Après THE DESCENT, SEVERANCE ou THE BACKWOODS, le renouveau du genre survival nous a encore fait un petit sous le titre de WILDERNESS. Le second film du réalisateur de LA TRANCHEE, Michael J. Bassett, est une œuvre qui ne lésine pas sur la brutalité tout en posant une question fondamentale : un adolescent criminel, est-il vraiment récupérable ?
Suite au suicide de leur souffre-douleur David, un groupe de détenus juvéniles est envoyé dans un endroit appelé simplement l'Île pour y apprendre la discipline et la vie en groupe où la survie de tous dépend des efforts de chacun. Dans ce lieu supposé désert, ils vont croiser un groupe de jeunes filles d'un autre centre de détention mais à peine la rencontre faite, ils se voient attaqué par une meute de chiens enragés appartenant à un tueur aussi sadique qu'invisible…
Pour son deuxième long-métrage, Bassett fait ce qui s'apparente à un virage à 180°. Exit les belles images infusées d'ambiance prenante pour laisser place à une mise en scène sans fioritures et d'un réalisme qui colle parfaitement avec son sujet. Exit aussi les manifestations surnaturelles qui terrorisaient les soldats dans les tranchées pour nous plonger cette fois dans un jeu de survie d'où personne n'est censé sortir vivant. La seule chose que les deux métrages de Bassett ont en commun est la solidité de leur scénario et en particulier un grand travail sur les personnages.
Le leader du groupe de détenus s'appelle Steve et l'on peut dire qu'il constitue une véritable étude de la nature humaine. Joué par un Stephen Wight plus habitué aux séries télé, le jeune homme incarne ici un personnage aussi troublant que naturel. Aucune faille n'est à détecter dans son jeu où prévaut la méchanceté pure. Steve n'existe qu'au travers de la violence qu'il inflige à autrui – sans cela, il n'est plus rien. Mis au pied du mur, comme dans la confrontation avec Danny suite à une humiliation cuisante infligée par une fille, il se tournera vers la destruction sans hésiter car incapable de compassion ou de réflexion sur sa personne. Au final, il se révélera n'être qu'un lâche mais le genre de lâche qui cache bien son jeu et arrivera (presque) toujours à s'en sortir grâce à sa personnalité vicieuse et sans scrupules.
Son ami le plus proche, c'est Danny (Brian Bache, dont c'est le premier rôle dans un film), un garçon un peu pataud chez qui l'on devine un bon fond. Son plus grand problème est qu'il est incapable d'imposer des limites aux autres et de ce fait, suivra Steve jusqu'au bout, quitte à trahir ses amis et même sa nouvelle chérie. Le nouveau-venu dans le groupe, Callum (Toby Kebbell, DEAD MAN'S SHOES) est un solitaire qui, malgré lui, va déstabiliser le groupe mené par Steve jusque là et assumer un rôle qu'il n'avait jamais demandé. Et en dépit de son vécu, il s'avérera être le plus à même de s'adapter à la situation et à changer. Les autres personnages, autant les filles que les garçons, sont un peu moins forts sans pour autant tomber dans le cliché de l'ado mal dans sa peau et qui hait le monde avec une insistance qu'il ne pourrait même pas expliquer. Chacun est ce qu'il est en ayant en commun l'incapacité de s'intégrer et de s'identifier. La peur accentue les personnalités de chacun, nous les présentant sous leur véritable jour qui n'est pas des plus glorieux. Mais au final, on se dit qu'ils ne sont que de grands enfants qui n'ont jamais eu une réelle chance de grandir et mûrir, invoquant ainsi plus la pitié que le dégoût.
Il est intéressant de constater le parallèle qui existe entre les personnages du superviseur Jed (Sean Pertwee, DOG SOLDIERS) et du Capitaine Jennings dans LA TRANCHEE. Tous deux sont présentés comme des hommes forts et autoritaires mais dès qu'un obstacle inexpliqué et hors de leur domaine d'expertise se dresse sur leur chemin, ils plient sous la pression jusqu'à se laisser malmener par leurs propres hommes. Face au danger qui les guettent, Jed perd tous ses moyens et prend les mauvaises décisions ce qui se révélera fatal pour la cohésion du groupe. A force d'imposer une unité qui n'existe pas, ses actes font ressortir d'autant plus les inimitiés entre les uns et les autres et ce qu'il pensait être une force sera sa véritable faiblesse.
