En 1917, une petite section de soldats anglais trouve refuge dans les tranchées allemandes. D'apparence abandonnée, l'ambiance irréelle des lieux va s'insinuer dans leurs esprits, induisant des visions horribles, et en conduire certains à la folie meurtrière.
En 2002, le réalisateur anglais Michael J. Bassett signe son premier long métrage qui est en quelque sorte son projet de rêve et dont le scénario était écrit depuis longtemps. L'histoire reprend le thème classique de la maison hantée tout en situant l'action dans un endroit inattendu, en l'occurrence les tranchées ennemies de la Première Guerre Mondiale. Comme une bonne idée arrive rarement seule dans le monde cinématographique, les anglo-saxons avait proposé deux autres films au concept identique à l'époque : THE BUNKER et le très injustement boudé ABÎMES qui poussait la claustrophobie à son maximum en nous emmenant à bord d'un sous-marin. Bien que THE BUNKER traite d'un sujet sensiblement similaire à celui qui compose LA TRANCHEE, la différence la plus notable est à trouver au niveau de l'écriture et des choix de mise en scène. Le premier souffre de personnages stéréotypés et d'un manque de suspense flagrant (voire de plusieurs idées très mal exploitées) alors que le métrage de Bassett démontre un certain effort au niveau de l'écriture qui fait que les personnages sont attachants ou, au moins, ont des motivations claires.
Et, justement, pour camper les héros de son film, Bassett s'est entouré d'acteurs anglais de haut niveau. Le groupe de survivants est mené par le capitaine Jennings, joué par Laurence Fox que l'on aura vu dans le très bon THE HOLE, son premier film. L'autorité du capitaine est rapidement mise à mal, autant par les évènements que par ses propres hommes. Jennings tente bien de résister et de préserver ses croyances rationnelles mais verra sa vie voler en éclats de bien sombre façon. Sous ses ordres se trouve le nouvel arrivant, Charlie Shakespeare, campé par le jeune Jamie Bell qui en avait impressionné plus d'un, à juste titre, dans BILLY ELLIOTT. D'ailleurs, Peter Jackson ne s'est pas trompé non plus en lui donnant le rôle de Jimmy dans son remake de KING KONG. Shakespeare n'est en aucun point différent de n'importe quel autre adolescent parachuté au milieu d'une guerre où il n'a pas sa place. D'abord peureux au point d'être lâche, il finira par se faire à sa nouvelle condition principalement parce qu'il n'a pas le choix. L'acteur est absolument épatant de justesse, ses émotions soulignées par son physique frêle et son regard perdu et innocent.
Au casting, nous trouvons ensuite Andy Serkis dans le rôle de Quinn, un homme intense et sans pitié. L'acteur a une soixantaine de films au compteur mais s'est surtout fait un nom reconnaissable depuis sa participation à la trilogie du SEIGNEUR DES ANNEAUX de Peter Jackson en campant l'inoubliable Gollum. Depuis, on l'aura vu également dans KING KONG ou encore LE PRESTIGE. Serkis est un acteur de méthode ce qui implique qu'il se lance corps et âme dans son personnage, au point de s'oublier soi-même. C'est particulièrement évident ici où il crève l'écran de par sa présence graduellement menaçante avant de terminer dans une explosion de cruauté qui lui sera payée au centuple. A côté de ces trois protagonistes très expressifs, Hugo Speer (THE FULL MONTY) joue un sergent Tate beaucoup plus introverti faisant office de figure paternelle aux yeux de Shakespeare. Tout est très subtil mais l'importance du personnage est non négligeable et aura un rôle bien précis à jouer lors des affrontements finaux.
Malgré des seconds rôles aux personnalités bien distinctes, Bassett a parfois du mal à les imposer comme c'est le cas pour le caporal Bradford, un homme très religieux. Il se promène avec sa bible et porte une croix autour du cou mais semble être le seul à avoir une réelle croyance spirituelle. Ainsi, lorsqu'arrive certaines révélations, on a un peu de mal à croire en ce qu'il représente du fait que la spiritualité de ses compagnons n'est jamais évoquée. Ce traitement un peu maladroit se retrouve aussi au niveau du rythme qui n'est pas toujours constant mais qui, malgré tout, ne ralentit pas le film au point de l'embourber complètement et infliger l'ennui.
