A peine les cendres de la jolie fantôme enterrées afin de permettre sa réincarnation, le jeune collecteur d'impôts (Leslie Cheung) est confondu avec un dissident politique. Emprisonné, il parvient néanmoins à s'échapper. Errant dans la forêt accompagné d'un moine taoïste (Jacky Cheung), il est attaqué par une horde de fantômes. Des fantômes ? Ou plutôt une équipé de brigands se faisant passer pour des revenants. Le pataquès autour de l'identité du collecteur d'impôts lui assure immédiatement l'adoption des hors-la-loi. Une compagnie dont notre héros se passerait bien, sauf qu'il croit reconnaître chez une femme du groupe le sosie parfait du fantôme qu'il avait tant aimé.
Après le succès international phénoménal de HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS, il paraissait évident qu'une séquelle allait être dégainée le plus vite possible par l'industrie, alors en ébullition, de Hong Kong. Il faudra malgré tout attendre trois ans pour que cette suite se concrétise, un retard justifié par l'emploi du temps surchargé des deux vedettes du premier opus, Leslie Cheung (également une pop star très active à l'époque) et Joey Wang qui tournait alors plusieurs films à la fois . La mise en chantier de HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS II se fait donc en 1990, soit quelques mois après le massacre de la place Tian'anmen en Chine Populaire, où l'armée dissipa dans une grande violence une manifestation majoritairement constituée d'étudiants et d'intellectuels. Un drame terrible qui inquiète d'autant plus fortement les cantonnais de Hong Kong qui voient la rétrocession de l'ex-colonie arriver à grands pas (en 1997). Aussi fantaisiste et décomplexé soit-il, HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS II va malgré tout adopter une teinte beaucoup plus sombre et âpre que le premier volet en conséquence de cette actualité sinistre.
HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS avait enchanté le monde entier avec son héros candide, l'incroyable grâce de son héroïne, la folie de ses scènes d'actions, le toupet de ses changements de ton (oscillant entre le burlesque et l'horreur), l'imagination hors norme de son univers tiré de la culture classique chinoise, l'érotisme pudique de son histoire d'amour également. Soyons franc, rien de tout celà ne se retrouve dans HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS II. Si la séquelle se force à citer en permanence son modèle au détour de nombreuses scènes (avec entre autres quelques baisers «accidentels», Joey Wang se lavant face à un baquet, le «rap» du moine chanté cette fois par Leslie Cheung), l'ambiance crépusculaire et surtout le manque de romantisme change radicalement le ton de cet épisode. Le personnage interprété par Joey Wang n'est en aucun cas la réincarnation de l'irrésistible fantôme de l'original (car les événements de cette suite s'enchaînent immédiatement), mais une amazone qui a d'autres priorité que de compter fleurette avec un jeune lettré. Son objectif, ainsi que celui de sa troupe de rebelles, est de libérer un leader politique d'un gouvernement corrompu (car usurpé par des monstres à formes humaines – la référence à l'actualité de l'époque est par ici). Avec un tel état d'esprit, le romantisme peine à se faire une place, même si le film s'obligera à rapprocher (y compris de manière téléphonée) les deux anciens amants du premier film.
Ce qu'il perd donc en lyrisme et beauté, HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS II va tenter de le récupérer par la surenchère. Surenchère de personnages tout d'abord avec l'ajout de trois supers guerriers pour aider notre héros dans sa croisade contre les monstres : un jeune moine taoïste ayant le pouvoir de voyager sous terre et de «figer» ses adversaires (Jacky Cheung, revu dernièrement dans la comédie musicale PERHAPS LOVE de Peter Chan), un bretteur d'excellence se battant avec une collection de sabres hérissés dans son dos ou encore avec des fléchettes explosives (Waise Lee, le traître d'UNE BALLE DANS LA TETE de John Woo), et bien entendu le moine du premier film (Wu Ma) qui viendra donner un coup de main de dernière minute. Cette multiplication des rôles vaut aussi pour la distribution féminine, car un début de triangle amoureux va se former avec la sœur du personnage de Joey Wang, la jolie Michelle Reis (alors fraîchement nommé Miss Hong Kong et débutant une carrière cinématographique qui l'enverra plus tard aussi bien chez Takashi Miike pour THE CITY OF LOST SOULS que chez Hou Hsiao-hsien pour LES FLEURS DE SHANGAÏ).
