Liu Su-Su est agressée dans un bar mal fréquenté. Chu Chung lui vient en aide mais bien vite, tous deux sont contraints de se réfugier dans une bâtisse abandonnée. Là, ils font la connaissance d'un moine excentrique qui voit en Chung un individu d'exception. Cependant, aussi hors normes soit-il, ce cher Chung n'en demeure pas moins un homme. Aussi va t'il être séduit sans mal par un étrange tableau représentant trois sorcières dansantes et semblant l'appeler. Ne pouvant résister à leurs charmes, Chung demande l'aide du moine qui lui ouvre les portes d'un monde parallèle et manifestement voluptueux pour une durée de 24 heures…
Après un premier volet totalement bancal réalisé par l'incorrigible Nai Choi Nam, un second opus soigné et divertissant signé Peter Ngor, voici qu'arrive en 1992 et pour notre plus grand plaisir un troisième épisode de la saga EROTIC GHOST STORY. Cette fois-ci, c'est le réalisateur Kai Ming Lai (aussi connu sous le nom Ivan Lai) qui s'y colle et nous offre une vision très personnelle de ce que peut être l'érotisme. Pour mieux comprendre le résultat à l'écran, il est intéressant de se pencher sur la carrière du monsieur qui fut l'un des grands noms du cinéma estampillé Catégorie III. Kai Ming Lai débute donc sa carrière au milieu des années 80 avec notamment la co-réalisation du célèbre IRON ANGELS, un film relativement violent marchant sur les traces de YES MADAM et lançant la vague chinoise des films dit «Girls with guns». Très porté sur la violence graphique, Kai Ming Lai s'abandonnera quelques années plus tard aux sirènes du «toujours plus». Ceci l'amènera à mettre en scène une première histoire de fantômes avec un THE BLUE JEAN MONSTER d'abord classé Cat.III avant d'être révisé en Cat.IIB. Dans le même esprit, il enchaînera très rapidement avec le EROTIC GHOST STORY III dont il est question ici. Viendront ensuite deux DAUGHTER OF DARKNESS particulièrement méchants et un ANCIENT CHINESE WHOREHOUSE tout aussi glauque… Kai Ming Lai ne s'arrêtera bien évidemment pas là et mettra en scène, dix années durant, une pelleté d'œuvres dans lesquelles se mêlent sexe, violences physiques, viols, relations incestueuses et autres joyeusetés !
Il est évident qu'un tel engouement pour l'étrange et le malsain ne pouvait que transpirer sur un film comme EROTIC GHOST STORY III, mettant par définition en scène des frasques sexuelles délirantes et des spectres ou démons de tous poils… Pourtant, le réalisateur parvient à demeurer sage durant presque vingt minutes en nous livrant ce qui ressemble à une introduction classique pour tout Wu Xia Pian (film de sabre chinois) qui se respecte. Les décors de studio sont convaincants, les costumes soignés et les combats orchestrés avec talent par un Philip Kwok Choi indéniablement brillant. Tout cela sonnerait presque comme une production Shaw Brothers s'il n'y a avait pas cette volonté tenace des villageois de violer la pauvre Liu Su-su incarnée ici par Chik King-Man ! Autre détail qui ne trompe pas : La belle aime à exposer ses charmes et n'hésite pas à prendre des bains dans des lieux pour le moins insolites (on ne sait pas d'où vient l'eau du reste !). Pendant qu'elle se savonne le corps, le spectateur se rince donc l'œil et se remémorera, en bon cinéphile qu'il est, avoir déjà vu ces courbes dans EROTIC GHOST STORY II. Son rôle y était tout autre mais qu'importe car la finalité était globalement la même : faire valser sa culotte !
Dans cet épisode, Chik King-Man aura cependant une rivale de taille en la personne de Yun Yi-Meng, interprété par la célèbre Pauline Chan. Véritable star de l'érotisme hongkongais, Pauline se distingue des autres pin-up par un visage mutin mais aussi particulièrement mélancolique. Extrêmement prompt à se dévêtir, la demoiselle semble éternellement «songeuse» et totalement détachée des événements. De fait, la plupart des personnages qu'elle interprètera ne seront que des «marionnettes sexuelles» soumises au viol ou au plaisir exclusif de l'homme. Sa filmographie comportera par ailleurs quelques rôles plus habillés dans des films dits «normaux» tels que le sympathique FLYING DAGGERS (avec Tony Leung et Maggie Cheung) ou l'excellent BONS BAISERS DE PEKIN de et avec Stephen Chow. Sa carrière se terminera en 2001 avec MILLENIUM MAMBO qui précèdera de peu son suicide en juillet 2002… Dans EROTIC GHOST STORY III, Pauline interprète une démone soumise et manipulée par une maîtresse cannibale. Son personnage tombera bien évidemment amoureux du héros, reprenant ainsi la trame générale des premier et troisième volets de HISTOIRE DES FANTOMES CHINOIS. Ce valeureux héros sera ici interprété avec conviction par l'acteur Ching-Wah Cheung dont la carrière éphémère ne comptera qu'une mince poignée de métrages.