Bassett réussit à instaurer une vraie ambiance dans son film. Dès les premières images assez impressionnantes, on est en plein milieu des horreurs de la guerre avec ses explosions, les fuites, la terreur devant l'inattendu et la peur de pouvoir mourir à n'importe quel instant. La pluie constante rajoute au malaise palpable qui domine dans la tranchée investie par les rats, où tout n'est que boue épaisse et désespoir pesant. Physiquement et moralement au bout du rouleau, les survivants doivent gérer les situations inexpliquées comme ils peuvent et surtout, prendre les bonnes décisions dont dépend la survie de chacun. Evidemment, à tout cela s'ajoute l'horreur physique des blessures par balle ainsi que celles, plus terrifiantes, infligées par ce qui habite ce lieu désolé. Le film n'est en rien parsemé de gore mais les quelques plans présents produisent un effet certain, comme ce jeune soldat tellement dopé à la morphine qu'il ne sent pas les rats lui bouffer les jambes ou encore le final aux barbelés, très HELLRAISER dans l'esprit.
LA TRANCHEE ne se hisse pas aux côtés de fleurons du genre « lieu hanté » mais remplit plus que honorablement son contrat, révélant surtout un réalisateur dont le talent se confirmera avec le brutal WILDERNESS.
Sur le DVD français, l'image est proposée dans son format 2.35 d'origine et présente des problèmes de compression, en particulier durant les scènes d'action qui prennent un aspect imprécis ce qui est vraiment dommage au vu des efforts fournis au niveau de la photo et de la mise en scène. Les couleurs sont ternes, parfaitement ajustées, et certaines images sont franchement belles. Bassett sait construire ses plans sans toutefois innover et surtout nous faire croire à son histoire ce qui reste le principal.
Les pistes sonores sont au nombre de trois, deux pour le doublage français et une pour la version anglaise sous-titrée. Le son a été mixé en Dolby Digital 5.1 dans les deux langues avec un supplément DTS pour le doublage français. Le bruit incessant de la pluie est tour à tour hypnotisant ou stressant et les bruitages ont été bien travaillés de façon à compléter l'ambiance surnaturelle voulue, le tout se répartissant correctement sur toutes les enceintes. Un grand soin a également été apporté au score de Curt Cress et Chris Weller, évoquant la tristesse, l'isolation, la terreur ou l'appréhension comme il se doit.
La section suppléments propose d'abord un commentaire audio sous-titré avec Michael J. Bassett, Jamie Bell et Laurence Fox qui débute dans la bonne humeur et continue jusqu'à la dernière seconde du générique de fin où ils remercient pour ainsi dire chaque personne mentionnée à l'écran. Mise à part la très bonne ambiance, ceci est un commentaire comme on aimerait en entendre plus souvent - riche en anecdotes, en discussions sur tous les personnages, en informations sur le tournage (très éprouvant), le budget limité et les nombreuses coupes faites par le studio. Comme tous les réalisateurs lucides, Bassett ne peut passer sous silence ce qu'il considère comme étant des défauts, ainsi que de petits soucis de continuité ou de présence à l'écran d'éléments qui ne devraient pas y être alors que le budget ne permettait pas de les effacer numériquement en post-production. Drôle, informatif et agréable à suivre.
Sur le tournage est un module d'une petite quinzaine de minutes présentant des images prises sur le vif durant le tournage, donnant surtout une bonne idée des conditions difficiles lorsque tout le monde, y compris Bassett, pataugeait dans la boue et gelait par des températures en-dessous de zéro. Le segment n'est pas commenté mais nous assistons à la préparation ainsi que le tournage de quelques scènes notamment l'introduction avec ses jolies explosions, et une partie de la fin alternative dont parle Bassett sur le commentaire audio.
Les scènes coupées sont au nombre de cinq avec, en plus, l'essai de sept minutes tourné par Bassett pour convaincre les investisseurs de sa capacité à réaliser le film. Le tout est présenté en continu sur un peu plus de seize minutes, chaque scène précédée d'un carton explicatif de Bassett sur les raisons de la coupe (budget, rythme…). Mais le vrai bonus ici est clairement l'essai aux images d'une profondeur étonnante malgré des couleurs quasi inexistantes, révélant la passion du réalisateur pour son sujet et ses capacités évidentes à le mettre en scène de façon convaincante.
Les interviews durent presque seize minutes et présentent le réalisateur ainsi que les acteurs principaux discutant de leur personnage ou des relations sur le plateau. Nous terminons par trois bandes annonces dont celle du film avant d'éteindre le lecteur avec le sentiment agréable d'avoir regardé juste ce qu'il fallait comme suppléments, sans ennui et répétition. Comme quoi, il ne suffit pas de remplir la section des suppléments à ras-bord pour que le contenu soit attractif.