Une petite équipe d'écologistes militants s'associe à une journaliste pour révéler au monde entier les terrifiantes expériences que commandite le gouvernement. Pour cela, ils se font accompagner sur une petite île perdue à la végétation foisonnante. Ce cadre idyllique est en effet, de sources sûres, celui élu par les militaires pour leurs traficotages génétiques… Bien qu'à priori sans danger, ces expérimentations ont fort classiquement échappé au contrôle des scientifiques. Le résultat ne tardera pas à se manifester et nos verts aventuriers comprendront vite que l'île est désormais habitée par un duo de reptiles aux dimensions proprement hallucinantes.
Le crossover est un concept qui ne date pas d'hier. Purement mercantile, cette démarche a pour objectif de confronter deux monstres sacrés pour un résultat sensé assouvir les fantasmes du spectateur. La télévision use de manière régulière du procédé (le héros de la série MILLENNIUM dans un épisode de X-FILES, LE CAMELEON épaulant la Sam Waters de PROFILER etc.), de même que la bande dessinée ou encore le jeu vidéo. Au cinéma, c'est très tôt que nous avons pu profiter d'improbables rencontres dans le domaine de l'horreur (FRANKENSTEIN RENCONTRE LE LOUP GAROU), du chambara (ZATÔICHI CONTRE LE SABREUR MANCHOT), du film de monstres (KING KONG CONTRE GODZILLA) ou même du western fantastico-louche (JESSE JAMES CONTRE FRANKENSTEIN)… Le crossover ouvre donc la porte à d'infinies possibilités pouvant aller de la plus passionnante à la plus folle, créant ainsi ce qui pourrait être un genre à part entière.
Alors que le concept c'était quelques peu essoufflé sur grand écran en raison de son caractère résolument bis, le voilà qui renaît dans l'esprit des fans de fantastique via une rapide séquence se situant à la fin de JASON VA EN ENFER. Il faudra toutefois attendre 2003, soit dix longues années, avant que le rêve ne se concrétise et que l'on puisse enfin découvrir le prometteur FREDDY CONTRE JASON. L'arrivée en salle d'un tel affrontement suscite bien entendu l'intérêt et suffit à relancer la mécanique. C'est ainsi que sort des cartons le projet ALIEN VS. PREDATOR (initié par le Comics du même nom) et que des produits vidéo, plus ou moins prometteurs, se mettent à fleurir. Parmi ceux-ci, nous citerons pour l'exemple VAMPIRES VS. ZOMBIES, BOA VS PYTHON et le KOMODO VS. COBRA qui nous intéresse ici…
KOMODO VS. COBRA est donc le croisement de deux «franchises» bien différentes. La première débuta au cinéma en 1999 avec le sympathique KOMODO avant de se poursuivre quatre ans plus tard en DVD via le très vilain L'ILE DES KOMODOS GEANTS. Concernant le «Cobra» du titre, il est tout simplement hérité du métrage (lui aussi issu du marché vidéo) KING COBRA bien platement réalisé en 1999. Une rencontre a priori peu passionnante, motivée à n'en pas douter par le franchement laid BOA VS PYTHON (deux franchises de deux opus chacune) sorti un an plus tôt…
Aux commandes d'un projet aussi opportuniste il fallait bien entendu un homme dont les capacités dans ce domaine ne sont plus à démontrer. Un génie capable de faire un film de monstres avec trois francs six sous, deux images de synthèses pourries et quelques soutiens-gorge sur le point de céder sous la pression. Cet homme, c'est bien entendu Jim Wynorski, déjà responsable du franchement ridicule L'ILE DES KOMODOS GEANTS qui mixait sans complexe lézards dodus, poupées gonflées et zombies atteints d'hypersialorrhée. Un mélange improbable, grotesque, souvent risible mais par-dessus tout rentable. Tout est dit, le mot clef est lâché. Il n'en faut pas plus pour poursuivre dans cette voie et laisser, une nouvelle fois, les commandes à l'incroyable réalisateur Cormanien qu'est Wynorski. Reste que pour semer le doute, l'homme préfère œuvrer sous couverture (la honte peut être ?) et usera ici de l'un de ses nombreux pseudonymes : Jay Andrews.