Passé donc un démarrage plutôt conventionnel, EROTIC GHOST STORY III nous emporte au cœur de l'antre des démones. Chu Chung est alors convié à une fête qui tourne bien vite à l'orgie avant de basculer clairement dans le sordide… A cet instant, la griffe du réalisateur Kai Ming Lai devient plus que visible et si le gore se fait timide, l'ambiance en revanche devient très pesante. Les nombreuses scènes de lesbianismes prennent une tournure particulièrement malsaine et la saleté des lieux ne peut que provoquer un certain dégoût. Les sensuelles démones qui entrelacent leur corps semblent contraintes d'agir ainsi, rendant dès lors leurs actes mécaniques et fort peu réjouissants. Globalement, il en sera de même pour toutes les étreintes du métrage qui seront «forcées» d'une manière ou d'une autre. Qu'il s'agisse de viols, d'actes «médicinaux», d'unique recours ou de tentative de manipulation, la sexualité ne semble jamais réellement consentie et se fait bien évidemment systématiquement au détriment de la femme… Seul le «coup-de-foudre» entre le héros et sa plantureuse démone échappe à la règle et aboutira sur un corps à corps mutuellement désiré. Mais là encore, le visage désespérément neutre de Pauline Chan tue tout érotisme. La froideur des séquences supposées sensuelles, pourtant nombreuses, sera par ailleurs amplifiée par une réalisation plate et sans aucune imagination. Là où le second opus se montrait original et amusant, celui-ci provoque bien rapidement l'ennui et l'envie de passer à autre chose…
Car, paradoxalement, ce qui divertit le plus dans EROTIC GHOST STORY III, ce sont les séquences dénuées de nudité durant lesquelles l'inventivité trouve enfin sa place. Kai Ming Lai s'en donne alors à cœur joie et fera, par exemple, entrer son moine aux dimensions réduites (interprété par Shing Fui On) dans l'intimité de la grande prêtresse démoniaque. S'en suivra une mini-AVENTURE INTERIEURE durant laquelle le fameux moine parcourra de nombreuses cavernes de chair particulièrement kitsch et colorées ! Indéniablement un grand moment ! Le grand affrontement final sera pour sa part moins fantaisiste mais bien plus soigné visuellement. A cette occasion, les foulards colorés du film deviendront des armes puissantes et leurs mouvements ne seront pas sans évoquer l'esthétique du «ruban» tel qu'on peut le voir manié lors des compétitions de gymnastique rythmique…
A la vue de telles séquences, rares mais pleines de panache et d'idées, on ne peut que regretter le peu d'efforts consentis par ailleurs. EROTIC GHOST STORY III s'avère donc être un film très inégal et surtout bien décevant si on le compare au second opus, aussi divertissant que fou. Mais de tous les défauts dont souffre le métrage (situations idiotes, incohérences monstrueuses, etc...), le seul qui soit véritablement grave est sans doute l'usurpation qui est faite dans le titre via l'usage du mot «Erotic». Monsieur Kai Ming Lai semble n'avoir pas saisi le sens du terme et nous livre donc sans honte un film aussi sensuel qu'une tranche de jambon premier prix. Un constat d'autant plus atterrant que le casting laissait pourtant présager de bien belles choses…
Comme ce fût le cas pour les premier et deuxième volets de la saga, EROTIC GHOST STORY III fût édité une première fois en DVD par l'éditeur chinois Universe Laser. L'édition ne disposait alors que d'un transfert 4/3 bien peu flatteur… C'est pourquoi, début 2007, l'éditeur Joy Sales décide de ré-éditer les films via sa «Legendary Collection». L'édition chroniquée ici dispose donc d'un transfert 16/9ème au ratio 1.77 proche de l'original qui, malheureusement, ne s'avère guère convaincant… En réalité, le constat est à peu de choses près le même que celui fait dans la chronique de EROTIC GHOST STORY II. A savoir que nous avons là un effet de rémanence constant et assez désagréable sur toute la durée du métrage. Les contrastes, quant à eux, se révèlent assez mous et ne pourront que décevoir. Nous soupçonnons par ailleurs des carences en oméga 3 et/ou vitamines C chez certains membres du casting. En effet, la perte de poils et cheveux semble abondante et ceux-ci se retrouvent systématiquement collés à l'objectif et donc présents sur la copie non restaurée du film. Les artefacts et autres griffures (encore un coup des démones ?) sont de surcroît assez nombreux et polluent quelque peu le visionnage. Nous avons donc là une copie très imparfaite et ce malgré une définition plutôt bonne…
Sur le plan sonore, le disque s'avère très correct avec une piste chinoise d'origine parfaitement claire. Nous pourrions reprocher à cette unique option sonore un certain manque de pèche lors des séquences les plus mouvementés (nous pensons bien entendu aux combats…) mais qu'importe car l'ensemble rempli globalement son office… S'adjoindront à cela trois sous-titrages distincts. Le chinois traditionnel ou simplifié n'étant, a priori, pas le fort de l'occidental moyen, nous évoquerons essentiellement l'alternative anglaise qui apportera entière satisfaction. Quelques fautes d'orthographes sont bien à noter mais passons outre car l'ensemble est compréhensible et surtout très accessible.
Du côté des bonus, l'édition Joy Sales déçoit quelque peu. En effet, tout comme les DVD des deux volets précédents, ce disque ne propose qu'une petite galerie d'images en basse définition ainsi que la bande annonce du film. Où sont passées les filmographies de l'édition précédente ? Qu'en est-il des bandes annonces des autres films de l'éditeur ou même de la saga concernée ? A la trappe ! Tant pis pour le consommateur qui devra donc se contenter d'un contenu bien maigrichon…