Cadmos, roi de Crète, défie les dieux qui en retour lui promettent une fin certaine lorsque sa fille tombera amoureuse. Pour pallier ce souci, il enferme sa progéniture loin du regard des hommes et s'auto-proclame dieu à la place du panthéon officiel. Les années passent et le Titan Crios est libéré des enfers pour mettre un terme au règne de Cadmos...
L'Italie s'est intéressée depuis les débuts du cinéma à l'histoire antique et plus particulièrement à celle de l'Empire romain. Dans les années 50, l'industrie cinématographique italienne va troquer le sérieux des fresques américaines qui sont tournées dans les studios Cineccità contre plus de fantaisie. Ce virage sera ainsi amorcé par ULYSSE de Mario Camerini et surtout LES TRAVAUX D'HERCULE de Pietro Francisci. A partir de là, un grand nombre d'aventures, pour la plupart mythologiques, vont donner l'occasion aux muscles en tunique de s'épanouir sur les écrans. Duccio Tessari débute d'ailleurs sa carrière plus ou moins à cette période ce qui le mènera à participer aux écritures de LA VENGEANCE D'HERCULE, HERCULE A LA CONQUETE DE L'ATLANTIDE ou encore HERCULE CONTRE LES VAMPIRES. C'est alors qu'il a la possibilité de réaliser son premier film qui sera donc un péplum !
Coproduction entre la France (Alexandre Mnouchkine avec les Films Ariane) et l'Italie, LES TITANS sera écrit à quatre mains par le très prolifique Ennio De Concini et Duccio Tessari. Mais si les deux hommes ont déjà participé, ensemble, à l'écriture d'autres films du genre, ils ne vont pas pour autant mettre en forme une simple copie du héros herculéen prompt à balancer des rochers à ses ennemis. Bien au contraire, il est décidé de mettre au rencard le héros généralement brun et musclé pour un personnage blond et de corpulence normale. A cet effet, la malicieuse séquence d'introduction du personnage fait défiler un panel de Titans justement bruns et barbus avant de s'arrêter sur Crios qui ne ressemble pas à ses frères... et donc aux autres péplums mythologiques uniformisés. Plutôt que ses muscles, notre héros va donc surtout se servir de son intelligence et de son agilité. Il va ainsi surmonter les obstacles grâce à diverses astuces et même vaincre un adversaire largement plus fort que lui (le français Serge Nubret, champion de culturisme). Mais LES TITANS tranche aussi en abordant son sujet sur le ton de la comédie ou du divertissement familial à l'exception, peut être, d'une scène se déroulant dans les enfers.
Le ton du COLOSSE DE RHODES, auquel Duccio Tessari participa, était déjà assez décontracté et il en va de même de l'attitude parfois un peu frivole d'Hercule dans certaines de ses aventures mais il était difficile de parler de comédie. En fait, il faut remonter plusieurs années en arrière, donc avant la mode, pour y trouver des films italiens abordant l'Antiquité d'un point de vue humoristique avec OK NERON de Mario Soldati et LES WEEK-ENDS DE NERON de Steno. Toutefois, LES TITANS ne tourne jamais vraiment en ridicule son sujet et il n'a donc rien d'un pastiche moqueur. Dans certains passages, le film pourra faire penser à la bande dessinée Asterix comme lors d'un combat entre les Titans et une poignée de soldats ou encore avec les dialogues entre deux gardes antinomiques (l'un poète et l'autre grognon). Mais, dans l'ensemble, l'humour du film, son côté amusant, provient surtout de son protagoniste principal. Crios est un personnage espiègle, idéaliste et rêveur. Des qualités qui font de lui le parfait héros familial prêt à séduire une jolie princesse inaccessible et à affronter mille dangers avec le sourire !
Et des dangers, les aventures mythologiques n'en manquent pas. Bien évidemment, le péplum s'en est accommodé pour produire des films pas toujours d'une grande fidélité aux récits d'origine. Il en va de même avec LES TITANS qui brassent plusieurs histoires de manière à ficeler son intrigue. On retrouve donc les Titans emprisonnés aux enfers suite à leur différent avec Jupiter (Zeus). L'occasion d'y voir les supplices de Prométhée ou Sisyphe avant de libérer Crios qui au gré de ses aventures va toucher du doigt d'autres mythes. Ainsi, il va affronter une gorgone, en utilisant un artifice proche de celui de Persée, récupérer les éclairs de Zeus par l'entremise d'un Cyclope (originellement créateur de la foudre) ou encore descendre aux enfers pour subtiliser le casque d'invisibilité de Hadès. Enfin, LES TITANS va aussi emprunter du côté de l'Illyade en réinventant, à sa façon, le Cheval de Troie. Dans le même ordre d'idée, on notera aussi l'évocation du point faible de l'invincibilité de la reine en référence à Achille. Bien évidemment, ce ne sera pas un talon même si cette partie du corps permettra à un personnage muet d'évoquer le célèbre personnage auprès de notre héros en mimant justement le fameux point faible. Pas vraiment éducatif car mélangeant tout, à l'image des autres péplums, LES TITANS cherche surtout, et avant tout, à divertir avec un spectacle qui rebondit sans arrêt. En cela, le film de Duccio Tessari est une belle réussite que l'on pourra partager avec ses enfants.