Pour KOMODO VS. COBRA, le bricoleur cinématographique ressort donc sa désormais classique boite à outils et s'entoure encore et toujours des mêmes collaborateurs. C'est ainsi que nous retrouverons au casting la plantureuse Glori-Anne Gilbert, déjà présente à l'occasion de l'opus précédent mais dans un rôle tout autre ! En effet, alors qu'elle était une fille de scientifique exhibitionniste, elle devient ici une malheureuse écologiste en quête de vérité… D'autres acteurs subiront le même sort et parmi ceux-ci, nous citerons le musculeux Paul Logan qui passe tout de même d'un rôle principal à celui d'une victime avalée gloutonnement en quelques secondes. Triste régression… Wynorski décide par ailleurs, grâce au flair qu'on lui connaît, d'étoffer son casting féminin via de nouvelles recrues. C'est ainsi que Jerri Manthey, Renee Talbert et Michelle Borth font ici leurs armes dans les rôles respectifs d'une journaliste obsessionnelle, d'une pin-up écervelée et d'une scientifique adepte du taille basse moulant. De bien belles performances qui, étrangement, ne donneront pas lieu aux effeuillages que l'on croyait pourtant indispensables à tout film de Wynorski.
Pour le premier rôle, celui de l'homme viril qui peut tirer 327 coups de feu sans recharger son revolver, c'est le très chanceux Michael Paré qui sera élu. Mais élu par qui ? Sans doute par lui-même puisque KOMODO VS. COBRA s'avère être la première expérience de l'acteur en tant que producteur exécutif ! Un choix plus que douteux de la part de cet interprète prometteur dont la carrière débuta de manière significative en 1984 avec les premiers rôles de LES RUES DE FEU et PHILADELPHIA EXPERIMENT avant de sombrer dans les abîmes du Bis à destination des vidéo clubs… Reste que l'homme semble aimer damer le pion aux créatures féroces puisqu'il détruira en 2004 le très factice monstre de GARGOYLES et cherchera prochainement à se tailler des bottes dans la peau du SAURIAN de John Carl Buechler. Michael Paré incarne donc dans KOMODO VS. COBRA un militaire d'élite reconverti en pilote de bateau de croisière… Un alibi comme un autre pour nous coller un homme de terrain au milieu d'un groupe d'écologistes effrayés.
Et effrayés, ils ont de quoi l'être. Car bien que l'on note une amélioration des effets spéciaux par rapport à L'ILE DES KOMODOS GEANTS, le résultat à l'écran s'avère assez souvent repoussant, voire même risible. Risible parce qu'incrustées sans le moindre effort, ces créatures en images de synthèse semblent totalement indifférentes aux éléments de décors qui les entourent. Le spectateur sera ainsi convié à moult tours de magie parmi lesquels la fameuse «patte de komodo flottant au dessus du sol» et la magnifique «queue de cobra traversant les arbres». On applaudit ! Un travail encore une fois particulièrement bâclé qui n'est pas sans impact sur le jeu des acteurs eux-mêmes. Ne nous étonnons donc pas si, la plupart du temps, nos braves aventuriers tirent bien au dessus de leur cible (laquelle se trouve à deux mètres d'eux) ou s'ils sont sommés de se tenir droits comme des «i» et bras contre le corps durant les quelques secondes qui précède leur gobage par l'un ou l'autre des deux monstres…
Non content des économies substantielles réalisées sur les effets spéciaux, Wynorski décide en plus d'assécher son scénario en participant lui-même à sa rédaction. Car l'homme est comme toujours débordant d'inspiration. Il puise donc encore et encore dans ses propres «classiques» que sont RAPTOR (son chef d'œuvre de fumisterie) et KOMODOS, deuxième du nom. Il n'est donc pas étonnant de retrouver pour la troisième fois des scientifiques tentant, à la base, d'oeuvrer contre la faim dans le monde. Sauf que cette fois-ci, leur plan est concret : Ils créent du maïs géant dont on pourra même admirer quelques épis en images de synthèse ! Mieux encore, on nous explique qu'«avec toute cette farine, on pourra faire cuire un million de miches de pain». Un enjeu impressionnant, étonnamment nommé «Projet Carnivore» (une miche mangeuse d'homme peut être ?), qui aboutira sur le drame auquel nous assistons dès l'introduction du film : L'île est occupée par une foultitude de monstres gigantesques n'aimant ni le maïs, ni les miches…
Encore une fois, le komodo déglutit une salive urticante et, pour ne pas changer, l'armée veut réduire l'île à néant. Une occasion comme une autre de maintenir le portefeuille fermé en réutilisant certains plans de destruction déjà vus dans L'ILE DES KOMODOS GEANTS. Nous noterons par ailleurs la présence d'autres stock-shots récurrents, comme ces très nombreuses vues aériennes nous dévoilant une végétation dense et, il est vrai, magnifique.