La surenchère est également présente au niveau de l'action, qui prévoit des empoignades homériques avec un monstre géant habitant un manoir hanté, ou encore avec un mille-pattes encore plus gigantesque en guise de bouquet final. Conscient que le savoir faire local n'est pas à la hauteur des ambitions, Tsui Hark (en tant que producteur) engage les services de l'américain Nick Allder (oscarisé pour sa participation sur le ALIEN de Ridley Scott) pour superviser notamment le fameux centipède. Le résultat est malheureusement catastrophique. Les monstres de HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS II sont incroyablement cheap, rabaissant de nombreux crans le spectaculaire tant promis. En comparaison, les quelques effets spéciaux numériques présents (alors à leurs balbutiements à Hong Kong) vieillissent bien mieux. La séquence où le moine joué par Wu Ma libère une centaine d'épées dorées, pour que nos héros puissent voyager dessus telles des planches de surf, fonctionne encore bien si l'on veut bien plisser quelque peu les yeux. Reste en contrepartie l'incroyable maîtrise du cinéma cantonnais pour les empoignades volantes, où la kinétique survoltée alliée à un bagou du découpage laisse toujours sans voix.
Bien entendu, après le coup de cœur provoqué par HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS, cette suite fait office de douche plutôt tiède. A aucun moment le film parvient à s'élever au niveau de son prédécesseur. Est-ce parce que Tsui Hark, qui avait supervisé très étroitement le premier film, a laissé ici les mains libres à son bras droit Ching Siu-Tung à la mise en scène ? Est-ce parce que HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS, de par sa conclusion, n'appelait tout simplement pas de suite ? Quoiqu'il en soit, HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS II est une déception. Une déception très divertissante malgré tout. Car si le spectacle est un peu entaché de ringardise, si la romance est artificielle, si le récit est tour à tour lâche et bousculé, le film parvient sans mal à captiver grâce à son savoir faire solide. On préfèrera ainsi les phases de comédies manipulant le quiproquo jusqu'à l'absurde (comme la séquence où une formule magique mal maîtrisée va alternativement «figer» et «défiger» nos héros tandis qu'un monstre s'approche). Rien d'extraordinaire pour le cinéma de Hong Kong de l'époque, si ce n'est le plaisir de replonger dans cette inspiration désormais révolue avec un Leslie Cheung alors à l'apogée de sa carrière populaire. Malheureusement, le comédien se suicidera le premier avril 2003.
HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS II est édité en France par notre spécialiste local de la qualité asiatique en DVD. De quoi nous mettre en confiance afin d'oublier la précédente édition française très passable sortie vers les débuts du support chez un autre éditeur. Cette nouvelle copie est tout simplement superbe. Absolument aucun défaut ne vient gâcher le spectacle. La piste sonore comprend la bande son d'origine, ainsi que le doublage français d'époque (le film connu une sortie salle durant l'été 92).
Le disque bénéficie de peu de bonus. Outre les bandes-annonces de l'éditeur, que l'on retrouve systématiquement sur chacune de leur sortie, un court reportage va donner la parole au compositeur James Wong (fidèle collaborateur de Tsui Hark) malheureusement disparu en 2004. Une interview très intéressante qui permet d'expliciter les méthodes de travail du musicien (qui travaillait beaucoup sur les récurrences des mélodies) tout en nous donnant des anecdotes sur Leslie Cheung et Sally Yeh, qui chantent respectivement sur les thèmes du héros et de la femme fantôme. A noter que le film est disponible à l'unité ou à l'intérieur d'un coffret somptueux, si l'on excepte le système de rangement des DVDs (fiché à même du papier cartonné), regroupant HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS, HISTOIRES DE FANTOMES CHINOIS II et HISTOIRES DE FANTOMES CHINOIS III. Les heureux possesseurs du coffret (numéroté) auront de plus droit à un «bonus» supplémentaire, en l'occurrence un livret détaillant la genèse de la trilogie et le parcours de ses créateurs, tout en nous offrant la nouvelle originale qui inspira le premier film.