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Critique du film et du DVD Zone 3
DEVILMAN 2004

 

L'introverti Akira et le violent Ryo, malgré leur opposition de caractères, sont de grands amis d'enfance. Alors qu'il travaille à la recherche de nouvelles formes d'énergie, le père scientifique de Ryo creuse trop profondément la Terre et ouvre une brèche vers le monde des démons. Ces derniers libérés, ils vont commencer à dévaster le monde. Akira et Ryo eux-mêmes vont se trouver «contaminés» par ces esprits ancestraux. Ryo devient le réceptacle de «Satan», le roi des démons. Quant à Akira, il devient l'alter ego de «Amon», un esprit qu'il parvient néanmoins à contrôler pour tenter de sauver l'humanité.

Extrêmement populaire au Japon, le personnage de Devilman fait partie du bestiaire crée par Go Nagai, célèbre mangaka connu chez nous pour être le créateur de Goldorak. N'allez cependant pas croire que le Devilman de papier est initialement une œuvre tout public. Incroyablement sombre, violent et bourré de connotations sexuelles, Devilman fait partie de la section plutôt «adulte» de l'œuvre de Go Nagai. Car si ce dernier pouvait aussi bien travailler à des histoires pour enfants (comme Cutey Honey alias Chérie Miel chez nous), l'homme pouvait également donner dans le gratiné. Citons sa super héroïne Kekko Kamen, une justicière portant un masque pour seul vêtement. Décliné en OAV (des moyens-métrages d'animation) ou en films de V-Cinéma (les «direct-to-video» nippons), le générique est toujours le même : «Personne ne connaît son visage, mais tout le monde a vu ses parties intimes !…». Autre œuvre choc, le post-apocalyptique Violence Jack adapté en trois OAV. Incroyablement perverse et sadique, la bande dessinée n'hésite pas à mettre en scène des femmes amputées des membres au niveau de l'articulation, et de les promener à quatre pattes en laisse pour assouvir les besoins sexuels des brutes peuplant cet univers.

Crée en 1972, le manga Devilman n'est pourtant pas une œuvre fleuve typique de la bande dessinée japonaise puisqu'elle tient sur seulement cinq volumes. Parallèlement à sa parution papier, l'histoire est adaptée en série télé. Bien évidemment, cette dernière édulcore considérablement les outrances du matériel d'origine pour le recentrer vers le tout public. Il faut attendre 1987 pour que l'OAV d'animation DEVILMAN : BIRTH de Tsutomu Lida ose une nouvelle adaptation beaucoup plus proche du ton initial. Cet essai connaîtra deux séquelles qui s'amuseront à repousser les limites de la violence graphique. Une première en 1990 sous le titre DEVILMAN : SIREN, THE DEMON BIRD, et une seconde plus tardive en 2000 avec AMON : DEVILMAN APOCALYPSE. Et lorsque le grand studio japonais Toei annonça quelques années plus tard la mise en chantier d'une adaptation live du personnage, il paraissait évident que le budget conséquent imposé par la représentation dantesque de l'univers de Devilman s'accommoderait très mal à l'ambiance tordue du travail de Nagai (qui fait d'ailleurs une apparition dans le film, en badaud lisant le journal).

Sorti au Japon fin 2004, DEVILMAN travesti la mythologie originale pour se transformer en blockbuster ciblé pour la jeunesse nippone. Le film est signé par Hiroyuki Nasu, un habitué des adaptations puisqu'il avait auparavant tiré pas moins de six films «lives» du manga Bee Bop Highschool. Les deux personnages principaux, Akira et Ryo, sont confiés aux deux frères Hisato et Yusuke Izaki. Sans aucune expérience de comédie, ces derniers tiennent le haut de l'affiche tout simplement parce qu'ils sont extrêmement populaires grâce à leur boys band Flame. Un principe de starification contestable mais particulièrement courant dans le cinéma japonais (même Shinya Tsukamoto a confié le rôle principal de son NIGHTMARE DETECTIVE à la pop star Hitomi). Pour mettre en scène ses démons grandiloquents et ses scènes de destructions massives, DEVILMAN opte pour une utilisation massive d'images de synthèse caviardées par instants d'images dessinées. Le métrage se veut ainsi comme un métissage entre live, animé et film en 3D.

Malheureusement, DEVILMAN ne fait pas illusion bien longtemps. Le scénario tout d'abord prend des libertés mal choisies avec le matériel d'origine. La fusion entre Akira et le démon Amon n'est plus «consentante» comme dans la bande dessinée, mais accidentelle. Le film tire également un trait sur la schizophrénie du personnage principal (un humain capable des pires violences une fois transformé) pour en faire un espèce de super héros qui invoque à loisir sa partie «sombre» sans que cela modifie son comportement. Le film vire donc en permanence vers un manichéisme dont l'absence faisait justement le sel de l'histoire originale.

