HEARTLAND HORRORS est une compilation de dix courts-métrages de cinq à treize minutes destinés à la chaine télé américaine The Horror Channel. Une anthologie que l'on doit à deux sociétés de production du Kansas, Senoreality Pictures et Gunn Park Entertainment, écrite et réalisée par Patrick Rea et Kendal Sinn (si l'on except SMOKED, mis en scène par Bobby McGee). Concrètement, il s'agit d'une mini-série louchant vers LA QUATRIEME DIMENSION ou encore LES CONTES DE LA CRYPTE, tournée en vidéo avec un budget que l'on imagine inexistant. On pourrait donc craindre le pire en essayant de visionner HEARTLAND HORRORS. Pourtant, force est de reconnaître que le résultat s'avère soigné et professionnel. Une bonne surprise ? Encore faut-il que l'imagination et l'inspiration soit au rendez-vous.
Le problème majeur de HEARTLAND HORRORS est de se contenter des figures et ficelles connues du genre pour bâtir ses histoires ou ses petits retournements de situations. Bien qu'honnêtes, certains courts nous font décrocher par leur scénario déjà (archi) vu. C'est le cas de THE THING ABOUT BANNON'S LOOKOUT et ces deux flics découvrant une voiture à priori abandonnée, de A MILE BACK AWAYS et son conducteur prenant une étrange jeune fille en stop, ou encore de SHED OUT OF LUCK et son héros prisonnier d'une cabane où un tortionnaire invisible l'oblige à manger de la viande humaine. Ce manque d'ambition narratif est parfois désolant comme avec SMOKED, un court parvenant à poser une ambiance exceptionnelle avec son jeune garçon propre sur lui achetant des cartouches entières de cigarettes à l'épicerie du coin. Malheureusement, l'histoire rebroussera les chemins de l'étrangeté pour se finir sur une basique séance de torture effroyablement banale par les temps qui courent.
Souvent moyens, parfois ratés (comme le pitoyable BITTER SWEETS et sa revanche d'enfants blessés par des lames de rasoir dans des pommes d'Adam), parfois impromptus (le nerveux OUT TO PASTURE qui s'arrête au bout de quelques minutes, on est plus proche d'une bande-démo que d'un court), HEARTLAND HORRORS nous réserve quand même quelques bonnes surprises. On pense à COPY, une comédie noire autour d'un entretien d'embauche. Alors qu'elle tente de photocopier les papiers d'identité d'un candidat, une employée est avertie par la photocopieuse de ne surtout pas prendre cet homme. THE LAST LAUGH part également d'un concept très décalé en mettant en scène un clown séquestrant un mime pour l'obliger à rire. Dommage que le visuel plutôt pauvre du film finisse par déservir son postulat de comédie au vitriol. Plus classique, WOMAN'S INTUITION est aussi plus solide. Il nous présente une femme confiant à son docteur les funestes prémonitions dont elle est victime. Le plan final est particulièrement étonnant et réussi. Enfin, derrière son look post-nucléaire à la HARDWARE de Richard Stanley, CAFE AT THE CROSSROADS est peut-être le court le plus proche de l'influence de la série de Rod Sterling. Un «collecteur d'âme» entre dans un café où sont reclus les survivants d'un mystérieux virus ayant décimé une large part de l'humanité. Mais le prédateur n'est peut-être pas celui que l'on croit…
Inégal, HEARTLAND HORRORS est aux courts-métrages ce que les téléfilms sont au cinéma : un produit balisé mais honnête, qui saura intéresser en priorité le spectateur demandeur d'un spectacle facile d'accès. L'éditeur américain Elite Entertainment ne cherche pas à sur-côter la série puisqu'il propose le DVD de l'anthologie à un prix réduit. Idéal pour tenter les curieux et ne pas froisser l'acheteur devant les courts plus faibles. Tous les films sont présentés avec une image anamorphosée pour le 16/9, sauf A MILE BACK AWAYS qui est en letterbox. Tous proposent également un mixage en Dolby Digital 5.1. ou en stéréo, sauf SMOKED qui n'est disponible qu'en stéréo. Avis aux anglophobes, le disque ne propose aucun sous-titres en français.
La section bonus est généreuse puisque chaque court-métrage (excepté encore SMOKED) bénéficie d'un commentaire audio des réalisateurs Patrick Rea et Kendal Sinn accompagné de leurs producteurs. La parole est franchement débonnaire et l'on a plus l'impression d'assister à une réunion d'amis qu'à une analyse professionnelle. Les propos sont essentiellement focalisés sur les conditions précaires de tournage et le planning très serré. L'ensemble est sympathique sans pour autant passionner. Pour rester dans l'envers du décor, un Making Of de SHED OUT OF LUCK nous invite à vérifier par nous même les conditions sus-citées. Il s'agit plus d'un module de B-Roll où l'on voit l'équipe au travail sans véritablement de commentaire, ni interview des protagonistes présents. Pour jeter un œil aux plateaux des autres opus, il faudra visiter les clichés de la galerie photos.
La surprise vient de l'ajout de quatre autres courts-métrages réalisés par notre équipe. Pourquoi ces derniers ne sont-ils pas dans l'anthologie officielle ? Tout simplement parce que ce sont des récréations portées sur la comédie. THE CLICKER met en scène un homme jouant au chat et à la souris avec une télécommande de télévision facétieuse. On pense beaucoup à Bruce Campbell courant après sa main coupée dans EVIL DEAD 2. Malgré son idée amusante, le film souffre malheureusement d'une réalisation peu maîtrisée. THE PIRATE P.S.A. est une sorte de parodie de spot télé humaniste censée nous sensibiliser au triste statut social des corsaires, totalement mis au banc de nos sociétés modernes. MIME AWAY est, quant à lui, une fausse publicité pour un produit insecticide anti-mimes ! On préfèrera cependant MULTI-TASK et son concept plus ambitieux : un jeune réalisateur sans le sou (joué par Patrick Rea), fatigué de cumuler tous les postes pour boucler ses projets, décide de se cloner. Le film prend ainsi la forme d'une featurette où chaque clone vient parler de la difficulté de travailler avec «soi-même». L'idée est amusante et tord intelligement le cou à tous les documentaires promotionnels dont nous sommes aujourd'hui gavé. C'est un supplément idéal pour finir la visite de HEARTLAND HORRORS sur une note positive. A noter que si le DVD annonce que cette anthologie est une «première saison», nous n'avons plus de nouvelles de la série à ce jour.