Le groupe féminin est mené par Louise, une femme directe et autrement plus débrouillarde jouée par l'excellente Alex Reid de THE DESCENT. A l'opposé de Jed, elle n'hésite pas quand il faut prendre des décisions et on sent le groupe de filles plus soudé que celui des garçons, peut-être parce qu'il fonctionne plus sur la parole et moins sur la violence. Pourtant, le système carcéral fonctionne de la même façon pour tout le monde, déshumanisant des êtres qui, en l'occurrence, ont à peine commencé à vivre. Les femmes, sont-elles plus réhabilitables que les hommes ? Leur instinct de domination naturelle étant moins fort, elles ressentent moins le besoin de tout contrôler voire écraser les autres au mépris de leur propre sécurité. Car même dans des situations où le tueur a plusieurs personnes dans sa ligne de mire, Steve, par exemple, n'hésitera pas à poursuivre l'un de ses camarades qu'il juge responsable de tout, mettant leur cachette en péril.
L'identité du tueur en question ne sera révélée qu'à la fin. Prévisible pour les uns, une touche sympathique pour d'autres, ses motivations n'ont rien de fortuit et suivent la logique de l'histoire avec une bonne dose d'ironie en plus. Ses bergers allemands obéissent au moindre sifflement et sont de véritables machines à tuer qui ne lâchent prise qu'une fois la victime mise hors service. Cette brutalité donne lieu à quelques scènes très efficaces où le bon travail sur les bruitages se révèle dans toute sa splendeur. Quant aux effets spéciaux, ils sont dans l'ensemble assez gores et très bien exécutés (un visage arraché, une tête prise dans un piège à loups, un corps déchiqueté…). Certains chipoteront sur les incrustations d'images en DV lors des attaques canines ou sur quelques effets numériques moyennement réussis (voire une erreur de raccord un peu trop visible) mais cela n'a pas suffi à nous gâcher le visionnage.
Au format 1.77, l'image est très correct lorsqu'on prend en compte le côté volontairement brut du métrage. Granuleuse mais joliment contrastée, elle ne présente pas de défauts particuliers et il en va de même pour la piste son en 5.1 qui révèle profondeur et dynamisme. La seule langue proposée est l'anglais (avec sous-titres pour malentendants) mais les dialogues sont clairement audibles et faciles à comprendre en dépit des accents anglais parfois prononcés. Comme dit précédemment, les bruitages sont vraiment très efficaces et une jolie bande musicale complète le tout.
La section suppléments n'a pas grand chose à nous offrir mis à part la bande annonce du film et un Making of de près de 24 minutes. Mais il s'avère très mal fait. Les images ont été tournées sur le vif mais le module souffre d'un manque total de montage, ce qui occasionne un début et une fin très abrupts et surtout, des coupes très anarchiques en plein milieu d'une phrase ou une action. Nous assistons à la préparation et au tournage de diverses scènes d'effets spéciaux mais sans commentaires ni interviews de qui que ce soit. Dommage que l'éditeur se soit si peu soucié de son produit…
Une bonne histoire contenant des personnages ayant de la consistance saupoudrée d'un peu de SA MAJESTE DES MOUCHES, de BATTLE ROYALE, d'un soupçon de RAMBO et d'une bonne louchée de rouge poisseux fait de ce WILDERNESS une entrée tout à fait acceptable dans le panthéon des survivals. Les distributeurs français n'y ont pourtant pas vraiment cru et ne nous l'ont présenté en salles que dans son doublage français, faisant ainsi fuir de nombreux spectateurs préférant la langue originale. Peut-être qu'une édition DVD française verra bientôt le jour pour ce petit film qui le vaut bien.