Critique du film
et du DVD Zone 2
LE SECRET DE LA PLANETE DES SINGES
1970
Alors que George Taylor découvre avec horreur l'origine de la planète des singes, une nouvelle navette spatiale humaine vient à s'écraser. Unique survivant du crash, Brent part bien vite à la recherche de Taylor mais il se heurte à son tour aux singes. Ces derniers, sous la pression des gorilles, décident de coloniser la Zone Interdite. Brent est donc contraint de fuir en compagnie de la belle Nova mais, là encore, le danger rôde sous la forme d'horribles mutants adorateurs d'une bien étrange divinité.
Réputé inadaptable sur grand écran, le roman «La planète des singes» passe de mains en mains selon le principe bien connu dit de «la patate chaude». Cependant, le producteur Arthur P. Jacobs, l'ayant droit, persévère et croit dans le potentiel cinématographique de l'œuvre de Pierre Boulle. Le succès critique de LA PLANETE DES SINGES en 1968 lui donnera bien évidemment raison et, dès lors, l'idée d'une suite se met à mûrir… Pierre Boulle et Rod Serling sont donc bien vite contactés mais le premier script qu'ils livrent, nommé «Planet of the Men», ne convainc guère. On demande alors à Paul Dehn, scénariste adepte de l'espionnage (GOLDFINGER, L'ESPION QUI VENAIT DU FROID, M 15 DEMANDE PROTECTION), d'imaginer une nouvelle aventure reprenant les ingrédients ayant fait le succès du métrage d'origine. L'homme s'acquitte de sa tache en proposant une suite qui prendra d'abord pour nom «Planet of the Apes Revisited»…
Autres «piliers» de LA PLANETE DES SINGES, le réalisateur Franklin J. Schaffner et l'acteur Charlton Heston sont eux aussi rappelés à leur poste. Malheureusement, aucun des deux n'est très chaud pour participer à la suite d'un métrage se suffisant à lui-même. Schaffner décline donc l'offre pour embrayer sur la mise en scène de PATTON. Il emportera avec lui le compositeur Jerry Goldsmith afin de poursuivre une collaboration de qualité qui s'étendra sept métrages durant… Charlton Heston aligne pour sa part les projets mais accepte toutefois, par sympathie, de réapparaître quelques minutes à l'écran. L'acteur pose cependant ses conditions et le personnage de George Taylor qu'il incarne devra impérativement rendre son dernier souffle lors de cette aventure. Il s'agit bien évidemment là pour Heston de se prémunir d'autres apparitions dans d'éventuelles suites.
Puisqu'il est établi que Taylor ne sera là qu'un personnage de second plan, la production doit donc se mettre en quête d'un nouveau héros pour son film. Bien que Burt Reynolds soit un temps envisagé, c'est étrangement James Franciscus qui sera retenu en raison de sa ressemblance avec Heston. L'homme a alors un curriculum vitae essentiellement télévisuel avec un nombre incalculable d'apparitions uniques au sain de séries de tous poils. Il deviendra cependant un cowboy chasseur de Tyrannosaure en 1969 dans LA VALLEE DE GWANGI avant de connaître durant les années 70-80 une carrière à mi-chemin entre les téléfilms américains et les productions cinématographiques italiennes. Parmi celles-ci, nous citerons bien évidemment LE CHAT A NEUF QUEUES de Dario Argento, le SOS CONCORDE de Ruggero Deodato, LA MORT AU LARGE de Enzo G. Castellari et le minable L'INVASION DES PIRANHAS de Antonio Margheriti…
La belle Linda Harrison ôte quant à elle ses vêtements pour enfiler à nouveau la peau de bête de Nova, humaine «primitive» palliant son incapacité au dialogue par un regard rond digne d'une chouette chevêche. Les personnages simiesques du Docteur Zaïus et de Zira seront eux aussi repris par leurs interprètes d'origines, à savoir Maurice Evans et Kim Hunter. Seul le jeune et candide Cornelius se verra ici joué par un autre. David Watson succède donc à un Roddy McDowall malheureusement indisponible. Ce dernier assurera cependant le doublage de son personnage dans un souci de continuité et reprendra son rôle à l'occasion d'un troisième volet bien plus axé sur le duo Zira/Cornelius. Nouveau mais pas des moindres, le gorille Ursus, chef des armées quadrumanes, s'impose en quelques discours bien sentis comme l'ennemi juré de la race humaine. Ainsi place t'on dans sa bouche la réplique «Un bon humain est un humain mort» faisant bien entendu écho à la célèbre déclaration du Général Philip Sheridan qui disait en 1869 : «Les seuls bons indiens que j'ai vu étaient des indiens morts». Orson Welles fût envisagé pour ce rôle d'envergure mais c'est finalement James Gregory qui en héritera …