Pour ne pas changer avec Wynorski, les acteurs sont en roue libre et naturellement desservis par de monstrueux dialogues rivalisant de bêtise. Nous aurons à ce titre une pensée émue pour ce caméraman particulièrement professionnel qui, alors qu'il va se faire dévorer, use de son dernier souffle pour hurler «au secours, passez-moi ma caméra».
Ce qui choque avec KOMODO VS. COBRA, c'est donc avant tout son étonnante ressemblance avec L'ILE DES KOMODOS GEANTS. Moins sexy mais plus généreux en apparitions animales, cet opus ne propose en réalité que peu d'idées nouvelles si l'on excepte les remarquables capacités aquatiques du cobra… Le divertissement est donc de piètre qualité et le ridicule prend régulièrement le pas sur l'action. La bande originale, constituée d'une maigre poignée de notes récurrentes sur toute la durée du métrage, termine d'enfoncer le clou en lorgnant tristement du côté de la partition James Bondienne de John Barry…
KOMODO VS. COBRA arrive dans nos bacs via une édition plus classieuse (et bien entendu plus coûteuse) que celle proposée il y quelques temps pour L'ILE DES KOMODOS GEANTS. Comprenez par là, que contrairement au second opus, le troisième ne souffre pas d'un recadrage Pan & Scan barbare et dispose donc bien d'un transfert au format respecté 1.77 encodé en 16/9ème. Un bon point auquel il convient cependant de mettre un petit bémol. En effet, bien qu'elle ne soit pas traumatisante, la copie souffre d'un grain très présent sur toute la durée du métrage. Lors des scènes les plus sombres, c'est même à un véritable fourmillement que nous assistons. Fort heureusement, les séquences de nuit sont rares puisque «les monstres à sang froid n'attaquent jamais la nuit», dixit le film qui dévoile tout de même plusieurs attaques nocturnes alors qu'il fait cependant jour au même instant sur le reste de l'île… Du côté des pistes sonores, nous aurons le choix entre le doublage français en Dolby Digital 5.1 et la version originale anglaise en stéréo. Nous notons donc que le mixage anglais en 5.1 présent sur le disque américain a tristement sombré dans l'océan Atlantique. Concernant le doublage français ajouté pour l'occasion, il remplit partiellement son office. A savoir que les dialogues sont clairs, que la piste est sans défaut (tout comme la version originale) et qu'elle restitue parfaitement le grotesque des dialogues inhérent aux métrages de Wynorski. Un bon point pour les fans donc, qui regretteront cependant la platitude du mixage, particulièrement timide en terme de spatialisation…
Sur le plan éditorial, c'est sans surprise le grand vide. Il aurait été étonnant qu'un réalisateur spécialisé dans la tempérance financière décide de réclamer quelques billets pour la mise au point d'un quelconque Making-Of ou d'une Featurette… Quoiqu'il en soit, nous héritons tout de même de la bande annonce doublée en français et d'un menu animé débutant fort logiquement par l'image de demoiselles en bikini. L'esprit Wynorski est donc bien présent.
Voici donc un crossover que personne n'attendait et dont le paysage cinématographique n'avait pas vraiment besoin. Le réalisateur se contente encore une fois de recycler ses idées, images, acteurs et autres pour nous livrer un métrage d'une banalité confondante. Peu de choses différencient cet opus du précédent et l'intérêt même du «choc des titans» laisse perplexe. KOMODO VS. COBRA n'est donc qu'un pur produit d'exploitation, destiné à prendre la poussière sur les linéaires de votre vidéo club le plus proche. Du moins, c'est ce qu'il aurait dû être tant l'achat de la chose semble particulièrement osé.