Sid (Jean-Baptiste Maunier) est un jeune adolescent un peu looser. Sa mère n'a pas les moyens financiers de l'entretenir dans le culte consumériste typique de son âge, et la fille dont il est amoureux l'ignore. Pour essayer d'être « in », Sid se met en quête d'un téléphone portable cool et dans ses maigres moyens (quel paradoxe). C'est alors qu'il fait l'acquisition d'un étrange prototype rouge qui semble posséder le don d'exaucer les vœux. Mais à quel prix ?…
Le nom de James Huth est immédiatement associé à son deuxième long-métrage, le pâteux BRICE DE NICE. Le gros succès public du film récompensait plus la performance du comédien Jean Dujardin que les piètres qualités de réalisation de la chose. BRICE DE NICE serait pourtant mal présenter James Huth. Après quelques courts-métrages, l'homme signe le furieusement décalé SERIAL LOVER avec Michèle Laroque et Albert Dupontel en 1998. L'accueil injustement mitigé du film l'écarte de la réalisation pour un temps. En 2003, il est co-producteur sur le curieux DEAD END de Jean-Baptiste Andrea et Fabrice Canepa. Il faut attendre 2005, pour que Huth soit appelé à la rescousse sur le tournage de BRICE DE NICE, qui connaît alors de grosses difficultés. En sauvant le projet, il entre (enfin) dans la cour des réalisateurs français dit «de confiance». Après une tentative avortée d'adaptation de la bande dessinée Blake et Mortimer, Huth se rabat sur HELLPHONE, un produit jeune et calibré qu'il tente d'épicer avec une forte dose de folie.
Signé de la main de Huth mais aussi de celle du co-réalisateur de DEAD END, Jean-Baptiste Andrea, le scénario de HELLPHONE ne lorgne pas du côté du japonais LA MORT EN LIGNE de Takashi Miike, mais calque en revanche le CHRISTINE de John Carpenter. Dans ce dernier, une voiture rouge démoniaque tombait «amoureuse» d'un jeune ado mal dans sa peau et l'aidait à résoudre ses problèmes dans le but de le posséder. Remplaçons la voiture par un téléphone portable (avec également un générique à même la chaîne de montage), tirons le ton de l'ensemble vers la comédie, et nous aurons une description parfaite de la première moitié du film. Une première partie également centrée sur un monde adolescent anachronique (ici on fait du skate en écoutant AC/DC comme dans les années 80) avec des mœurs bien actuelles car énormément conditionnées par la pression du groupe et le culte de la consommation. La première problématique de Sid n'est pas de séduire la jolie fille, mais de trouver l'argent pour s'acheter un portable, sésame indispensable pour tenter de séduire la jolie fille.
Avec son téléphone fonctionnant comme une lampe d'Aladin, les premiers vœux de Sid sont de l'ordre du quotidien immédiat : modifier le menu de la cantine (Mc Donald pour tout le monde), entrer dans les clubs de strip-tease, ou encore récupérer les sujets de contrôle. Il faut attendre la deuxième partie pour voir le film s'encanailler un peu plus, en révélant la vraie nature démoniaque du téléphone. Comme CHRISTINE, ce dernier sera prêt à tout pour garder possession de Sid. Quitte à tuer violemment l'un des caïds en le martyrisant, organiser une séance de folie meurtrière chez les amis de sa petite amie (dans l'espoir qu'elle y passe), ou encore lever une armée d'ados hypnotisés prêt à tout pour posséder cet outil magique (le film se permet ainsi quelques pics envers le culte de la consommation chez les jeunes). Rien de révolutionnaire, mais l'occasion de pas mal de citations (aux films de zombies, au VILLAGE DES DAMNES, mais aussi à GREMLINS, ORANGE MECANIQUE, RETOUR VERS LE FUTUR ou DEAD END aussi, auto-promo oblige) en plus de quelques morts bien sadiques (comme une jeune fille se plantant tout le contenu d'un tiroir de cuisine dans le ventre, cure-dents compris). Quant aux maniaques des détails, ils seront servis avec moult clins d'œil au genre (comme lorsque Sid frappe son principal ennemi avec le double DVD français d'EVIL DEAD 2).