C'est Ted Post qui sera choisi pour réaliser ce second opus de la saga LA PLANETE DES SINGES. Lui aussi a à son actif une longue carrière télévisuelle mais de celle-ci se détache deux réalisations cinématographiques de qualité mettant en scène l'acteur Clint Eastwood : le revanchard PENDEZ-LES HAUT ET COURT en 1968 et le terriblement hargneux MAGNUM FORCE en 1973. Pour LE SECRET DE LA PLANETE DES SINGES, Ted Post devra composer avec un budget relativement maigre (trois millions de dollars) et un scénario qui, s'il n'est pas inintéressant, fleure assez régulièrement le remake. Sans doute peu encline à prendre des risques, la production a en effet initié et validé un script dont la première moitié reprend grosso modo les différents éléments qui firent le succès du métrage de Franklin J. Schaffner. On retrouve ici un vaisseau écrasé en terre inconnue, une séquestration par les singes, l'aide providentielle du couple de chimpanzés et la terrible découverte des origines de la fameuse planète. Durant une bonne part du métrage, le spectateur aura donc inévitablement la sensation d'assister à une redite fauchée du premier opus. Le village des singes se trouve ainsi réduit à quelques huttes, le camp d'entraînement respire le terrain vague aménagé, les attroupements de chimpanzés sont limités à une quinzaine d'individus et, pire que tout, la qualité globale des trucages a été grandement revue à la baisse. Ainsi les fabuleuses prothèses faciales qui permirent à John Chambers de remporter un Oscar deux ans plus tôt ne seront plus réservées qu'à de rares singes apparaissants en tout premier plan. Les autres devront donc se contenter de masques désespérément figés faisant réellement pâle figure à l'écran.
Bien qu'elle se montre donc particulièrement laborieuse et sans surprise, cette première moitié de métrage tente de conserver ce qui fit le succès du roman de Pierre Boulle. L'écrivain s'amusait en effet à inverser les rôles pour mieux pointer du doigt les dérives d'une espèce humaine autoproclamée «supérieure». Dans LE SECRET DE LA PLANETE DES SINGES, on retrouve là encore l'irrespect envers les créatures «autres» mais aussi la lutte des classes, des âges et des opinions. Les gorilles et leur tempérament guerrier sont donc encore une fois en opposition avec les chimpanzés raisonnés et globalement pacifistes. La conquête de la Zone Interdite donnera même lieu à une manifestation pacifiste faisant bien évidemment référence à celles qui fleurissaient à la fin des années 60 dans les rues d'une Amérique divisée par la guerre du Vietnam… En de rares instants donc, les images font mouche et proposent une photographie métaphorique intelligente d'une époque difficile.
Vient alors la seconde portion du métrage qui fait ici figure de véritable nouveauté puisqu'elle ose (enfin) se démarquer du film d'origine. Nous ferons donc connaissance avec une troisième espèce : celle des mutants. Par eux, le réalisateur s'attaque directement aux fanatismes religieux et politique. L'arme atomique est ici au cœur de l'intrigue et officie aussi bien en tant qu'objet de culte qu'en tant qu'ultime recours stratégique. Bien évidemment, elle est essentiellement crainte (elle est à l'origine des mutations) et c'est de cette peur que naissent le respect et la dévotion. Autrement dit, ceux qui détiennent l'arme atomique en sont aussi les esclaves… Si la portée allégorique du propos n'a rien de stupéfiante, accordons lui au moins le mérite d'être bien présente et intelligemment amenée.