Gros budget pour le cinéma japonais, DEVILMAN n'en reste pas moins souvent «cheap» au vu de ses ambitions. Les Yens ont été engloutis par millions dans les images de synthèse au rendu très disparate. Si certains plans sont très détaillés et impressionnants (les plans rapprochés des démons, les paysages urbains dévastés d'où s'élèvent des colonnes de chair constituées des corps nus des damnés), d'autres manquent cruellement de finition. En règle générale, l'animation et l'intégration de la 3D dans les plans filmés ne sont pas du meilleur niveau. Un reproche qui n'est pas à imputer au talent des artistes locaux, mais tout simplement à une production qui n'avait pas les épaules financières pour chiader ses images de synthèse. Les séquences en 3D sont d'ailleurs souvent très brèves dans le film, ce qui nuit considérablement à l'impact des différents affrontements expédiés en deux temps trois mouvements. Le film prévoit d'ailleurs des transformations «intermédiaires» en maquillage prosthétique, afin de soulager le nombre de plans à truquer par ordinateur.

Si DEVILMAN y va donc mollo sur ses empoignades de démons entre les grattes ciels, la narration s'attarde en revanche sur l'invasion des esprits prenant forme humaine (plus économique) et la riposte militaire aveugle. «C'est la guerre» nous informe le catcheur Bob Sapp reconverti en peu crédible présentateur de simili CNN. Une guerre à l'échelle mondiale, mais qui se déroulera à l'économie dans deux ruelles de Tokyo et une maison de banlieue pour cause de budget déjà réservé à la postproduction. DEVILMAN s'attarde en effet longuement sur les parents d'Akira recueillant une jeune fille elle aussi contaminée par un esprit. Un ressort sans aucune incidence dramatique, mais qui sert juste à meubler un long tunnel de sitcom qui occupe l'interminable heure centrale du film. Pendant ce temps, l'armée mène une vendetta anti-démons (qui rappelle THE CRAZIES de Romero) à la conclusion assez étrange puisqu'elle finira juste par illustrer le fameux choc générationnel qui sévit au Japon en faisant s'affronter jeunes et adultes (à la BATTLE ROYALE).

Malgré son budget conséquent et ses quelques plans visuellement bluffant, DEVILMAN respire la série Z en permanence. Une impression, il est vrai, énormément renforcée par l'interprétation absolument catastrophique de nos deux chanteurs de variétés. L'un des frères s'en sort d'ailleurs mieux que l'autre, malheureusement, le metteur en scène ne lui a confié que le quatrième rôle. Et pourtant, malgré cette accusation à charge, DEVILMAN délivre quand bien même son lot de séquences bien bis qui méritent un coup d'œil amusé. La séquence la plus folle du film voit intervenir comme un cheveu sur la soupe (ou plutôt ici comme une plume dans le Cup Noodle) Siren, la créature mi-femme mi-aigle mi-colombe et accessoirement ancienne compagne de Amon. Le film ose la représenter littéralement (pour un rendu des plus kitschos) mais commet une trahison de taille : il ose l'habiller d'un maillot de bain à plume tandis qu'elle est intégralement nue dans le manga. Heureusement (et pour une raison indéterminée) son maillot de bain va opérer un morphing pour se transformer en sous-vêtements bien plus légers pour l'empoignade qui suivra, juste histoire de faire deux trois plans furtifs de culotte. Sacrés japonais !

DEVILMAN existe dans différentes éditions de par le monde, y compris chez nous. Mais comme le film date de 2004, année de la Chine en France, nous avons choisi de chroniquer l'édition HK (c'est d'une logique implacable, non ?). L'image, globalement de bonne tenue, montre des signes de compression parfois bien envahissants. Le disque propose un mixage en Dolby Surround ainsi qu'une piste en Dolby Digital 5.1, à privilégier bien évidemment en fonction de votre installation. Le film possède des sous-titres anglais, mais n'offre aucun bonus.

Le réalisateur Hiroyuki Nasu est tristement décédé quelques mois après la sortie de son DEVILMAN au Japon. Une très vilaine plaisanterie dit qu'il n'a pas survécu à la vision de son propre film. L'adaptation cinématographique d'un personnage aussi fort que Devilman relève bien de l'échec consternant, un constat à imputer autant à une industrie locale en déséquilibre (qui donne des premiers rôles à des amateurs) qu'à un matériel original très difficile à adapter sur grand écran.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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Quelques beaux plans d’effets spéciaux
L’apparition totalement bis de Siren
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L'édition vidéo
DEBIRUMAN DVD Zone 3 (Chine-Hong Kong)
Editeur
Panorama
Support
DVD (Double couche)
Origine
Chine-Hong Kong (Zone 3)
Date de Sortie
Durée
1h55
Image
1.85 (16/9)
Audio
Japanese Dolby Digital 5.1
Japanese Dolby Digital Stéréo Surround
Sous-titrage
  • Chinois
  • Anglais
  • Supplements
      Aucun
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