A la fin des années 60 en Californie, un jeune couple est froidement exécuté par un tueur armé d'un pistolet. Quelques mois plus tard, un autre couple est poignardé à mort. Ces meurtres sont revendiqués par un homme se baptisant «le Zodiaque» au travers de lettres qu'il envoie aux journaux locaux accompagnés de cryptogrammes secrets. Le cas de ce serial killer va devenir obsessionnel pour l'inspecteur Matt Parish, qui va commencer à délaisser sa vie personnelle afin de tenter de résoudre à tout prix cette affaire.
Le Zodiaque est l'un des plus célèbres tueurs en série américains. L'homme a laissé derrière lui près d'une quarantaine de victimes entre les années 60 et 70. La mégalomanie pathologique du meurtrier le poussait à envoyer des lettres aux journaux ou à la police, aussi bien pour exiger de la publicité que pour annoncer d'hypothétiques attaques (comme des prises d'otages de bus scolaires que le tueur ne réalisera finalement jamais). A ce jour, le Zodiaque n'a jamais été identifié, ce qui lui confère une aura de mystère prompte à alimenter l'imaginaire.
Bien évidemment, le cinéma va être l'un des premiers médiums à s'emparer du personnage du Zodiaque et de la psychose que ce dernier a suscité en Californie. Dès 1971, l'inconnu Tom Hanson dirige THE ZODIAC KILLER, un slasher de très mauvaise réputation. La même année, L'INSPECTEUR HARRY met Clint Eastwood face à un tueur calqué sur le Zodiaque (il communique à la presse via des lettres, prend comme pseudonyme l'un des signes du zodiaque et fini par prendre un bus d'enfants en otage). Ensuite, le tueur va inspirer plus indirectement les auteurs comme William Peter Blatty (qui s'appuie sur le Zodiaque pour créer le tueur «le gémeau» de son roman Légion adapté dans L'EXORCISTE : LA SUITE) ou même la chinoise Ann Hui qui met en scène le thriller mafieux ZODIAC KILLERS.
C'est lorsque le cinéaste David Fincher annonce son grand retour au cinéma (après cinq ans d'absence suite à son PANIC ROOM), et qui plus est avec un projet racontant l'histoire du tueur du Zodiaque que le personnage connaît une seconde vie au cinéma. Une renaissance que l'on doit surtout au «buzz» du retour de Fincher aux films de serial killer, lui qui a révolutionné le sous-genre avec SEVEN en 1995. Le vieux briscard Ulli Lommel, ancien membre de la tribu de Fassbinder reconverti dans le fagotage de séries B, dégaine d'entré de jeu ZODIAC KILLER. Voyant que la production du Fincher s'éternise, Lommel a même le temps de torcher une suite en 2007 avec CURSE OF THE ZODIAC (il aura réalisé entre les deux sa propre version du DAHLIA NOIR pour se synchroniser sur le De Palma, gonflé le bonhomme). Le film que nous chroniquons ici, THE ZODIAC, a été déclenché également pour faire son beurre en devançant le film de Fincher. Ni plus ni moins.
Réalisé en 2005 par Alexander Bulkley, et scénarisé par ce dernier et son frère Kelley Bulkeley (la faute de frappe entre les deux noms est intentionnelle), THE ZODIAC se veut une reconstitution réaliste des évènements, comme l'a annoncé David Fincher en note d'intention de son propre film. Pour chercher de la documentation sur le tueur, rien de tel que de se pencher sur les deux livres de référence de l'affaire : Zodiac et Zodiac Unmasked, tous deux signé par Robert Graysmith. Initialement dessinateur dans l'un des quotidiens ayant reçu des lettres du tueur à l'époque, Graysmith se passionnera à ce point pour l'enquête qu'il aidera la police dans ses recherches. Il proposera la somme de ses conclusions dans ses ouvrages, et même une identité à ce mystérieux tueur.