Reste que là encore, le film se montre inégal en alternant les images inspirées (un mur de flammes, des singes crucifiés, une géante statue du Législateur pleurant des larmes de sang) avec d'autres sombrant allègrement dans le mauvais goût (la secte des mutants vêtus de toges à capuche grotesques). James Franciscus dévoile par ailleurs les limites de son jeu et chaque séquence à vocation dramatique sonne aux yeux du spectateur comme un véritable fiasco. La rencontre finale entre ce héros et le George Taylor du premier opus relève du reste du choc : Que la copie s'avère bien pâle !
Au final, LE SECRET DE LA PLANETE DES SINGES est donc un film qui déçoit, tout simplement car il n'est qu'une séquelle paresseuse évitant avec grand soin toute prise de risque potentielle. On nous ressert ici les formules à succès de l'opus précédent sans pour autant apporter le même soin dans leur composition. A l'image de Franciscus et de sa performance de sous-Heston, ce second volet n'est dès lors qu'un sous-LA PLANETE DES SINGES réalisé à l'économie. Paradoxalement, ce qui fait la faiblesse artistique du film fera aussi sa force commerciale. En effet, avec sa mise de départ étriquée et ses recettes cumulées avoisinants les dix-huit millions de dollars, LE SECRET DE LA PLANETE DES SINGES se révèlera être une opération des plus rentables. Voilà bien un argument qui justifie à lui seul la mise en chantier d'un opus supplémentaire...
LE SECRET DE LA PLANETE DES SINGES connût en France une première sortie DVD en 2001 via le coffret dédié à la saga. Il eut par la suite les honneurs d'une seconde sortie en 2006 avec l'apparition dans les linéaires d'un coffret épousant la forme d'une tête de singe aux cheveux de paille. Nul doute que les amateurs de nids à poussière dotés d'un sens esthétique peu commun se seront rués sur la seconde édition mais, pour notre part, nous avons laissé le crâne en plastique à sa place et conservé le premier coffret. Qu'importe en réalité puisque le DVD contenant LE SECRET DE LA PLANETE DES SINGES est exactement le même d'une édition à l'autre et il sera d'ailleurs aussi commercialisé à l'unité sur le marché du bénélux…
La Fox nous invite donc à redécouvrir le film dans son ratio cinéma d'origine et ce via un encodage 16/9ème d'une qualité honnête. La définition n'est pas exemplaire, l'image n'est pas toujours des plus stables mais, globalement, ce métrage de 1970 s'en sort plutôt bien. Les artefacts sont assez rares, la compression est quasi-invisible et les contrastes relativement bons. Le gros défaut restera en fait le manque de piqué des couleurs, donnant au film un léger goût de «passé».
Sur le plan sonore, on nous propose trois possibilités qui, contrairement au premier film, n'ont pas fait l'objet d'un remixage en 5.1. Les pistes anglaise, française et italienne ne seront donc accessibles qu'en mono encodées en Dolby Digital 2.0. Peu importe en réalité puisqu'elles remplissent correctement leur office et se montrent toutes trois très claires. Le doublage français fait la part belle au dialogue, mis très en avant, alors que la version originale se montre plus naturelle et équilibrée. Bien évidemment, nous privilégierons donc cette dernière option même s'il est bon de reconnaître que le doublage francophone est d'une qualité très correcte. Des sous-titres viendront bien évidemment épauler ceux qui ne sont pas parfaitement à l'aise avec l'anglais.
Du côté des bonus, nous n'aurons malheureusement pas grand-chose à nous mettre sous la dent. Une page fixe nous liste les principaux noms du casting alors qu'une galerie nous invite à découvrir sept photographies de tournage. A cela nous ajouterons les bandes annonces des cinq films ainsi qu'une bande promo de presque trois minutes sur la saga…