en «Iron Monger», un robot géant prompt à faire crisser le métal de notre héros dans les rues de New-New-York. Un affrontement que beaucoup rapproche du célèbre climax de ROBOCOP 2 de Irvin Kershner, même si IRON MAN évolue dans un registre finalement très différent. Un registre volontairement plus fou (les robots attrapent à la volée des voitures pour se les jeter à la figure) sortant des sentiers (battus) de la relecture «réaliste» d'une bande-dessinée.
IRON MAN est donc une très bonne surprise, voir l'un des meilleurs films de sa catégorie. Malin, souvent drôle, spectaculaire (les effets spéciaux sont incroyables) et doté d'une interprétation de haut niveau, on ne voit pas bien quoi reprocher à ce divertissement intelligent et généreux. Le film ne souffre pas du syndrome du «premier film d'une hypothétique trilogie», une terrible maladie qui oblige certains spectacles à économiser leurs cartouches pour d'éventuelles séquelles. IRON MAN donne beaucoup, avec une énergie qui rappelle les films des années 80, tout en «teasant» de probables suites grâce au «fan service» (l'ami qui renonce à enfiler la seconde armure de Stark en prétextant que ce sera «pour la prochaine fois», ou encore l'apparition surprise d'un personnage Marvel passé le générique de fin). Des coups de coudes réservés aux spécialistes de la bande-dessinée, pour leur prouver qu'ils n'ont pas été oublié. Les néophytes auront quant à eux le plaisir de découvrir un film en parfait équilibre entre action homérique et dialogues parfaitement servis, entre humour délirant et références froides à la dureté de son époque. Soit la preuve qu'il peut encore exister des blockbusters américains pouvant rassembler un (très) large public sans avoir à s'aligner sur le plus idiot des spectateurs.