Avec LES TITANS, Duccio Tessari démarre sa carrière de réalisateur mais c'est aussi une première pour Giuliano Gemma. Cascadeur, il devient acteur à part entière en incarnant le sautillant et juvénile Crios. Le cinéaste et l'interprète ne tarderont pas à se retrouver dans un genre radicalement différent lorsque la mode laissera derrière elle les sandales et les glaives pour les stetsons et les colts. La touche Duccio Tessari sera d'ailleurs très reconnaissable dans UN PISTOLET POUR RINGO, Western souvent mal aimé, qui adopte un ton très similaire à celui des TITANS. Ensemble, ils feront d'autres films remplis de bonne humeur comme KISS KISS... BANG BANG, LES SORCIERS DE L'ILE AUX SINGES ou TEX ET LE SEIGNEUR DES ABYSSES. Dans LES TITANS, on retrouve aussi Pedro Armendariz, l'un des trois parrains adoptifs aux côtés de John Wayne dans LE FILS DU DESERT ou espion dans BON BAISER DE RUSSIE, qui campe le vilain Cadmos. Enfin, dans un rôle plus anecdotique, Fernando Rey interprète le grand prêtre de Cadmos.
Sans l'annoncer nulle part, René château a sorti LES TITANS à la sauvette avec son traitement royal habituel. Le DVD contient le film et puis c'est tout, il ne faut pas abuser des bonnes choses. Franchement dommage puisqu'il y avait certainement beaucoup à dire concernant ce film fort sympathique et qui fait, à notre connaissance, sa première sortie en DVD. Mais soyons honnête... Cette édition est tout de même un pas en avant par rapport à l'attitude méprisante du consommateur que l'éditeur affiche d'habitude dès qu'il s'intéresse au cinéma de «genre». Car, pour une fois, nous avons droit à de véritables menus animés et sonorisés. On trouve un chapitrage, réalisé plus ou moins aléatoirement de manière à découper le film en douze morceaux. Et il est même possible de consulter un écran parfaitement inutile (bonté divine, un supplément ?). Celui-ci vous indique que vous pouvez mettre le DVD dans votre ordinateur pour cliquer sur les liens qui mènent sur le site de l'éditeur. La classe ! Mais, à priori, il est quand même plus rapide de taper dans son navigateur internet l'adresse du site plutôt que de s'ennuyer à enfourner le disque juste pour ça !
Reste à parler de la qualité du film sur ce DVD. Pour commencer, il est probable qu'il ne s'agit pas d'une version intégrale du film. Bien sûr, vous n'êtes pas obligé de nous croire sur parole. Néanmoins, lorsque qu'entre deux scènes (voir à 9mn06), vous voyez une demi seconde d'une autre séquence totalement différente et que vous ne reverrez jamais ensuite dans son intégralité, c'est qu'il y a certainement un problème. Enfin, certains plans semblent un peu étriqué et il est à supposer qu'il manque aussi un peu d'image sur les côtés. Hormis cela, l'image est plutôt sympathique et propose une copie française du film. Il aurait été sûrement plus judicieux de viser en direction de copies italiennes pour s'assurer de l'inégralité de l'oeuvre. Donc, si le travail numérique a été bien fait, il y a tout de même de la place pour une amélioration notable à condition de s'en donner les moyens (l'envie ?).
Et l'envie, à l'évidence, elle n'est pas là chez René Chateau puisque l'éditeur continue de servir la version française et rien d'autre sur ses DVD. C'est donc le cas du film de Duccio Tessari que l'on découvre avec son doublage français en mono d'origine. Comme pour l'image, on n'y verra pas forcément à redire même si il aurait été possible de supprimer un ou deux craquements ici ou là. De même, on pourra trouver un peu abrupte la fin de certains passages musicaux. Toutefois, outre l'éventualité de la disparition de bouts de pellicule, il est possible que certaines de ces transitions soient d'époque.