Le ZODIAC de Fincher est autant une adaptation de l'affaire qu'un minutieux réexamen de l'enquête de Robert Graysmith. Sur ses deux heures et demie, le métrage est donc clairement scindé en deux parties : la reconstitution des faits puis la propre investigation de Graysmith incarné par Jake Gyllenhaal (via une mécanique de narration présumée que l'on pourrait rapprocher dans une certaine mesure à JFK d'Oliver Stone). Fincher ose clairement prendre le parti des livres dont il s'inspire et révèle l'identité du tueur preuves (de fiction) à l'appui. THE ZODIAC de notre jeune Alexander Bulkley n'a pas le bagou de la superproduction de Fincher et se bornera aux faits et rien qu'aux faits (les noms sont néanmoins changés, plus pour des questions de droits que de «respect des personnes vivantes»). Le film s'ouvre sur le premier meurtre associé au Zodiaque et s'achèvera quelques 90 minutes plus tard par la lecture de l'ultime lettre envoyée par le tueur (ce qui est, en fait, sa dernière manifestation officielle).
THE ZODIAC, s'il peut se laisser agréablement voir, n'est qu'une petite série B de modeste facture chassant sur les terres d'une grosse production très ambitieuse. THE ZODIAC est si proche de la première partie du film de Fincher, qu'il en constitue ni plus ni moins qu'une sorte de remake avant l'heure. Mais un remake aux petits bras, ce qu'aura tôt fait de constater le spectateur ayant vu la version de 2007 puisqu'il pourra comparer les films quasiment scène par scène. Malheureusement, si la mise en scène et l'interprétation se montrent carrées, elles ne s'élèvent jamais au-dessus du niveau d'un téléfilm lambda. Les séquences s'enchaînent mécaniquement, la reconstitution de l'époque manque cruellement de détails (juste quelques repères historiques disséminés ça et là, comme les premiers pas de l'homme sur la lune), et la psychose instaurée par l'affaire du tueur peine à s'installer.
Le rôle principal est confié à un Justin Chambers transparent (le comédien sort de la série GREY'S ANATOMY), et son personnage est une sorte de synthèse de l'inspecteur de police de l'époque et de Robert Graysmith puisque l'obsession du dernier est reportée sur le premier (ce qui nous vaut des séquences de ruptures familiales là encore identiques au Fincher). Sa femme est interprétée par Robin Tunney (vue dans VERTICAL LIMIT ou LA FIN DES TEMPS), et son fils est incarné par Rory Culkin, un énième rejeton de cette terrifiante dynastie d'enfants acteurs. THE ZODIAC s'attarde d'ailleurs beaucoup sur le personnage de l'enfant, comme pour mieux insister sur les dégâts que l'affaire a produit dans l'entourage des protagonistes de l'enquête plus que sur les victimes elles-mêmes. Un parti pris encore identique au film de Fincher car repris des livres de Graysmith. Inutile de dire que THE ZODIAC est à bannir d'urgence à tous les spectateurs ayant vu la version de 2007.
Le film sort chez nous dans une édition qui ne se fait pas beaucoup d'illusion. Si l'image ne souffre d'aucun défaut, si les pistes sonores font leur travail sans néanmoins trop d'emphase, le disque ne prend même pas la peine de reprendre les quelques bonus de l'édition américaine. Pas de commentaire audio des deux auteurs du film, ni de featurette sur le tournage du film. «Qui cela aurait-il intéressé ?», semble nous dire l'éditeur. Il faudra donc se contenter de la bande-annonce.
Dans la lecture de la dernière lettre du Zodiaque qui boucle le film, ce dernier espère que ses méfaits donneront un jour matière à un «bon film». Le souhait du tueur à été exaucé en 2007 avec ZODIAC de David Fincher. Quant à notre THE ZODIAC ici présent, il ne s'agit que d'un petit (télé)film jetable, déjà périmé par la sortie de son modèle. Les producteurs de la chose n'ont plus qu'à espérer que l'acheteur de DVD distrait confonde les deux titres avant de passer à la caisse… No comment !