L'histoire de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE est un peu particulière en France. Car dès sa première présentation à la censure française, le film se voit purement et simplement interdit. Trop violent ! Trop dur ! Trop choquant ! Cinq années d'interdiction qui donnent son cachet "culte" au film. Cinq ans plus tard, le film est enfin lâché sur les écrans français. Après le passage de pas mal de films d'horreur ouvertement sanglant, MASSACRE A LA TRONCONNEUSE est mal perçu par une frange des spectateurs. Attirés par un titre qui annonce un geyser de sang et des flots de barbaque, beaucoup passent à côté de la charge émotionnelle du film. Un spectacle fantasmé qui est en deçà graphiquement des attentes du moment. Il y aura pourtant parmi les spectacteurs des personnes qui verront toutes les horreurs sur l'écran. La force de la suggestion telle qu'on l'a rarement rencontrée. MASSACRE A LA TRONCONNEUSE n'est donc pas un film gore même s'il a plus que certainement influencé nombre de ses petits camarades sanglants. Il n'en reste pas moins que le film de Tobe Hooper est doté d'une très grande puissance qui en fait l'un des chefs-d'oeuvre du cinéma d'horreur !
Malgré l'indication au début du film, MASSACRE A LA TRONCONNEUSE ne se base que très vaguement sur des faits réels. L'inspiration provient de Ed Gein, fameux tueur en série américain, qui inspira aussi, entre autres, le PSYCHOSE de Hitchcock ou LE SILENCE DES AGNEAUX. Tobe Hooper ne garde du personnage que l'aspect morbide dans la description des lieux (le mobilier...) et les masques de Leatherface. A partir de là, on est en plein dans la fiction pure...
Avec le recul, le film est toujours aussi prenant, stressant, puissant... Même lorsque l'on sait ce qui va se passer, on ne peut s'empêcher d'être pris dans le tourbillon d'images et, surtout, de sons. Le film étant une sorte de spectacle barbare filmé de manière pour le moins brutale. Pas de fioritures ou presque. L'aspect sanglant, Tobe Hooper l'occulte (puisqu'il voulait un film accessible aux adolescents), il se tourne alors vers la démence des personnages. D'un côté trois frères qui vivent dans un monde entièrement dédié à la viande et à son abattage, quel que soit le bétail, et de l'autre une poignée de jeunes qui sombrent les uns après les autres dans cet univers. Les premiers rejoindront directement le royaume des morts, et sûrement la collection personnelle de nos bouchers texans, alors que les autres auront le temps de réaliser ce qui se passe. Un sort bien pire... Enfin, Sally (Marilyn Burns) traversera l'histoire pour finir totalement traumatisée après avoir joué avec nos nerfs en s'époumonant pendant plus de vingt minutes. Un rôle qui a de quoi redéfinir le statut de "Scream Queen". Point culminant de l'histoire, une scène de dîner où la folie et l'ironie de la famille d'équarrisseurs prennent toute leur ampleur. Une séquence de cauchemar de plus ! Même s'il n'est pas dénué d'humour (le laveur de pare-brises, grand-père et son marteau...), c'est l'horreur pure et le nauséeux qui l'emportent sur toute la vision du film.
Si la folie est si palpable dans le film, c'est peut-être simplement parce que l'équipe travaillait au-delà de ses forces. Pas question d'un tournage de tout repos. Sous une chaleur de plomb, avec l'odeur des carcasses pourrissantes, Tobe Hooper n'hésite pas à malmener les acteurs et en particulier Marilyn Burns. Le commentaire audio nous apprend d'ailleurs que certains étaient prêts à tout pour mettre fin à des séquences qui n'en finissaient plus (Gunnar Hansen se passe de trucage pour entailler le doigt de sa victime avec un couteau !). Un tournage au bord de la folie qui transparaît sur le visage des acteurs renforçant l'aspect brut de décoffrage dans la manière de tourner. Avec son aspect particulièrement sale, des teintes marron et jaunâtres, la photo du film finit de capturer un film qui prend des airs documentaires ou tout du moins donne l'impression d'être pris sur le vif.
Le matériel utilisé sur cette édition française s'avère être le même que celui du Laserdisc américain. Un transfert qui, à l'époque de sa sortie, avait divisé les fans du film. En effet, depuis sa sortie et ses diffusions vidéo, personne n'avait vu le film dans une copie aussi propre. Certains trouvaient que cela nuisait à l'ambiance du film. Un véritable paradoxe ! Elite Entertainment avait réutilisé le même transfert pour l'édition DVD parue au tout début de ce support. Cela fait donc maintenant cinq ans que ce transfert vidéo existe et vous en aurez à présent une version identique sur le DVD français. Certains petits problèmes ont été nettoyés mais les défauts les plus flagrants semblent toujours être aux même endroits (des lignes horizontales apparaissent...). Ceci explique le fait qu'on ne trouve sur ce DVD qu'un transfert 4/3 en format respecté du film. A l'époque du LD, personne ne faisait de transfert 16/9.
Puisque nous parlons paradoxe, la découverte de tous les suppléments sur ce DVD déçoit autant qu'elle enthousiasme. A l'exception d'une chose, tout le reste provient toujours de l'édition Laserdisc. La plupart des fans du film auront donc l'impression d'avoir déjà visionné ce qui se trouve là. Une déception tempérée par la présence de sous-titrages français sur tout ce qui est présenté sur ce disque. De quoi rendre accessible le grand nombre d'informations présentées ici au public français. Ainsi, les textes de présentation des scènes coupées ou des divers éléments ont aussi été traduits. Une démarche appréciable...
Studio Canal a donc acheté clef en main le contenu du DVD. Pourtant l'éditeur n'a pas chômé. Dès les premières secondes, l'interactivité du disque vous met dans le bain. Typiquement dans l'ambiance du film, c'est dès lors un plaisir de se promener sur les différents menus de ce DVD. Stressant à souhait ! Enfin, vous trouverez un supplément spécialement réalisé pour cette édition. Pas n'importe quoi puisque Studio Canal a dépéché un journaliste à Los Angeles pour y interviewer le principal intéressé : Tobe Hooper. Il en résulte une vingtaine de minutes de conversation avec le cinéaste entrecoupée par des sketches aussi drôle que des interventions d'Omar et Fred (je voulais mettre Bernard Menez, mais son fan club est trop bien implanté sur le net). Ces passages font rarement mouche et alourdissent une interview qui se suffisait à elle-même. Cela dénote tout de même l'envie de proposer un segment travaillé plutôt que de proposer simplement une personnalité répondant à des questions.
Toujours au moment de la sortie du Laserdisc, Elite Entertainment avait demandé à Chace de remixer le film pour obtenir une bande sonore matricée en surround. Le film étant en Mono d'origine. Heureusement, ce remix ne joue pas la carte de l'esbroufe. Au contraire, il s'avère très respectueux et donne juste un peu plus de corps à la bande-son cauchemardesque du film. On trouvera aussi un doublage français proposé, lui aussi, en surround mais aussi avec le procédé Arkamys.
Terminons sur une dernière note positive. A choisir, cette édition de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE est à présent la plus complète... Et il n'est donc plus la peine de se tourner vers l'import pour obtenir ce film culte dans une meilleure copie que celles distribuées en VHS.