Si James Huth est bridé dans ses délires trashs (il n'y a pas une seule goutte de sang), il se lâche plus volontiers dans une mise en scène tarabiscotée et énergique, sublimée par une photographie très réussie. Grand angle à gogo, montage dynamique, nombreux mouvements de caméra assemblés en synthèse, l'homme se fait plaisir même si l'ensemble manque parfois d'élégance (on frôle le «Jean-Marie Poiré stylz'» à plus d'une reprise). L'homme se permet, et c'est sûrement le plus amusant, de nombreuses embardés dans le mauvais goût. Ainsi, Sid est constamment charrié car son père a quitté sa mère pour un gogo-dancer, son ami Tiger est quant à lui harcelé par le poster central de Playboy où sa mère posa nue avant sa naissance, et la perte du pucelage revient assez régulièrement dans les dialogues. Un soupçon de AMERICAN PIE, pour une fois vraiment drôle et bien intégré.
HELLPHONE s'avère donc une découverte pas déplaisante grâce à son énergie et son attitude délurée, particulièrement rafraîchissante dans un cinéma français qui peine à se renouveler. Ne nous mentons pas non plus, le film est extrêmement ciblé pour les ados, et les nombreuses problématiques du film feront bailler les plus de 17 ans. Les adultes peineront régulièrement à se passionner, aussi à cause d'un casting adolescent globalement peu empathique (mené par Jean-Baptiste Maunier juste passable, et qui se rachète une conduite rock'n'roll après les vocalises de la France de papa dans LES CHORISTES). Reste quelques apparitions de guests stars (Bruno Salomone imite le castor et offre ses crottes de nez, Jean Dujardin nous fait un rappel de Brice) et surtout quelques idées bien hard. Comme ce gérant de poulet frit qui se pane littéralement la tête dans de l'huile bouillante. Un hommage au premier TOXIC AVENGER ?
HELLPHONE a connu une carrière salle quelque peu éclair. Un sort peu justifié que son édition DVD va tenter de renverser. Techniquement, le film ne pose aucun problème. L'image est parfaite, et la piste sonore en 5.1. est très tonique. Très présent sur le DVD, James Huth se fend bien entendu d'un commentaire audio. L'enthousiasme de l'homme lui confère une parole soutenue, qui se concentre quasi exclusivement sur les astuces de réalisation. Ne sachant réellement à qui il s'adresse (ados ? adultes ?), Huth se montre dans le doute très didactique sur ses méthodes. Intéressant mais très technique à la longue. Heureusement, le réalisateur s'attarde parfois sur des enjeux plus personnels, comme sa manie du son qui le pousse à travailler beaucoup de détails insolites (comme d'intégrer un léger chant de mogwaï dans la boutique chinoise du Hellphone).
Le disque propose un Making Of certes promo mais diablement sympathique, qui nous immerge pendant une vingtaine de minutes sur le tournage. Si on prend vite peur en voyant James Huth partir complaisamment en hystérie sur son plateau, l'homme se montre très agréable et mesuré en position d'interview pour nous expliciter l'expérience de HELLPHONE. On retient surtout le travail de l'équipe sur des prises de vues parfois complexes, ainsi que la fraîcheur du jeune casting, bien plus sympathique en coulisses que devant la caméra. Décidément très présent, le réalisateur nous introduit également chacune des scènes coupées du film. Des scènes souvent réduites à un seul plan, à des versions alternatives, ou encore à des improvisations, d'où surnage une vraie séquence inédite dans le fast-food où travaille Sid. L'occasion de profiter un peu plus de l'amusante performance de Christian Hecq en gérant psychotique. On se quitte avec un clip vidéo du jeune groupe signataire de la chanson leitmotiv du film (une jolie contrefaçon d'AC/DC, imitation de Brian Johnson à l'appui) et d'une poignée de bandes-annonces.